[CRITIQUE] : Au Cœur de l'Océan
Réalisateur : Ron Howard
Acteurs : Chris Hemsworth, Cillian Murphy, Benjamin Walker, Brendan Gleeson, Ben Whishaw, Tom Holland,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Aventure, Fantastique, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h02min.
Synopsis :
Hiver 1820. Le baleinier Essex quitte la Nouvelle-Angleterre et met le cap sur le Pacifique. Il est alors attaqué par une baleine gigantesque qui provoque le naufrage de l'embarcation. À bord, le capitaine George Pollard, inexpérimenté, et son second plus aguerri, Owen Chase, tentent de maîtriser la situation. Mais face aux éléments déchaînés et à la faim, les hommes se laissent gagner par la panique et le désespoir…
Critique :
Épique et prenant,#AuCoeurDeLOcean est une spectaculaire immersion dans les entrailles du mythe Moby Dick orchestré par le génial Ron Howard
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) December 4, 2015
Même si l'idée en déroutera certainement beaucoup, Ron Howard est décemment l'un des meilleurs cinéastes de ses quarante dernières années outre-Atlantique, et chacun de ses films est attendu avec une impatience non-feinte par les cinéphiles les plus avertis - même quand il se borne à adapter l’œuvre ronflante et faussement buzzé de Dan Brown.
Un artisan émérite au classicisme tout droit sortie de l'age d'or d'Hollywood, et à la filmographie aussi éclectique que plaisante à suivre, capable de pondre quelques-unes des péloches les plus cultes des 80's (Splash, Cocoon, Willow, Portrait Craché d'une Famille Modèle), tout autant que des péloches un brin mineurs - mais pas pour le moins passionnante - (Les Disparues, Frost/Nixon), du divertissement purement oscarisable (Apollo 13, Un Homme d'Exception, De l'Ombre à la Lumière) et même de la série B comme on les aime (Backdraft, La Rançon, En Direct sur Ed TV, Rush).
Fraichement entré dans la soixantaine, et alors que la saison des oscars bat actuellement son plein, le voilà de retour en cette fin d'année ciné 2015 avec un métrage plus qu'attendu, Au Cœur de l'Océan, dans lequel il s'attaque ni plus ni moins qu'au mythe Moby Dick, le roman d'Herman Melville, avec l'appuie du Dieu d'Asgaard Thor (Chris Hemsworth, déjà de Rush), en vedette.
S'inspirant de l'histoire - celle du mousse Thomas Nickerson qui narre ce qui est arrivé au baleinier Essex - qui a inspiré Moby Dick et sa célèbre baleine tueuse (même si la réalité veut que Melville ait écrit son livre grâce aux manuscrits du fils d’Owen Chase, le second du Essex), et s'appuyant sur un casting royal (Hemsworth donc, mais également Cillian Murphy, Benjamin Walker, Brendan Gleeson, Ben Whishaw et Tom Holland), In The Heart of The Sea semblait posséder sur le papier, tout en lui pour incarner un film à flibuste référence aux côtés des Révoltés du Bounty, Les Dents de la Mer, Orca ou encore Master and Commander et le mésestimé En Pleine Tempête.
Un genre vulgarisé par Hollywood à coups de blockbusters rarement inspirés - mais au demeurant divertissant - Waterworld, L'Ile aux Pirates ou encore la franchise Pirates des Caraïbes (surtout).
A l'écran, si il est une évidence que l'esprit de conteur extraordinaire de Ron Howard n'a toujours rien perdu de sa superbe (le film est une fiction inspiré de faits réels, il raconte " son histoire " de l'histoire), Au Cœur de l'Océan est sans conteste l'une des plus puissantes et passionnantes aventures maritimes jamais contées sur grand écran, une épopée tragique et hors du commun dans les entrailles tumultueux de l'océan, aussi beau à en crever que douloureusement meurtrier.
Un territoire gigantesque et hostile ou l'homme doit non seulement mener une lutte acharnée contre la rudesse implacable de dame nature, mais également contre lui-même et ses propres limites.
Cette notion de sacrifice - dans tous les sens du terme -, de danger constant et imprévisible, Howard la retranscrit avec maestria tout du long, tant on prend pleinement partie de ses marins terrifiés par l'immensité destructrice d'un ennemi titanesque (que ce soit l'océan ou la fameuse baleine), ses pêcheurs de l'impossible balancés tête la première dans un combat déséquilibré et à l'issue couru d'avance.
A la fois péloche d'aventure, vrai-faux biopic, drame humain et véritable film catastrophe, le métrage étourdit autant par la richesse de son ambition que par la finesse de son propos, propos dans lequel on retrouve quelques-uns des thèmes phares du cinéma d'Howard, que ce soit la rivalité intestine entre deux êtres (de Backdraft à Rush, le cinéaste a toujours aimé opposés les deux hommes sous fond de lutte des classes), la notion de courage face à l'adversité ou encore la " manipulation " de faits réels et une volonté plus que louable d'offrir une immersion total dans son sujet, au spectateur (ici la vie détaillé des pêcheurs en mer de l'époque).
Follement épique et prenant, techniquement remarquable (du montage à la merveilleuse et glaçante photographie d'Anthony Dod Mantle, sans oublier le subtil score de Roque Baños et la merveilleuse reconstitution historique) et intelligemment rythmé (pour maintenir l'intérêt captivant de son intrigue, Howard ponctue son récit par des retours " au présent " chez Nickerson, et son dialogue avec Melville), Au Cœur de l'Océan est un grand et beau moment de cinéma spectaculaire et " à l'ancienne " dont on ressort lessivé mais conquis, notamment par la puissance de son interprétation (Chris Hemsworth et Brendan Gleeson en tête).
Alors tant pis si les effets spéciaux ne sont pas forcément à la hauteur (le manque de budget est une évidence), que son dernier tiers lorgne beaucoup trop sur le chef d’œuvre All is Lost de J.C. Chandor ou encore que la 3D - convertit après tournage - n'est jamais vraiment légitimé; l'important c'est l'ivresse et la cuvée 2015 de Ron Howard, maitrisée et tenant en haleine durant ses deux bonnes heures, y correspond parfaitement.
Époustouflant, tendu et bouleversant, le nouvel essai du papa de Willow est une aventure exaltante et furieuse à hauteur d'hommes, qui happe son auditoire pour ne plus jamais le lâcher.
Une expérience de cinéma à part entière, au même titre que le tout récent Everest de Baltasar Kormakur.
Jonathan Chevrier