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[CRITIQUE] : La Favorite


Réalisateur : Yorgos Lanthimos
Acteurs : Olivia Colman, Rachel Weisz, Emma Stone, Nicholas Hoult,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : -
Genre : Historique, Comédie, Drame
Nationalité : Américain, Britannique, Irlandais.
Durée : 2h00min.

Synopsis :
Début du XVIIIème siècle. L’Angleterre et la France sont en guerre. Toutefois, à la cour, la mode est aux courses de canards et à la dégustation d’ananas. La reine Anne, à la santé fragile et au caractère instable, occupe le trône tandis que son amie Lady Sarah gouverne le pays à sa place. Lorsqu’une nouvelle servante, Abigail Hill, arrive à la cour, Lady Sarah la prend sous son aile, pensant qu’elle pourrait être une alliée. Abigail va y voir l’opportunité de renouer avec ses racines aristocratiques. Alors que les enjeux politiques de la guerre absorbent Sarah, Abigail quant à elle parvient à gagner la confiance de la reine et devient sa nouvelle confidente. Cette amitié naissante donne à la jeune femme l’occasion de satisfaire ses ambitions, et elle ne laissera ni homme, ni femme, ni politique, ni même un lapin se mettre en travers de son chemin.



Critique :

Le cinéma loufoque et singulier du talentueux Yorgos Lanthimos a toujours eu la savoureuse habitude de décortiquer l'âme humaine, que ce soit dans ce qui l'anime (l'amour, dans le formidable The Lobster) ou dans ce qui la terrifie (le tout aussi brillant Mise à Mort du Cerf Sacré), le tout avec un penchant certain pour le drame psychologique et métaphorique, genre propice pour égrainer ses thèmes phares (la solitude, l'apathie, l'étude pessimiste de la nature humaine, ici robotique et amorale, mais surtout l'American Way of Life et l'image de la famille ricaine faussement puritaine).
Il n'y a rien de plus excitant donc, à l'idée de voir que pour son nouveau long-métrage, le bien nommé La Favorite, le bonhomme abandonne littéralement ses repaires habituels pour se plonger tête la première dans la comédie - unique évidemment -, autant que dans une réalité historique inédite dans son cinéma, l'obligeant à aborder le caractère de personnages ayant réellement existé : la cour fragile de la Reine Anne, dans l'Angleterre du début du dix-septième siècle.



N'ayant point perdu une once de son inventivité absurde et encore moins de la radicalité singulière de sa mise en scène (ici sensiblement plus grandiloquente et enlevée), Lanthimos déjoue le classicisme avec modernité et s'amuse une nouvelle fois à déstabiliser son spectateur par la force d'une délirante odyssée en costumes esthétiquement remarquable, aussi désopilante que dérangeante - sa marque de fabrique -, un pur film d'époque qui n'a pourtant... strictement rien ou presque, d'un film d'époque.
Passé les fameux codes et passages obligés du genre (le faste des costumes et des décors, le ton du language, les us et coutumes de l'époque,...), le cinéaste concocte un fantastique et déluré ménage à trois, un triangle amoureux radical et cruel entre trois femmes sous fond de jeu de pouvoirs et de séduction jouissivement impudique et fascinant dans son élan de révisionnisme.
Renversant littéralement l'ordre établi (les femmes tirent, mangent et parlent de guerre et de mort comme des hommes), il s'échine même, tel un anti-Elizabeth, à dévoiler une vision sincère de l'humanité de l'époque : pourrie, sale, sexuellement libérée (avec les maladies qui vont avec) et vulgaire, loin des canons jouant la carte de la réserve et de la décence loin d'être toujours juste.



Un écrin d'exception, véritable terrain de jeu de tous les possibles pour ces trois héroïnes-titres, à la fois dominés et dominantes, d'une Olivia Colman imposante et tempétueuse en reine Anne à une Emma Stone en complet contre-emploi, entre candeur et brutalité, sans oublier la lumineuse Rachel Weisz, dont la prestation caustique et délicate
Faux drame d'époque à la limite du mélodrame tortueux mais vraie comédie fascinante, percutante et volontairement bouffone (dans le bon sens du terme), bien plus maligne et juste qu'elle n'en a l'air, dont le cynisme furieux hante encore longtemps après sa vision, La Favorite est un bijou de cinéma décomplexé, dérangeant et follement pessimiste comme on aimerait en voir plus souvent.
On t'aime Yogos, vraiment...


Jonathan Chevrier






Yorgos Lanthimos a l’habitude de surprendre à travers des films comme The Lobster ou Mise à Mort du Cerf Sacré. Se lançant ici dans un drame historique fortement inspiré de faits réels, on aurait pu penser que ce genre l’aurait pousser à être plus académique dans sa mise en scène. Fort heureusement, il n’en est absolument rien. Pendant deux heures, au gré d’un chapitrage comique, le film montre les arcanes souterraines d’un pouvoir royal bien fragile. Les intrigues de la Cour d’Angleterre sont magnifiquement ridiculisées dans un château imposant. Le film, malgré un sujet plutôt sérieux (l’éternelle guerre contre les français et la décrépitude physique de la reine) est très drôle. Il regorge en effet de scènes improbables (une bataille dans les bois, des lancers de fruits) et de dialogues truculents. Les éclats de rire sont francs devant l’absurdité ou le langage cru! Emma Stone y trouve ainsi son rôle le plus désopilant depuis la comédie adolescente Easy A. Les autres actrices, Olivia Colman (vue dans Broadchurch) et Rachel Weisz crèvent également l’écran, ne laissant pratiquement aucune place aux personnages masculins, sauf celui de Nicholas Hoult affublé d’une perruque poudrée.



Le film fait tout pour placer ses trois héroïnes constamment au centre du récit, montrant à quel point la politique nationale peut parfois se résumer à des intrigues de comptoir. Chaque pique, chaque stratégie des protagonistes pour s’approprier le pouvoir est mis en scène comme les épisodes d’un triangle amoureux. Les hommes n’ont que très peu de place et d’importance dans cette intrigue ou ne sont que des outils des femmes. Ils sont comme les spectateurs, aptes seulement à observer, à rire ou à subir leurs décisions dans l’histoire. Certaines scènes, dérangeantes et peu accessibles, semblent balader le public dans des imageries obsédantes. Mais Yorgos Lanthimos sait toujours re-captiver pour mener le récit exactement où il le veut, notamment grâce à des actrices complètement impliquées physiquement (transformations de Colman et Weisz) et dans leur jeu. 


Léa


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