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[CRITIQUE] : Pinocchio


Réalisateur : Matteo Garrone
Acteurs : Roberto Benigni, Federico Ielapi, Gigi Proietti, Marine Vacth,...
Distributeur : Le Pacte
Budget : -
Genre : Famille, Fantastique
Nationalité : Italien, Français, Britannique.
Durée : 2h05min.

Synopsis :
Adaptation du conte de Carlo Collodi par Matteo Garrone.



Critique :



Depuis le succès de Gomorra, où il plongeait dans la Camorra napolitaine, les films de Matteo Garrone sont attendus. Deux Grand Prix au Festival de Cannes (respectivement pour Gomorra et Reality), et de nombreux prix à travers le monde plus tard, il nous revient sur grand écran le 18 mars avec une nouvelle adaptation du conte Pinocchio. Un choix étrange de la part d’un réalisateur qui s’est souvent inspiré de fait réel, dont les films transpirent une réalité crasse. Garonne s’était déjà plongé dans un univers baroque et fantastique, avec Tale of Tales en 2015, inspiré des contes de Giambattista Basile. Restant fidèle à l’histoire inventée par Carlo Collodi, Garrone nous plonge cette fois-ci dans l’Italie du XIXème siècle pour nous raconter de nouveau l’histoire de la marionnette devenue iconique.



Quand nous pensons à Pinocchio, c’est surtout à la version du studio Disney qui nous vient à l’esprit. Pourtant, cette histoire a vu naître bon nombre d’adaptation au fil des années, dont celle en 2003 de l’acteur/réalisateur Roberto Benigni, dans le rôle titre. Cette fois, il se glisse dans la peau de Gepetto, un vieux menuisier sans le sou. La pauvreté, la famine envahissent les rues de cette Italie imaginée par Collodi et mise en image par Garrone. Le chef opérateur Danois Nicolaj Bruel joue intelligemment avec les couleurs et les textures, une photographie très ancrée dans le monde rural. En quelques répliques, l’empathie gagne le spectateur envers ce Gepetto, rêveur et touchant. En voyant s'installer un spectacle de marionnettes en ville, il a l’idée de se créer sa propre marionnette, de faire le tour du monde avec elle et de gagner beaucoup d’argent. Un rêve audacieux pour un vieux monsieur qui n’a jamais quitté son village. Le bout de bois qu’il récupère a un cœur qui bat. Pinocchio se crée entre ses doigts, il ouvre les yeux, il vit. Gepetto, seul, voit en lui non pas une simple marionnette, mais un véritable fils. Un fils qu’il veut éduquer au mieux, en lui inculquant les bonnes manières, ainsi qu’une éducation.



Ce sera même son premier achat - alors qu’il n’a pas de quoi se payer à manger- un abécédaire pour que Pinocchio puisse accéder à la connaissance. Tel un véritable créateur, quand il fabrique Pinocchio, Gepetto fabrique aussi l’univers fantastique du film, qui va entourer le récit. Malgré le fait qu’il soit fait de bois et qu’il vient de naître (en quelque sorte), Pinocchio reste un enfant, qui a une soif incroyable de vie. Comme beaucoup de petit garçon, l’école ne l’enchante guère. Alors quand il voit le spectacle en ville, il y voit l’occasion de rater la leçon, pour aller s’amuser. Mais ce choix aura une conséquence désastreuse, il va être kidnappé par le créateur des marionnettes. Un long voyage et de nombreuses rencontres l’attendent, pour qu’il puisse retourner auprès de son père adoré, Gepetto.



Il est difficile de se démarquer quand on s’attaque à une histoire célèbre et connue de tous. Garrone décide de rester extrêmement proche du roman pour enfant, une façon de s’apercevoir que l’on connaît assez mal le texte originel. Le cinéaste décide de s’éloigner des tendances des films fantastiques pour garder un univers rafraîchissant par son détail et son ton baroque. Au fil des aventures de Pinocchio, Garrone laisse le réalisme du début du film, pour une véritable féérie, qui n’hésite pas à être glauque quand il le faut. Les marionnettes vivantes, mais prisonnières de leurs cordes, la fée bleue, l’ange gardien de Pinocchio, des bandits en forme de chat et de renard, tous ces personnages aident à former une atmosphère marquante, inspirée par l’Italie paysanne peinte par Macchiaioli, par les illustrations de Enrico Mazzanti. Un héritage patrimoniale qui donne une identité à ce Pinocchio, où nous avons l’impression de redécouvrir l’histoire, de retomber en enfance.



En mélangeant la fantaisie avec une bonne dose de burlesque, aidé par Roberto Benigni, Matteo Garrone signe un conte baroque, à l’imagination fourmillante d’idées, loin de la féerie aseptisée hollywoodienne.


Laura Enjolvy