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[CRITIQUE] : Mommy


Réalisateur : Xavier Dolan
Acteurs : Antoine-Olivier Pilon, Anne Dorval, Suzanne Clément,...
Distributeur : MK2/Diaphana Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Canadien.
Durée : 2h18min.

Synopsis :
Une veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir.



Critique :

Avec à peine cinq films (en cinq ans) à son compteur de réalisateur, le petit cinéaste de génie Xavier Dolan est pourtant ce que le cinéma francophone à pondu de mieux depuis bien longtemps.

Fraichement débarqué de son Canada natal en 2009 avec le très beau J'ai Tué ma Mère, il a su depuis se faire une place bien au chaud dans la psyché de tout cinéphile un minimum endurcis, via l'excellent Les Amours Imaginaires mais surtout le sublime Laurence Anyways, l'une des péloches les plus belles qui nous avait été donné de voir en 2013.

Presque tout aussi boulimique de pellicule que Woody Allen, le bonhomme nous est revenu cette année avec deux films, tout d'abord en avril dernier avec le puissant Tom à la Ferme, un thriller psychologique et Hitchockien sur le deuil amoureux, puis avec son attendu Mommy, qui a bouleversé la dernière Croisette au point de repartir avec le Prix du Jury de Jane Campion, et qui débarque donc enfin dans nos salles obscures cette semaine.

Un cinéaste visiblement impatient mais franchement, qui pourrait s'en plaindre, hein ?


Mommy donc, ou l'histoire de Dianne Deprés, veuve mono-parentale à la langue bien pendue et aux allures d'adulescente, qui hérite malgré elle de la garde de son fils, Steve, un adolescent TDAH impulsif et violent.
Au cœur de leurs nombreux emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla.

Tous les trois, ensemble, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt même, d’espoir face au lendemain meilleur...

Avec cette nouvelle chronique de famille complexe qui ne peut décemment laisser indifférent, difficile de ne pas voir en ce cinquième long une volonté de boucler un cycle de la part du jeune cinéaste, le film ressemblant sur beaucoup de points à son premier long, J'ai Tué ma Mère, que ce soit par les thèmes abordés (l'image forte de la mère, la marginalité sociale, le malaise adolescent) ou la présence devant la caméra de son actrice fétiche, la superbe Anne Dorval, absente remarquée de Tom à la Ferme.

A la différence qu'ici, la péloche n'a plus les atours autobiographique de Ma Mère, Dolan ne mettant plus en scène ici sa propre mère avec un visage rancunier - voir même limite vengeur -, mais bel et bien une mère-ado, pas vraiment la figure de matriarche idéale mais porté par une force et un courage sans borne, et qu'il filme avec amour et tendresse.


Une mère excentrique, fragile et qui à la tête sur les épaules à la différence de son rejeton qu'elle récupère malgré elle, un ado à problème, attachant mais hyper violent et (très) difficile à canaliser, qui vient à peine de sortir d'un hôpital psychiatrique.

Entre les deux, la relation n'est pas des plus aisées, enchainant plus les bas que les hauts dans un monde qui ne leur fait pas de cadeau, entre insultes (outil comique indéniable) et excès de violence, bientôt canaliser par la présence salvatrice de la mystérieuse voisine, qui va apporter la stabilité et l'harmonie qui manquait à cette famille dysfonctionnelle depuis la disparition du père, tout autant qu'à sa propre vie.

Pour autant, Mommy n'est pas un film dénué de noirceur bien au contraire, mais son côté sombre, son désespoir latent (aussi bien affectif que social) est toujours contrebalancé par une note constante d'espoir et des moments de cinéma d'une pure beauté.

Troublant, intime, étouffant, énergique, passionné mais jamais larmoyant, Mommy est un émerveillement constant mené tambour battant sans aucune baisse de rythme, un tourbillon d'émotions auquel Dolan, d'une maturité impressionnante, y apporte une mise en scène minutieuse, soignée et riche en effets (il se permet tous les excès avec une inventivité folle, et il cite toujours autant ses pairs, notamment ici Wong Kar Wai et Martin Scorcese), qui épouse à merveille les personnages qu'il s'est évertué à croquer avec soin - on ne soulignera jamais assez son talent d'écriture et de dialoguiste -, et qui sont interprétés avec une justesse et une crédibilité sans borne par la merveilleuse Anne Dorval et l'étonnant et fougueux Antoine-Olivier Pilon.


La première, tout en nuance, au débit aussi volubile et vulgaire que son cœur et son amour pour son fils sont solide comme un roc, touche aussi bien par sa maladresse, sa fragilité que son humour à toute épreuve face à la difficulté d'être mère, un combat de tous les jours.
Elle bouffe littéralement la bande de son charisme et de sa beauté dans un rôle à la hauteur de son talent, tandis que le second lui, véritable révélation du métrage, incarne un Steve tout en honnêteté et en innocence, atteint de troubles émotionnels graves.

Mais il est surtout le parfait opposé de sa mère, car si elle exprime ses sentiments par la parole et une énergie folle, lui l'expose par une violence brutale, excessive et imprévisible puisqu'elle se dirige vers n'importe qui, y comprit sa mère (même si il l'aime profondément) et lui-même.
Ou la trajectoire deux personnages contraires, entiers, sincères, aux coups de sangs puissants, que le cinéaste épousera sans retenue.

A leurs côtés, la présence remarquable de l'excellente Suzanne Clément dans la peau d'une mère de famille dépressive/voisine en quête d'un second souffle, apporte une véritable bouffée d'air frais à l'histoire.
Celle qui va peu à peu abandonner sa propre famille (mari et fille, elle-même abandonnée par un fils trop absent), va devenir véritablement le second parent de Steve, et va surtout sensiblement souder pour de bon la puissance de la relation unique, fusionnelle, décalée et douloureuse qu'il entretient avec sa mère.

Bourré jusqu'à la gueule de scènes purement poétique et flamboyante, magnifié par une immense direction d'acteurs, une bande originale résolument 90's et une photographie lumineuse (très Malickienne pour le coup), Mommy est de ses chefs d’œuvres quasi-parfait qui tutoie la grâce du bout de sa pellicule, qui imprime et marque la rétine de sa première à sa dernière image, pour ne plus jamais quitter la mémoire de son spectateur.


Une claque sans nom, aussi bien visuelle que sensorielle - le son et l'image font une nouvelle fois corps ici -, à la fois douloureuse et profondément jubilatoire, délivré par un cinéaste tellement conscient de la force de son cinéma qu'il donne l'impression d'être déjà l'un des conteurs d'histoires les plus accomplit du septième art mondial.

Dévastateur, exaltant, attachant et beau à en crever, si son dernier film n'a pas remporté la tant désirée Palme d'Or, il incarne indiscutablement l'un des films les plus impressionnants de l'année ciné 2014.

Du grand cinéma, avec un grand C, rien de moins.


Jonathan Chevrier


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