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[CRITIQUE] : 1917


Réalisateur : Sam Mendes
Acteurs : George MacKay, Dean-Charles Chapman, Mark Strong, Andrew Scott, ...
Distributeur : Universal Pictures International France
Budget : -
Genre : Guerre, Drame
Nationalité : Britannique, Américain.
Durée : 1h59min.

Synopsis :
Pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies.



Critique :


L’épopée de guerre semble être un passage obligé pour tout grand cinéaste qui se respecte. Kubrick, Coppola, Spielberg, Stone, Eastwood, la liste est longue. Christopher Nolan s’y est essayé en 2017 avec Dunkerque et sa bande son millimétrée signée Hans Zimmer. Sam Mendes s'était déjà attaqué à l’exercice avec Jarhead, la fin de l’innocence en 2006 se passant pendant la guerre du Golf, il revient début 2020 avec 1917 pour bien commencer la nouvelle décennie, qui comme son titre l’indique,se déroule durant la Première Guerre Mondiale. Contrairement à ce que l’on peut croire, c’est aussi le plus personnel de ses films. Après deux James Bond, Sam Mendes décide d’écrire son premier film, à l’aide de Krysty Wilson-Cairns et s’inspire des récits de son grand-père, qui a fait la guerre jeune, seulement dix-sept ans et qui n’avait jamais partagé son histoire avant que Mendes lui-même ne l’encourage à le faire. 1917 lui est dédié.



Le film a un concept simple à l’instar de Dunkerque. Vingt-quatre heures dans la vie de deux caporaux, Schofield et Blake, qui se trouvent affublés d’une mission à haut risque, avec à la clef un ordre de la main même du Général Erinmore pour empêcher la mort de mille six cent hommes sur le point de tomber dans un piège allemand. Pour cela, ces deux simples soldats vont devoir traverser le No Man’s Land, le territoire allemand et une partie de la campagne française tout seul. Une mission impossible et suicidaire. Mais Blake est déterminé : son grand frère se trouve dans la division qui va donner l’assaut. Pour donner une impression d’immersion, vu que le récit se passe en une seule journée, Mendes décide d’utiliser un procédé technique qui requiert beaucoup de préparation et d’organisation : le plan-séquence. Ici, le film en possède plusieurs, qui se succèdent (les non-initiés n’y verront que du feu). Une ambition qui s’appuie beaucoup sur le talent du chef-opérateur, Roger Deakins (oscarisé pour Blade Runner 2049). Un travail de qualité, au vu des nombreux changements de décors, les tranchées, les cachettes sous-terraine, les rivières dangereuses, etc… Une précision quasi militaire, qui n’est pas là pour faire joli. Le plan-séquence est cohérent avec le récit.



Sam Mendes voulait montrer la fine séparation entre la vie et la mort dans ce genre de situation qu’est la guerre. L'héroïsme n’y est pour rien, la chance, l’entraide, couplées avec l’expérience étaient plus efficaces. Pour éviter au film d’être trop redondant, le scénario a l’intelligence d’être plein de rebondissements, de lieux. La tension est présente, avec cet horrible enjeu de sauver toute une division rien qu’avec une lettre et du courage. Pourtant, malgré sa précision, sa maîtrise et son envie de bien faire, Sam Mendes n’évite pas quelques défauts. S’il arrive à ne jamais être dans la performance, le piège du plan-séquence, il le fait d’une manière trop lisse. On regrette aussi un côté naïf, où l’on est spectateur d’une naissance d’un héros, alors que Sam Mendes, venu présenter son film, a bien confirmé que ce n’était pas son intention.



Nous avons là un bel exercice de la part de Sam Mendes qui arrive à dépasser la technique pour offrir un spectacle impressionnant, une virée printanière dans l’horreur de la guerre. Avec 1917, le cinéaste réussit pleinement son après “James Bond”.


Laura Enjolvy




Je crois qu’il est important de débuter par cela : 1917 n’est pas une prouesse technique. Beaucoup ont réduit le long-métrage à ce plan-séquence en passant à côté du véritable objectif de tout cela. Car, ici, Sam Mendes utilise ici une technique de cinéma, non pas dans un but de démonstration filmique visant à étaler sa maitrise de la caméra, mais bien pour porter, incarner, transcender une trame narrative jouant avant tout sur le dépouillement.



Dans les faits, il n’y a rien de plus simple que résumer le nommé à l’oscar du meilleur film, deux soldats britanniques doivent traverser les lignes ennemies afin de transmettre un message pour éviter un possible massacre. De ce post-it scénaristique émerge toute la puissance du cinéma : l’image. Elle est, grâce à cette caméra omniprésente, au centre de tout, partout, tout le temps. L’image est ici aussi horrifique que poétique, elle fait accélérer le pouls et couler les larmes; elle est le montage, elle cadre, zoom, prend ce qu’il lui faut et délaisse l’inutile, elle est le rythme du récit, ce qui rend l’œuvre aussi exaltante que profondément touchante.
Car avant tout, ici, l’image est humaine, Mendes parvient à presque faire oublier son contexte : la Première Guerre mondiale. Dans l’assèchement de ce récit, le spectateur devient le compagnon de ces deux soldats, Will et Tom, dès lors, peu importe les opérations militaires égrainant ce conflit, peu importe les raisons du déclenchement, les enjeux politiques ou les diverses alliances. 1917 est donc un film à hauteur d’hommes, qui, de par son procédé, implique son spectateur.
On pourrait voir en 1917 une sorte de jeu vidéo, on entre dans la salle comme on met un casque de réalité virtuelle. Dès les premières images, on vit cette guerre aux côtés de ces soldats, on ressent l’angoisse, la peur, l’incertitude, on voit la mort comme eux l’ont vu, on sort du film épuisé comme si on avait fait cette route avec eux.



Car, au fur et à mesure, quand la technique se fait secondaire, le long-métrage dévoile une puissance dramatique qui bouleverse, véritable tragédie intimiste, 1917 offre quelques séquences qui mettent à rude épreuve nos émotions et peuvent arracher quelques larmes — c’était mon cas.
Tout cela est magnifié par la photographie exceptionnelle de Roger Deakins, fidèle du cinéaste, qui encore une fois impressionne dans quelques séquences clés, notamment la traversée de nuit d’un village ravagé. Une scène somptueusement mise en musique par Thomas Newman, autre fidèle, qui livre une partition schizophrénique alternant pur moment d’ambiance grave et quelques morceaux qui prennent avec exaltation l’oreille.
Enfin, quelques mots sur cette distribution, Sam Mendes a fait le choix de mettre en avant des acteurs relativement peu connus en tête d’affiche, logiques vu la jeunesse des soldats ayant affronté cette guerre. Dean-Charles Chapman et surtout George MacKay impressionnent par la justesse d’un jeu souvent mutique. À noter quelques beaux noms pour des rôles secondaires, Richard Madden qui décroche une des scènes les plus déchirantes, Mark Strong, Colin Firth ou encore Benedict Cumberbatch complètent le casting.



Ainsi, 1917 s’extirpe du piège initial, n’être qu’une démonstration technique impressionnante, mais sans épaisseur. Car, à la fin, c’est l’émotion qui prend le dessus et qui habite le spectateur après sa séance. 1917 s’inscrit dès lors, non pas tellement dans l’héritage du Dunkirk de Nolan, mais bel et bien dans celui de Il Faut Sauver le soldat Ryan de Spielberg, et ce n’est pas rien venant de ma part.

Thibaut Ciavarella


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