[CRITIQUE] : Mary Shelley
Réalisateur : Haifaa Al-Mansour
Acteurs : Elle Fanning, Douglas Booth, Tom Sturridge,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h00min.
Synopsis :
En 1814, Mary Wollstonecraft Godwin entame une relation passionnée et scandaleuse avec le poète Percy Shelley et s’enfuit avec lui. Elle a 16 ans. Condamné par les bienpensants, leur amour tumultueux se nourrit de leurs idées progressistes. En 1816, le couple est invité à passer l’été à Genève, au bord du lac Léman, dans la demeure de Lord Byron. Lors d’une nuit d’orage, à la faveur d’un pari, Mary a l’idée du personnage de Frankenstein. Dans une société qui ne laissait aucune place aux femmes de lettres, Mary Shelley, 18 ans à peine, allait révolutionner la littérature et marquer la culture populaire à tout jamais.
Critique :
#MaryShelley, autant biopic prenant et furieusement académique que drame romantique à la lisière du teen movie un brin facile, est d'une étrangeté aussi exaltante qu'il est d'une imperfection touchante, malgré la partition impliquée d'une Elle Fanning tout en intensité pic.twitter.com/KyJJyHYifB— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) 9 août 2018
Alors que l'été des blockbusters fait rage et que quelques petites péloches, telles des irréductibles gaulois, tentent de résister à l'envahisseur friqué en grapillant un maximum de spectateurs possible (Woman at War, The Guilty ou encore Au Poste !), le bien nommé Mary Shelley arrive dans les salles obscures avec une hype méchamment furieuse, tant les attentes à son sujet sont nombreuses.
Premier film en langue anglaise de la talentueuse cinéaste saoudienne Haifaa Al-Mansour (le merveilleux Wadjda), mais surtout vrai biopic de l'une des figures les plus importantes de la littérature moderne, Mary Shelley, combattante déterminée appelée à devenir figure imposante du féminisme, et dont on peut trouver évidemment des parallèles avec le parcours compliqué de Mansour dans son propre pays d'origine (elle est la première femme à avoir réalisé un film en Arabie Saoudite).
Centré sur les années qui ont précédé la publication du roman Frankenstein - publié le 1er janvier 1818 -, oeuvre imposante traitant de thèmes rarement foulés par les plumes de l'époque ( l'abandon, la cruauté barbare de l'âme humaine face à la différence, l'arrogance masculine, les limites du savoir humain et la nature perverse de la création,...); Mary Shelley, autant biopic appliqué que drame romantique à la lisière du teen movie un brin facile (et donc étonnamment bien loin de l'horreur pure et gothique du roman), est d'une étrangeté aussi exaltante qu'il est d'une imperfection touchante, dans sa mise en images empathique d'une personnalité brillante et bien trop en avance sur son temps, à la fois esthétiquement léchée mais furieusement conventionnel.
Evoquant le génie incroyable de cette aventurière frustrée et tourmentée (la mort et la solitude l'ont accompagnés toute son existence), engoncée dans une société qui lui refuse sa créativité débordante, par le biais de plusieurs moments " phares " qui mèneront à sa rébellion salvatrice, le film de Mansour, qui capte à merveille l'esprit tempétueux de l'auteure, porté par le naturel confondant d'une Elle Fanning " Nicole Kidman-esque " à souhait (à tel point que le reste du casting fait douloureusement pâle figure à ses côtés), peine en revanche parfois, à se montrer aussi habile dans son ton - parfois naïf - et dans le traitement des thèmes majeurs véhiculé par son oeuvre (la politique progressiste avec l'évolution des moeurs et l'émancipation de la femme, la folie créatrice et l'amour de l'écriture,...), aux résonnances actuelles criantes de vérité.
Solidement charpenté et dynamique malgré ses deux heures bien tassées au compteur, même si l'on aurait pu l'espérer un peu plus intense et fantaisiste (surtout dans la genèse de l'écriture de Frankenstein), voire même plus riche et authentique dans ses émotions, Mary Shelley n'en est pas moins un beau et prenant drame intime et romantique sur une figure intelligente et forte qui a voulu écrire son propre destin, transformant toute sa douleur et son amour pour accoucher, sur papier, d'un monstre définitivement ancré dans la légende et qui était appelé à révolutionner tout un pan de la culture populaire.
Jonathan Chevrier
Si le nom de Mary Shelley ne vous dit rien, celui de Frankenstein lui le devrait. Celle qui crée ce personnage et le monstre mythique est cette autrice de seulement 18 ans. L’idée d’un biopic consacré à cette femme est excellente. Sa vie (ses amours tumultueux avec Percy Shelley), ses idées (sur l’amour libre), son oeuvre, tout est matière pour créer une oeuvre cinématographique intéressante, sur le combat d’une jeune femme dans un monde étriqué et fait uniquement pour les hommes.
Choisir la réalisatrice Haifaa Al Mansour n’est pas anodin et envoie, avant même de visionner Mary Shelley, une forte symbolique féministe. Car c’est la première femme à avoir réaliser un long-métrage en Arabie Saoudite (le film Wadja). Avoir cette femme qui s’est battue de longues années pour réaliser un film conter l’histoire de cette jeune autrice dans un siècle où il était légion de prendre un pseudonyme masculin pour publier un livre ou de voir son oeuvre méprisée. Nous voyons donc Mary Shelley se battre pour publier son livre (unanimement proclamé comme un chef d’oeuvre pourtant). Elle doit faire une concession et le voir publier anonymement avec une préface écrite par son mari, le célèbre poète (et prendre le risque que le public pense que lui seul est l’auteur du livre). On devine aisément pourquoi la réalisatrice a accepté le projet et à elle-même déclaré avoir vu en son héroine une âme soeur. Mais malgré toute la bienveillance et le travail de Mansour, le film est laborieux à regarder.
La première erreur commise se trouve dans le scénario. Le parti pris est de voir tout ce qui a engendré la rédaction de son premier roman. Une bonne idée sur la papier peut-être mais en réalité Mary Shelley prend donc le virage serré de l’histoire d’amour au début dramatique entre l'héroïne et Percy Shelley. Et c’est là que le bât blesse, car cette partie prend au moins 80% du film contre 20% sur son rédaction de Frankenstein et son combat. On était en droit de s’attendre à une romance sorti tout droit des plus beaux drames britanniques (à la Ivory) mais le constat est là : on a l’impression d’être spectateur d’un teen-movie en costume. Le personnage de Mary nous apparaît plus comme une ado rebelle qu’une véritable héroïne dramatique. La beauté plastique des acteurs n’y aident en rien.
Tout est trop apprêté, trop lisse, trop (aller, j’ose) scolaire.
Il manque à Mary Shelley de l'émotion véritable, de l’épaisseur, de la complexité, de la force. Il est dommage de voir un film aussi académique pour une femme qui ne l’était certainement pas.
Laura Enjolvy