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[TOUCHE PAS NON PLUS À MES 90ϟs] : #42. Kicking and Screaming

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Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 90's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 90's c'était bien, tout comme les 90's, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, prenez votre ticket magique, votre spray anti-Dinos et la pillule rouge de Morpheus : on se replonge illico dans les années 90 ! 


 #42. Kicking and Screaming de Noah Baumbach (1995)

Alors que son nouveau film, Marriage Story, vient de sortir sur Netflix, c’est une période propice pour se plonger ou se replonger dans la filmographie de Noah Baumbach. S’il est maintenant un réalisateur reconnu pour des films comme Les Berkman se séparent ou Frances Ha, j’ai envie aujourd’hui de mettre en lumière son beaucoup moins cité, mais néanmoins ô combien digne qu’on s’y intéresse, premier film : Kicking and Screaming

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Pour cette première réalisation, Noah Baumbach choisi de nous raconter l’immobilisme existentiel d’un groupe d’ami après la fac. Grover, Otis, Max et Skippy ont tous les quatre obtenu leur diplôme, leur reste maintenant la décision toute bête de décider quoi faire de la totalité de leur existence à venir. Mais plutôt que de choisir d’avancer, ce petit groupe plus ou moins sympathique va décider d’emménager ensemble, coincé à la fac, et entrer dans un cercle d’actions inconséquentes qu’ils alimenteront chacun à leur manière, enfonçant un peu plus chacun d’entre eux dans une forme de léthargie ontologique. Ils y trouveront un certain sentiment sécurisant, comme si dans le cadre de leur groupe en déphasage avec le monde (ni à la fac, ni sorti de la fac) ils pouvaient arrêter le temps, se vautrer dans des comportements de groupe régressifs et figer les choses pour toujours évitant ainsi les questionnements personnels sur qui ils sont et ce qu’ils veulent devenir.
Le groupe demeure en flottement entre deux mondes, côtoyant aussi bien les étudiants de première année (surtout les étudiantes, on ne va pas se mentir) que Chet, personnage flegmatique qui fête ses dix ans passés sur le campus. Ce dernier est en quelques sortes le pivot du film, il incarne pendant la majeure partie du film un écho hypothétique de ce que nos personnages deviendront s’ils restent dans leur situation actuelle, un modèle vers lequel ils tendent sans vraiment l’assumer, une preuve tangible qu’il est possible de ne pas avancer. Mais on se rendra compte finalement que la vision qu’on avait de ce personnage était biaisée : alors que nos quatre amis ne parviennent pas à quitter le campus par peur de ce qu’ils trouveront au-delà, Chet a tout simplement trouvé sa voie ici, dans ce mode de vie particulier qui semble lui convenir à lui et rien qu’à lui. Contrairement à eux, il ne s’y cache pas, il s’y épanoui et ne stagne en aucun cas. Le modèle vers lequel tendre change alors et l’on prend conscience de la nécessité pour nos personnages de sortir de leur inertie pour s’accomplir en tant qu’individu. 

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Le réalisateur parvient à faire de son film un cocon doux-amer, aussi bien pour ses personnages que pour ses spectateurs qui passeront au-delà du manque d’action relatif du film et s’y immergeront bien volontiers. Et comme tout cocon, si tout se passe bien, on y entre en rampant et on en ressort avec des ailes toutes neuves. Car si le film le raconte, il n’est pas une ode à l’immobilisme et cette bulle hors de la réalité n’a pas vocation à être plus qu’une passade, probablement nécessaire à tous les quatre pour finalement accepter d’aller chercher sa place dans l’existence. Non pas forcément la trouver du premier coup, mais au moins de partir à sa recherche, trouver un but et oser vivre. A la fin du film nos personnages sont loin d'être accompli, ils ont tout simplement enclenché un mouvement, et vont devoir maintenant se confronter a la réalité et ce qu'elle comporte de décevant. A l'image de Grover dans l'excellente scène quasi-finale de l'aéroport, qui après un discours passionné pour obtenir une place dans un avion complet pour rejoindre la fille qu'il aime, un monologue digne des plus grands films romantiques, se retrouve cloué au sol pour la raison toute bête qu'il n'a pas son passeport. La stupide, l'absurde réalité qui court-circuite un élan romanesque, si ça ce n'est pas la chose la plus triste du monde... 
Mais si la réalité est décevante, les sentiments sont vrais et les souvenirs sont beaux. Et puis, l’hôtesse a raison. On pourra toujours partir demain. 


Kevin