[CRITIQUE] : Matthias et Maxime
Réalisateur : Xavier Dolan
Avec : Gabriel D'Almeida Freitas, Xavier Dolan, Anne Dorval,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Canadien.
Durée : 1h59min
Synopsis :
Deux amis d’enfance s’embrassent pour les besoins d’un court métrage amateur. Suite à ce baiser d’apparence anodine, un doute récurrent s’installe, confrontant les deux garçons à leurs préférences, bouleversant l'équilibre de leur cercle social et, bientôt, leurs existences.
Critique :
Vrai récit de découverte, d'attente, de doute et d'acceptation porté par une délicatesse étonnante dans ses émotions poignantes et viscérales, #MatthiasEtMaxime est un beau et dynamique mélodrame, solidement incarné et sublimé par la photographie douce et enlevée d'André Turpin. pic.twitter.com/Vf9j6coaje— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 16, 2019
La réception de tout nouveau film de Xavier Dolan ne peut jamais vraiment être nuancée : soit il est adulé par les amoureux du bonhomme, soit il est sensiblement conspuée par ses détracteurs, et le fait que le cinéaste mette beaucoup de sa personnalité dans ses oeuvres (prétensieuse pour certains, sincère pour d'autres), accentue pleinement l'éloignement de ses deux pôles d'avis, celle-ci pouvant être tout autant l'aspect touchant et sincère que le trait indubitablement irritant de ses créations.
Le papa de Laurence Anyways divise depuis ses débuts, et le mot est faible.
Si l'on ne se range pas forcément dans le premier camp - quoique -, même si l'on aime sincérement la majorité de ses péloches, gageons que l'arrivée en salles de Matthias et Maxime (passé par la case sélection officielle à la dernière réunion cannoise), son second long de l'année après le formidable The Necessary Death of John F. Donovan (comme en 2014, ou l'on découvrait presque coup sur coup, le solide Tom à la Ferme et la claque Mother), nous alléchait au plus haut point, tant il laissait augurer un mini-retour aux sources on ne peut plus salvateur, avec un vrai film de bandes intime pour lequel il se remet à nouveau en scène.
Québécois jusqu'au bout de la pellicule, axé sur un sujet pesant et sensible mais volontairement moins lourd que pour ses précédentes histoires sur pellicules, Dolan tricote un joli moment de cinéma sur un amour tabou et un tant non assumé, entre deux amis de longue date qui vont voir leur relation totalement bousculée le jour où ils partagent un baiser, pour le bien d'un court-métrage dont ils sont les comédiens.
Le genre de petit évènement supposément anecdotique - et qui n'est d'ailleurs même pas montré à l'écran -, qui ne dure qu'un instant, mais qui bouleverse une vie tel un tsunami existentielle dont on ne peut que ressortir changé, en bien comme en mal, tant il remet en cause tout ce que l'on prenait pour certitudes jusqu'à cet instant T troublant.
Vrai récit de découverte, d'attente, de doute et d'acceptation portée par une délicatesse étonnante dans ses émotions poignantes et viscérales, articulée sur deux personnalités bien distinctes devant lutter avec leurs propres démons (notamment une relation maternelle toxique, à nouveau personnifiée par la merveilleuse Anne Dorval) se séparant après une vie commune sans réellement se donner la moindre explication pourtant cruellement nécessaire, Matthias et Maxime pose la délicate mais importante et universelle question du : doit-on tout foutre en l'air par amour ?
Face aux pressions familiales, sociales et existentielles, face à la perte des certitudes, des croyances pourtant ancrées en nous depuis toujours (assénées par nos parents ou la société en général), Xavier Dolan orchestre sa réponse, non sans une tension éléctrisante et un romantisme enchanteur, et lance un regard aussi désespéré que tendre à une génération paumée littéralement sur la corde raide - et donc furieusement empathique.
Relaxée mais pas sans ambition aussi bien scénaristique (on retrouve les thèmes importants de l'amitié, de la famille et du secret qui nourrissent son cinéma depuis toujours) que technique (sa mise en scène, totalement mise au service de l'histoire et de ses comédiens, est d'une virtuosité et d'une sobriété rare), sublimée par la photographie douce et enlevée d'André Turpin, le Dolan nouveau, incarné à la perfection et aussi émouvant qu'il est léger, est un mélodrame rafraichissant, dynamique et sensuel sur l'amour et l'amitié, boostée par des dialogues tirés au cordeau et un sentiment de proximité proprement fascinant.
Le cinéaste vise l'épure et assume ses failles, à savoir si cela restera un geste isolé dans sa filmographie ou tout simpement la preuve d'une maturité certaine, l'avenir nous le dira et, une fois n'est pas coutume, on sera à nouveau du rendez-vous.
Jonathan Chevrier
À contrepied total avec son précédent film, Ma Vie avec John F. Donovan, Xavier Dolan revient avec un film au scénario simple, droit au but, et un sujet quotidien. Une histoire d’amitié, d’évolutions des relations, auxquelles chacun pourrait s’identifier. Le pari est réussi pour Dolan cette fois-ci : si les caractérisations des personnages sont légères, on se sent tout de suite happés dans cette bande de potes depuis le primaire, qui nous intègrent dans leurs week-ends au chalet et leurs private jokes. Chaque plan, à l’habitude de Dolan, est absolument magnifique, des lacs orangés canadiens aux rues enneigées de Montréal. Chaque blague est formidablement placée, occasionnant de francs rires dans la salle, tout en ménageant des moments d’émotions brutes. Il y a beaucoup de non-dits entre les personnages du film qui se comblent tous seuls, par un savant agencement des dialogues, rendant le film totalement crédible.
On a envie d’avoir des amis aussi attentionnés et soudés, moyennant quelques doutes sur son meilleur ami. Le choix des musiques est formidable (la scène du Time’s Up notamment) et complimente parfaitement les scènes, tout comme les nombreuses références et clins d’œils (est-ce un hasard si un ballon vient flotter au milieu d’une scène de tension ?). Il est jubilatoire de constater le soin du détail des décors, des costumes jusqu’aux maquillages, toujours présent chez Dolan et omniprésent ici. Dolan renoue donc avec l’émotion, moins marginale et plus normée, mais toujours aussi percutante et efficace. Si l’on peut regretter un traitement un peu rapide des personnages principaux, il parvient à créer un univers d’amitié et d’amour en quelques plans. Plus qu’une envie : nous aussi aller nager dans le lac aux bords des forêts automnales du Canada !
Léa