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[CRITIQUE] : Bodied


Réalisateur : Joseph Kahn
Acteurs : Calum Worthy, Anthony Michael Hall, Jackie Long,...
Distributeur : YouTube Premium
Budget : -
Genre : Drame, Comédie.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h00min.

Synopsis :
Adam, un étudiant blanc issu des beaux quartiers, déchaîne les passions lorsqu’il décide de rejoindre le monde provocateur des rap battles, au grand dam d’Anna, sa petite amie féministe et possessive...



Critique :


Pure bête de festivals - dans tous les sens du terme - , frappée du génie de celles qui marquent les rétines partout où elles peuvent être projetées, Bodied a pourtant, à l'instar du précédent long du définitivement " hors système " Joseph Kahn - Detention -, fait la douloureuse expérience de ne pas pouvoir trouver sa place dans des salles obscures n'attendant pourtant que lui.
Qu'à cela ne tienne comme on dit (le genre d'expression qui te fait prendre dix ans à chaque fois qu'elle est prononcée), ce sera par la voie de YouTube Premium, connu depuis peu comme un wannabe outsider aux Netflix, Amazon and Co, que le film sera offert aux cinéphiles du monde entier, et force est d'avouer qu'ils seraient bien idiots de ne pas profiter de ce sommet de cinéma totalement conscient de la claque qu'il incarne à chaque bordure de sa pellicule.



Plongée en apnée dans le monde des rap battles façon quête initiatique d'une rising star comme avait pu le faire Eminem dans le biographique 8 Mile de Curtis Manson (on y retrouve une nouvelle fois un jeune homme blanc, venant cette fois d'un milieu aisé et ayant baigné toute sa vie dans la littérature, voulant se frotter à un monde qui n'était supposément pas le sien), Joseph Kahn filme les joutes verbales de wannabe légendes du rap comme un sport, un art à part entière ou jongler malicieusement avec les mots (le pouvoir des mots est démentiel quand il est justement utilisé, destructeur quand il l'est moins) est autant une gymnastique travaillée au jour le jour qu'une discipline qui demande de l'énergie et une rage de vaincre sans pareil, tout en restant dans un respect de l'autre essentiel et vital.
L'important c'est d'être meilleur que son adversaire, se transcender et faire que chaque phrase assassine ait un impact encore plus imposant qu'une balle de Magnum 347 dans le buffet, sans pour autant tomber dans la facilité de l'irrespect ou de la violence.
Et c'est justement en célébrant comme rarement le monde du rap (dont il aborde et dégomme toutes les idées reçues), en scrutant à la loupe cet univers avec authenticité (quitte à en écorner ses clichés avec cynisme) tout autant qu'il filme chaque bataille de rimes comme un moment de bravoure à part entière aussi jouissivement entrainant qu'épuisant de puissance - et dont la fluidité d'éxecution est proprement indécente -, que Kahn trouve le terreau parfait pour mieux pointer du bout de la caméra de l'importance capitale de la culture du language dans la société contemporaine - et encore plus américaine -; un sujet politique fort qu'il ne perd jamais de vue, même dans ses quelques envolées fun et volontairement plus légères.



Transcendant les faiblesses d'un script un brin limité en jouant habilement sur les oppositions (boboïsation d'une certaine classe de la société US opposé aux cloisonnement des diversités et des populations, la liberté d'expression opposée au politiquement (in)correct) et des thèmes fascinants (le poids des mots, la discrimination, l'appropriation culturelle,...), autant que par force d'une mise en scène frénétique et stylisé, qui trouve toujours le bon rythme et la bonne justesse de cadre, Joseph Kahn fait de son Bodied un sommet de cinéma poétique et enthousiasmant, à l'énergie et au dynamisme férocement communicatif, sur la compréhension de l'autre et la nécessité du dialogue pour mieux démolir les idées préconçues.
Balançant son message de manière radicale et viscérale et ce sans la moindre redondance, Joseph Kahn ne prend jamais de gants et c'est tout à son honneur, son troisième essai n'en est que plus fort et incarne un vrai et pur shot d'adrénaline, comme on aimerait en avoir plus souvent, et encore plus dans une salle obscure...


Jonathan Chevrier