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[CRITIQUE] : L’ombre de Staline


Réalisateur : Agnieszka Holland
Acteurs : James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard,...
Distributeur : Condor Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Biopic.
Nationalité : Polonais, Britannique, Ukrainien.
Durée : 1h59min.

Synopsis :
Pour un journaliste débutant, Gareth Jones ne manque pas de culot. Après avoir décroché une interview d’Hitler qui vient tout juste d’accéder au pouvoir, il débarque en 1933 à Moscou, afin d'interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique. A son arrivée, il déchante : anesthésiés par la propagande, ses contacts occidentaux se dérobent, il se retrouve surveillé jour et nuit, et son principal intermédiaire disparaît. Une source le convainc alors de s'intéresser à l'Ukraine. Parvenant à fuir, il saute dans un train, en route vers une vérité inimaginable...



Critique :


L'histoire de Gareth Jones est tellement fascinante, construite sur des idéaux si puissants et un esprit anti-système férocement palpable, que l'on se demande bien comment il a fallu plus de huit décennies, pour que le septième art s'y penche avec un minimum d'intérêt.
Un jeune journaliste/conseiller en politique étrangère de Lloyd George gallois brillant et courageux, qui fut le premier à sifflé l'alerte de l'Holodomor - la grande famine intentionnelle provoquée par le régime Stalinien entre 1932 et 1933 en Ukraine soviétique, et qui a décimée des millions de personnes - avant d'être largement discrédité par ses pairs (pour être poli) puis assassiné avant son trentième anniversaire.



Soit la définition parfaite de l'homme qui savait trop sur un régime faussement idylique, retranscrite face caméra dans une oeuvre au parti-pris couillu qui elle aussi, semble en savoir peut-être un peu trop, à la vue de son intrigue foisonnante qui a un peu du mal a tout dégainer sans que l'écriture de ses personnages en patisse; car si le travail de recherche est proprement incroyable (impossible de tacler l'implication et la volonté d'Andrea Chalupa au scénario), la dimension humaine n'est pas toujours claire.
Costaud sur le papier - 2h10 qui aurait méritée un petit découpage de bout de gras au montage -, le film de la cinéaste polonaise Agnieszka Holland (Spoor, primé à Berlin) est un biopic qui, un peu rustre au départ (voire un brin hors de propos, tant la péloche épouse intimement l'hypothèse que Jones aurait directement inspiré l'écriture de La Ferme des animaux à George Orwell), devient vite grisant lorsqu'il débarque en terre russe et qu'il laisse exploser l'ambivalence d'un pays où l'on expose le faste et la luxure, pour mieux taire la misère sociale et la mort qui sévit dans un silence glaciale.
C'est quand et seulement quand Holland lance son héros dans sa quête de contradiction des rapports apaisants et pro-staliniens, déblatéré par l'écrivain du New York Times Walter Duranty (personnification de la corruption et du chantre de la désinformation, qui trouve un écho assez effrayant au coeur de notre actualité), qu'elle le jete au péril de sa vie dans l'enfer d'une réalité révoltante et déshumanisée - son périple mériterait à lui seul son propre film -, que L'ombre de Staline répond totalement à ses promesses, éblouit son auditoire par sa mise en scène vertigineuse pour mieux le hanter par sa crudité douloureusement viscérale (certaines scènes sont à la limite de l'insoutenable).



Entre la mise en abîme foisonnante et le drame/thriller sous fond de complots à l'ironie dramatique étonnante (sans jamais tomber dans la facilité du brûlot politique putassier), personnel (Andrea Chalupa a été inspirée par son grand-père) et incroyablement suffocant quand il laisse parler les terrifiantes vérités du régime Stalinien (sublimées par la photographie intense de Tomasz Naumiuk, qui fout littéralement la chair de poule), L'ombre de Staline est un film audacieux et sincère, dominé par un vrai balayage de son sujet, qui aurait certes mérité une rigueur autant à toute épreuve dans sa description de ses personnages (rudimentaires, ne laissant qu'aux exceptionnels James Norton et Peter Sarsgaard, le minimum syndical pour s'exprimer), sa narration (son premier tiers en tête) ou son montage (les deux heures se font bien sentir); des défauts relatifs qui n'atténuent jamais vraiment son statut de drame franc et précieux.
Le genre de séances nécessaires dont la puissante résonance contemporaine (les dangers de La désinformation orchestrée par les politiques, et ses conséquences dévastatrices sur la population) autant que la force évocatrice de certaines séquences, ne s'oublient vraiment pas de sitôt...


Jonathan Chevrier



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