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[CRITIQUE] : La Bonne Épouse


Réalisateur : Martin Provost
Acteurs : Juliette Binoche, Yolande Moreau, Noémie Lvovsky, Edouard Baer,...
Distributeur : Memento Films Distribution
Budget : -
Genre : Comédie.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h49min

Synopsis :
Tenir son foyer et se plier au devoir conjugal sans moufter : c’est ce qu’enseigne avec ardeur Paulette Van Der Beck dans son école ménagère. Ses certitudes vacillent quand elle se retrouve veuve et ruinée. Est-ce le retour de son premier amour ou le vent de liberté de mai 68 ? Et si la bonne épouse devenait une femme libre ? 




Critique :



C'est peut dire que d'affirmer que le cinéma de Martin Provost est on ne peut plus singulier, le bonhomme étant capable de filmer avec la même intensité, un biopic (très) académique d'une femme de ménage/peintre visionnaire (Séraphine), un drame intime bouleversant sur une femme rongée par la culpabilité (Où va la nuit), ou encore une chronique douce-amère sur une sage-femme perturbée par le retour de la maîtresse de son défunt père (Sage Femme).
Des bandes à la qualités diverses, mais toute muées par un sentiment fort d'émancipation féminine, qui se retrouve avec encore plus d'évidence dans son dernier long en date, La Bonne Épouse, chronique catapultée à une époque pas si lointaine mais charnière - quelques temps avant la Révoution de 1968 -, et dont la caméra se pose au coeur d'une école ménagère gérée d'une main de maître par trois figures bien distinctes, trois femmes volontairement archétypales (la prof BCBG, la vieille fille cuisinière et la bonne soeur).


Une mise en image d'un temps révolu (ses institutions ou le but premier était de former les jeunes femmes à devenir de vraies esclaves domestiques, des épouses soumises qui ne se plaignent jamais de leur condition, qui ne vivent que pour le désir de leurs époux et qui accueillent avec bonne humeur et fierté leur oubli de soi) et volontairement oublié, pour mieux démontrer avec une acuité délicieuse, qu'il n'est pas si étranger aux modèles préconçus qui gangrènent toujours autant notre société contemporaine.
Dans la plus pure tradition de ses précédents essais, mais avec une touche d'humour et d'irrévérence sensiblement plus prononcée, Provost croque une petite pépite de comédie historico-sociale profondément féministe dans sa déclaration d'amour sincère et appuyée aux femmes courageuses qui décident de modestement (et avec lucidité, car on ne révolutionne rien en un jour) redéfinir les contours du cadre dans lequel la société a tendance à vouloir les enfermersans leur consentement.
Faisant son beurre des préceptes et des coutumes d'un autre âge (qui date à peine d'un demi siècle, et dont on peinerait presque à les prendre pour une réalité, même si tel était le cas), pour mieux en grossir les traits et articuler son humour (autant via des dialogues succulents qu'un comique de situation plutôt bien amené) autour de la confrontation entre une jeune génération rebelle et une plus ancienne définitivement plus dans le rang (l'erreur ?). 
Dommage d'ailleurs que les ainés, tous campés par une galerie de comédiens au diapason et cabotinant joyeusement (Noémie Lvovsky et Yolande Moreau en tête), prennent une place prépondérante, au point de totalement éclipser ces sujets plus jeunes, véhiculant des dilemmes sociétaux importants (les mariages arangés, l'homosexualité,...).



Résolument coloré (des costumes aux décors, tout est pétillant et flatte nos rétines) et hybride, tant il vogue entre la tragicomédie débridée, la farce burlesque et la comédie musicale délurée à la lisière du documentaire, savamment rythmé et scripté (rien ne déborde, même dans son final un brin culotté); La Bonne Épouse est une vraie comédie euphorisante et énergique, dénonçant avec ferveur les aberrations d'hier pour mieux pointer celle d'aujourd'hui.
Il n'est jamais trop tard pour changer les choses, vraiment.


Jonathan Chevrier