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[CRITIQUE] : Creed - L'Héritage de Rocky Balboa


Réalisateur : Ryan Coogler
Acteurs : Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tessa Thompson, Tony Bellew,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h14min.

Synopsis :
Adonis Johnson n'a jamais connu son père, le célèbre champion du monde poids lourd Apollo Creed décédé avant sa naissance. Pourtant, il a la boxe dans le sang et décide d'être entraîné par le meilleur de sa catégorie. À Philadelphie, il retrouve la trace de Rocky Balboa, que son père avait affronté autrefois, et lui demande de devenir son entraîneur. D'abord réticent, l'ancien champion décèle une force inébranlable chez Adonis et finit par accepter…




Critique :




1976, après plusieurs années d'une carrière mineure faite de petites apparitions pas forcément notables, Sylvester Stallone, fraichement dans la trentaine, allait tout simplement entrer dans la légende du septième art en créant le personnage de Rocky Balboa; un boxeur des bas fonds de Philadelphie qui se voit offrir l'opportunité de combattre pour le titre de champion du monde.
Aussi déterminé que sa création, Stallone (qui a accouché du premier jet en à peine trois jours, après avoir vu le match entre Muhammad Ali et l'outsider Chuck Wepner), a lutté contre les studios pour vendre son script et - surtout - pour en interpréter le rôle principal, un temps envisagé pour Burt Reynolds, James Caan ou encore Ryan O'Neal.



A force d'obstination, le résultat n'en fut que plus éclatant : 100 millions de dollars de recettes - pour un million de budget -, oscar du meilleur film (devant Taxi Driver et Les Hommes du Président), Sly intronisé star d'Hollywood et Rocky devient très vite l'une des franchises les plus célèbres de l'histoire du cinéma ricain.
Quarante ans plus tard, et même si il n'a décemment pas connu la carrière qu'il méritait, Stallone a su forger la légende de l’Étalon Italien pour en faire une saga familiale populaire et unique en son genre, une épopée intime à l'implication personnelle incroyable (il est scénariste et acteur principal sur tous les opus, réalisateur sauf sur le 1et le 5eme opus), tant Sly s'est constamment efforcé de tisser un lien invisible et indéfectible entre lui et son auditoire.


A tel point que, plus encore que la bête Rambo, Rocky est devenu l'alter-ego sur grand écran du comédien et un témoignage (volontaire ?) édifiant de la carrière du bonhomme; la révélation (Rocky), la consécration et le statut de gagnant (Rocky II, la Revanche), l'embourgeoisement et le questionnement de la célébrité (Rocky III, L'Oeil du Tigre), la folie excessive de la célébrité jusqu'à devenir une icône patriotique (Rocky IV, tout comme Rambo II), le retour aux sources et la chute du statut de héros (Rocky V) et enfin le baroud d'honneur après un long passage à vide (Rocky Balboa).



Morte de sa belle mort grâce au somptueux Rocky Balboa, ultime opus dans lequel il avait donné tout ce qu'il avait dans les tripes et dans le cœur, la saga devait pourtant renaître de ces cendres pour un ultime chant du cygne, aussi bien celui de l’Étalon Italien que de la franchise elle-même.
Cet entêtement à vouloir une improbable suite, un nouveau combat là ou la retraite était pourtant signée et acceptée par tous - et surtout Stallone -, on le doit au jeune et talentueux Ryan Coogler, papa du puissant Fruitvale Station et dont l'amour pour Rocky est une évidence.
Vraie suite personnelle et non un simple spin-off de majors franchisant à rallonge ses concepts racoleurs de billets vert (même si il est produit par la Warner), Creed - L'Héritage de Rocky Balboa peut autant se voir comme le départ d'une nouvelle aventure que comme l'ultime climax, l'ultime ligne de la légende Balboa.


Et quelle ligne, car non seulement Coogler s'approprie avec intelligence toute la mythologie Rocky, mais il signe également un drame humain aussi spectaculaire qu'émotionnellement riche et énergique; l'hommage parfait au plus grands des héros, tout simplement.
En prenant pour point de départ un dream project alléchant - le fils illégitime de Creed, qui n'a évidemment jamais connu son père, demande à Rocky, meilleur ami de celui-ci, de l'entraîner -, Coogler se fond sincèrement dans la légende (les détails familiers sont légion), creuse les mêmes thématiques de Rocky premier du nom (la quête identitaire d'un underdog qui revendique son droit d'exister et qui veut qu'on lui donne sa chance) et de la franchise en elle-même (la relation père-fils entre l'entraineur et son boxeur, la notion de famille et d'héritage, la diversité); tout en lui injectant ce qu'il faut de modernité (il inscrit la saga dans son époque, de l'aspect PPV des combats à une bande originale hip hop et une vision réaliste de Philadelphie, miroir de l'Amérique contemporaine frappée par la crise) et de sentimentalisme assumé pour accoucher d'un métrage flirtant constamment avec la perfection.



Car que l'on soit des fans de longue date de Rocky, ou de jeunes spectateurs vierges de toute vision de cette œuvre phare du cinéma US, il est impossible de ne pas se laisser prendre au jeu de Creed, passage de flambeau bouleversant entre un Balboa diminué physiquement (par la maladie) et sentimentalement (les disparitions d'Adrian et Paulie, l'éloignement de son fils Rocky Jr), et Adonis, jeune loup élevé de foyer en foyer, qui trouve par le biais de la boxe le seul moyen de se rapprocher d'un père absent, à qui il voue une haine qui n'a d'égal que son amour pour lui.


Deux êtres qui vont tout naturellement devenir un père et un fils de substitution l'un pour l'autre (même s'ils se rappellent sans cesse qu'ils n'ont pas le même sang), s'aimer pour mieux dresser la bête enragée et triste qu'ils ont toujours eu en eux, et continuer à encaisser les coups d'une vie qui ne leur a jamais fait de cadeau, aussi bien sur qu'en dehors du ring.
Les passages obligés (le training montage, le combat final) sont transfigurés, les coups font mal, la caméra transperce et se fait souvent intelligente (le second combat, filmé comme un long plan séquence, est bluffant), le ton et le rythme sont percutants mais surtout, ce qui met le plus au tapis à la vision du second métrage de Ryan Coogler, c'est sa propension à gérer ses embardées mélodramatiques et faire que les larmes ne soient (toujours) jamais loin.



Que ce soit lorsque le Rock évoque Adrian (il donnerait tout ne serait-ce que pour la revoir quelques instants), lorsqu'il s'adresse à Adonis (la scène de la prison, bouleversante) ou qu'il traite de la mort; difficile de ne pas être toucher par des mots et des scènes plus percutantes que des uppercuts.
La mort d'ailleurs, est l'un des thèmes majeurs de Creed tant le fantôme d'Apollo, que ce soit dans la boxe de son fils illégitime, la bouche des journalistes ou dans le regard aimant de Rocky (encore traumatisée par son décès, sous ses yeux), plane tout du long au-dessus du métrage.
Mais au final, si Adonis, campé par un Michael B. Jordan impliqué (sa meilleure performance à ce jour) est le vrai héros du métrage, le regard du spectateur est pourtant constamment tourné vers Rocky/Stallone, à la voix plus caverneuse que jamais, qui comme un grand vin se bonifie avec l'âge.


Dans le rôle de sa vie, détendu comme rarement (il n'a ni écrit le script, ni réalisé le film), l'immense bonhomme qu'il est touche par sa justesse et sa sagesse, fait rire par son humour - bien à lui - et nous fait chialer comme des madeleines à chaque réplique collant à l'intime.
Une fois le chapeau de Balboa vissé sur sa tête, Sly ne joue plus, il EST Rocky, il nous ouvre son cœur gros comme ça et n'a ni besoin de mettre les gants ni de monter sur un ring pour nous faire chavirer.
Une légende dans tout ce qu'elle a de plus beau et fragile, tout ce qu'elle a de plus honnête et poignant, qui se rappelle une dernière fois à ses fans dans ce qui sera, véritablement, son dernier round.


Bouleversante et puissante histoire d'hommes aussi nostalgique que magnifique et belle à en crever, Creed est une véritable œuvre personnelle inoubliable, humble et virtuose qui finira d'achever Ryan Coogler en nouveau porte étendard du cinéma racé et social made in America.
Un petit bijou qui, croisons-les doigts, permettra au vénéré Stallone de faire un gros doigt d'honneur aux critiques bien pensantes, allergiques au cinéma commercial et populaire, en empochant (enfin) une statuette dorée tant méritée.


Jonathan Chevrier


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