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[CRITIQUE] : Capone


Réalisateur : Josh Trank
Acteurs : Tom Hardy, Linda Cardellini, Matt Dillon, Kyle Machlachlan, Mason Guccione, Jack Lowden, Noel Fisher, Gino Carfarelli,...
Distributeur : -
Budget : -
Genre : Drame, Biopic, Policier
Nationalité : Américain 
Durée : 1h43min

Synopsis :
Emprisonné depuis déjà dix ans, Al Capone se souvient de ses premiers pas dans le milieu du crime...



Critique :


Passé du stade de potentiel next big thing à talent gentiment avalé par la machine Hollywood en l'espace d'un seul et unique naufrage - Fantastic Four - qui, pourtant, dans sa première moitié, regarde pleinement dans les yeux tout ce que le genre super-heroïque a fait de mieux sur la dernière décennie; Josh Trank aurait dû revenir sur le devant de la scène il y a deux ans avec Fonzo (qui avait déjà eu du mal au démarrage), biopic furieux sur les dernières heures d'Al " Fucking " Capone, porté par un Tom Hardy qui semblait autant si ce n'est plus, habité par son rôle qu'il y a douze ans, dans la peau de Charles Bronson pour Nicolas Winding Refn.
Sauf qu'un poissard reste souvent un poissard au coeur de la Mecque du cinoche US, et la péloche, depuis retitrée Capone, a tellement été repoussée des salles obscures, qu'elle atterira in fine de manière totalement improbable, et en pleine pandémie du Covid-19, sur les plateformes VOD du pays de l'oncle Sam.
Un sacré gâchis, tant elle aurait décemment mérité une sortie dans les salles, et non une indifférence (forcée) presque générale d'un point de vue mondiale. 

Credit: Vertical Entertainment


Désacralisant le mythe comme personne, Trank montre Capone au crépuscule de sa vie, une âme mentalement et physiquement à la dérive (un comble quand on sait qu'il faisait justement de son esprit d'acier, sa plus grande force à l'apogée de sa gloire), dont l'esprit déjà dangereusement volatile, se voit torturé par la neurosyphilis ainsi que ses pires souvenirs, et son incapacité latente à en éviter toute la douleur intime.
Alors que des gangsters comme lui ont le plus souvent conservés leurs facultés et ne vivent pas dans le regret - même enfermés -, le Al lui, les laisse l'envahir, le maltraiter et le tuer à petit feu; un homme qui, à l'aube de la cinquantaine, n'a jamais paru aussi mal (et incontinent), effrayé et surtout incroyablement... humain dans sa manière d'aborder chaque minute de chaque heure, comme une épreuve.
Entre The Sopranos et The Irishman - toutes propensions gardées -, Capone se veut aussi bien comme une exploration délicate de la psyché d'une légende de la mafia éternellement respectée, que la mise en images de la tristesse déprimante de la chute tragique endurée de plein fouet par ce même roi; sans pour autant tenter de susciter la moindre empathie à son égard (car la figure du crime qu'incarne Capone, ne le mérite pas).
Pire, dans un effort indéniablement audacieux, Trank évoquerait même l'idée que l'on puisse s'en moquer - sans que l'on se hasarde pourtant à le faire -, de trouver incroyablement pathétique ce véritable monstre de foire gémissant et grognant tout en salissant les meubles et provoquant des conflits familiaux.

Credit: Vertical Entertainment


Telle une fièvre karmique qui viendrait ramener l'équilibre et venir chercher le dû des crimes passés, le film fait glisser Capone au travers d'une échelle de Jacob sourde et troublée, ou comme son héros, nous ne sommes jamais pleinement conscient de ce qui nous est montré - l'esprit d'Al ou le monde réel ?
Totalement vissé sur son regard, formidablement instable et peu fiable, filtré par le prisme de la maladie, l'intrigue alterne constamment entre une volonté de nous faire croire à ce que l'on voit, tout en nous enlaçant dans un voyage hallucinant ou les mondes se heurtent et le temps se replie sur lui-même.
Une étude de personnage sauvage, fantasmagorique et hallucinatoire, presque Lynchienne dans sa forme contemplative (pas un hasard, avec Peter " Mulholland Drive " Deming à la photo) et son souci de tellement décortiquer son sujet qu'il le dépouille à tous les niveaux, mais qui n'aurait décemment pas le même impact sans l'investissement total de son interprète.
Totalement habité par le rôle (à tel point qu'il ne fera plus qu'un avec lui), Tom Hardy l'incarne sans la moindre fausse note, capte l'essence de la fin son existence - tortueuse et perturbée -, et flirte même avec la frontière du cabotinage extrême en se permettant quelques envolées Pacino-esque, pour mieux retranscrire à l'écran, les contours bedonnantes d'une figure confuse enrobée de paranoïa et de cauchemars.
Une âme à la nature profondément destructrice qui se savait formidable autrefois, mais dont la prise de conscience face à sa déchéance, n'en fait plus qu'une épave vide qui attend effrayé, la grande faucheuse.

Credit: Vertical Entertainment


Une oeuvre ambiguë qui raconte sans véritablement raconter, qui est étonnamment posée tout en étant douloureusement malade, désarçonnante autant qu'elle est captivante, mais qui a le bon ton de s'aventurer là ou très peu de films de gangsters - tous comme les drames criminels - se sont hasardés d'aller.
Une errance rythmée et nostalgique tout autant qu'elle est parfois furieusement répétitive (quitte à irriter) et qui, au final, ne pêchera que par la fragilité visible et reconnue de son metteur en scène, dont la caméra tremble toujours autant une fois la première heure passée.
Une réalisation dénuée de toute ampleur ou d'énergie créative, couplée à un montage académique frappé par un manque criant d'assurance (comme si le film avait parfois peur de laisser parler ses propres scènes), Capone ne se rend pas la tâche facile et n'assume jamais visuellement, la singularité d'une histoire qui ne demandait que cela pour s'inscrire durablement dans les mémoires.
Mais comme dit plus haut, sa volonté clinique et couillue de littéralement désacraliser le mythe Capone, mérite à elle seule sa vision et le fait que le métrage soit défendu bec et ongles dans nos colonnes.


Jonathan Chevrier



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