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[CRITIQUE] : Ma Fille


 

Réalisateur : Naidra Ayadi
Acteurs : Roschdy Zem, Natacha Krief, Darina Al Joundi, Camille Aguilar,...
Distributeur : Mars Films
Budget : -
Genre : Drame, Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 1h20min.

Synopsis :
Hakim et Latifa ont fui la guerre civile algérienne au début des années 90. Ils vivent depuis dans le Jura, avec leurs deux filles : Nedjma 14 ans, et Leïla, l’aînée, partie suivre ses études de coiffure à Paris. Trois jours avant Noël, Nedjma reçoit un SMS laconique de sa grande sœur. Elle ne pourra pas venir les rejoindre pour les fêtes, prétextant une nouvelle fois une surcharge de travail… Latifa s’en prend à Hakim et le pousse à aller chercher Leïla. Nedjma viendra avec lui, ils en profiteront pour découvrir Paris. À leur arrivée dans le salon de coiffure, ils apprennent que Leila n’y a en réalité jamais travaillé. C’est le voyage d’un père qui commence, dans Paris, une nuit, jusqu’à l’aube.



Critique :



Découverte sur grand écran dans le formidable Polisse de Maïwenn, qui lui valut un César - mérité - du meilleur espoir féminin, qu'elle a su faire fructifier pour s'offrir quelques rôles de choix dans des péloches plus que recommandables (Les Gazelles, La Taularde, Il a déjà tes yeux), c'est cette fois par la case réalisation que la talentueuse Naidra Ayadi pointe le bout de son nez en cette très riche rentrée ciné 2018, avec un premier long-métrage, Ma Fille (à ne pas confondre avec le film éponyme signé Laura Bispuri, sortie plus tôt dans l'année), nouvelle adaptation du roman Le Voyage du Père de Bernard Clavel (porté à l’écran en 1966 par Denys de la Patellière avec Fernandel dans le rôle-titre), pour lequel elle se paye en vedette, rien de moins que l'un des acteurs français les plus talentueux de ses quinze dernières années : Roschdy Zem.



Reprenant au pied de la lettre l'intrigue du matériau d'origine, Ma Fille suit l'errance nocturne et cauchemardesque dans un Paris anxiogène et loin d'être chaudement recommandable, d'un père pour retrouver la prunelle de ses yeux, supposément sur la Capitale pour suivre des études de coiffeuse, et la ramener à la maison familiale pour les fêtes de Noël.
Le hic, c'est qu'il va très vite réaliser qu'elle ne suit pas réellement, le parcours qu'elle a promis suivre à ses proches...
Bouleversant drame familial sur la détresse d'un père aimant, lancé dans une (en)quête désespérée et bouleversante pour retrouver/redécouvrir une progéniture qu'il pensait connaître, cachée dans une capitale interlope et perverse, véritable choc des cultures appuyé pour lui (peut-être un peu trop il est vrai), Ma Fille est une douloureuse et universelle tragédie intime autant sur le conflit générationnel (les valeurs traditionnelles confrontées de force avec la frivolité de la jeunesse contemporaine) que la complexité des liens père/fille - entre attentes et peurs de décevoir -; deux mondes déstabilisés qui se déchirent, peine à se comprendre alors qu'ils partagent énormément de choses en commun, et s'aiment d'un amour impérissable.



Émotionnellement fort, certes pas toujours parfait (quelques incohérences et lourdeurs par-ci, par-là, une mise en scène assez plate,...) mais d'une justesse et d'une sensibilité rares, porté la prestation intense d'un Roschdy Zem impérial - tout en retenue -, véritable roc pudique qui incarne avec puissance l'équilibre familial, Ma Fille est un premier long-métrage empathique et prenant (et très court, puisqu'il ne dépasse pas les quatre-vingts minutes), une belle odyssée familiale attachante et poignante, qui vaut décemment le déplacement en salles.


Jonathan Chevrier