[CRITIQUE] : Une Colonie
Réalisatrice : Geneviève Dulude-De Celles
Acteurs : Emilie Bierre, Irlande Côté, Jacob Whiteduck-Lavoie,...
Distributeur : Wayna Pitch
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Canadien.
Durée : 1h46min
Synopsis :
Une quinquagénaire surinvestie dans l'humanitaire est mise en concurrence dans le centre social où elle travaille. Elle va alors embarquer ses élèves en cours d'alphabétisation, avec l'aide d'un moniteur passablement foireux, sur le hasardeux chemin du code de la route.
Critique :
Beau récit d'apprentissage tourné tel un docufiction à la délicatesse fabuleuse, qui se part d'un vrai double regard sur le passé colonialiste du Québec et un problème de société très inquiétant (le harcèlement scolaire),#UneColonie est un teen movie authentique, touchant & juste pic.twitter.com/zEMvnVwFzF— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) November 6, 2019
Les chroniques adolescentes sur le dur passage de l'enfance vers la vie adulte, qu'elles soient au féminin ou au masculin, sont un terreau presque inépuisable pour le septième art tant elles brassent des sentiments universels, et cette propension à en produire assez régulièrement, est une véritable aubaine pour les amateurs du genre, surtout quand celles-ci sont croqués avec un minimum de coeur et d'application, sans pour autant dénigrer un humour gentiment regressif - voire à la limite du potache.
Laissant sensiblement l'humour bas du front de côté pour lui préférer un réalisme intime tout particulier, Une Colonie, premier long-métrage de Geneviève Dulude-de-Celles, s'attache à la crise existentielle de la jeune Mylia, gamine timide mais farouche, qui va devoir remettre en cause tout son univers en quittant sa campagne natale pour rentrer dans la " Grande Ecole ", en épouser les codes et coutumes tout en apprivoisant son hostilité en apparence indomptable, et les changements que cela implique sur sa propre personnalité, alors que les changements de l'adolescence ne cesse de pointer le bout de leur nez si inquiétant.
Sans avoir à trop forcer le trait, on se prend pleinement d'affection pour Mylia (Emilie Bierre, éblouissante et empathique), totalement consciente qu'elle quitte durement le monde de l'enfance, et qu'elle est désormais obliger de faire sa place dans un monde qui ne lui facilitera pas la tache, entre injonctions et conformisme identitaire.
On se reconnait en elle, dans sa manière d'appréhender le monde, les autres (et cette quasi-obligation, pour survivre, d'appartenir à un groupe), de se heurter à la bêtise adolescente ou même de se trouver un réconfort salutaire au coeur d'un cocon familial attachant (notamment dans la relation attachante et complice qu'elle entretient avec sa plus jeune soeur), et de se protéger de ce passage difficile, en s'isolant.
Une vraie figure sensible, marginale et commune à la fois, à laquelle on associe un pendant aussi troublée et solitaire, Jimmy, un jeune amérindien marginalisé avant tout à cause de ses origines.
Superbe récit d'apprentissage contemplatif tourné tel un docufiction à la délicatesse et à l'authenticité fabuleuse, qui se part autant d'un beau ton contre l'anticoformisme que d'un vrai regard sur le passé colonialiste du Québec et un problème de société de plus en plus imposant et inquiétant (le harcèlement scolaire), La Colonie est un teen movie touchant et juste, parfaitement conscient de ne pas renouveler le genre qu'il aborde, mais à laquelle il ajoute une jolie ligne sensible et enlevée.
Un beau et solide premier essai.
Jonathan Chevrier