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[CRITIQUE] : Les Oiseaux de Passage


Réalisateur :  Ciro Guerra et Cristina Gallego
Avec :  José Acosta, Carmiña Martínez, Jhon Narváez,...
Distributeur : Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Colombien, Danois, Mexicain, Français.
Durée : 2h05min.

Synopsis :
Dans les années 1970, en Colombie, une famille d'indigènes Wayuu se retrouve au cœur de la vente florissante de marijuana à la jeunesse américaine. Quand l'honneur des familles tente de résister à l'avidité des hommes, la guerre des clans devient inévitable et met en péril leurs vies, leur culture et leurs traditions ancestrales. C'est la naissance des cartels de la drogue.



Critique :

Il y a un petit sentiment de " ce n'est pas trop tôt " qui nous parcoure à la vision de la sortie tardive des Oiseaux de Passages de Ciro Guerra et Cristina Gallego, un couple de cinéastes qui avait crée l'évènement à la sortie de son précédent long-métrage (l'excellent L'Etreinte du Serpent), tant le film a prit gentiment son temps pour trouver son chemin dans nos salles obscures, près de onze mois après sa présentation à la Quinzaine des réalisateurs lors de la dernière Croisette.
Mais le voici enfin, flanqué entre deux blockbusters rutillants et péloches hexagonales difficilement défendables (c'est toi que l'on regarde Chatillez), pour mieux nous catapulter dans les arcanes fascinants de la criminalité Colombienne, bien loin des standards du genre remis au gout du jour suite au succès de Narcos ou même de Sicario et sa suite; des bandes puissantes et évocatrices, n'hésitant jamais à mettre en image une violence et une réalité cruelle.
Articulé en cinq actes bien distincts construit sur une vingtaine d'années, à la lisière du documentaire sociologique et de l'étude sociologique,  le film de Guerra et Gallego, à la portée infiniment intime, s’intéresse à la naissance des cartels de la drogue via le prisme de la démystification d'un genre ultra codifié autant que de l'image même véhiculée par les narcotrafiquants (qui ne sont, dans les 70's/80's, que des hommes et des femmes issus de tribus diverses).



Au coeur d'un folklore enivrant, de terres régies par un héritage culturel puissant et aux peuples vouant un culte aveugle à leurs ancètres, les deux cinéastes laissent s'immiscer douloureusement la gangrène de la violence, de la marijuana et du business florissant qu'il peut - un temps - incarner, pour mieux glisser vers la tragédie familiale poignante d'hommes et de femmes salissant leurs valeurs et leurs croyances ancestrales sur l'autel du capitalisme putassier.
Poème immersif et contemplatif aux paysages somptueux, pervertis par des envolées violentes filmées avec crudité, Les Oiseaux de Passage croque la dure évolution de tribus colombiennes arpentant le rude chemin vers le monde occidentalisé, reniant la richesse de la nature pour celle fugace et factice, de l'artificialité bling-bling.
Une oeuvre quasi mystique et presque hors normes, aussi évocatrice qu'elle est d'une beauté rare, tiraillée entre traditions et désir de pouvoir impossible à assouvir, le nouveau bijou de Ciro Guerra et Cristina Gallego joue continuellement la carte de la symbolique écrasante pour mieux affirmer sa singularité autant que l'universalité de son propos, ne se cantonnant pas uniquement aux simples indigènes Wayu. 
Une belle petite claque.


Jonathan Chevrier