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[CRITIQUE] : Gone Girl


Réalisateur : David Fincher
Acteurs : Ben Affleck, Rosamund Pike, Neil Patrick Harris, Tyler Perry, Emily Ratajkowski,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : -
Genre : Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h29min.

Synopsis :
A l’occasion de son cinquième anniversaire de mariage, Nick Dunne signale la disparition de sa femme, Amy. Sous la pression de la police et l’affolement des médias, l’image du couple modèle commence à s’effriter. Très vite, les mensonges de Nick et son étrange comportement amènent tout le monde à se poser la même question : a-t-il tué sa femme ?



Critique :

Rares sont les réalisateurs à émoustiller avec panache, tous les cinéphiles et les spectateurs du monde entier dans l'attente de son prochain long.

Mais surtout, même si sa carrière n'est pas dénué de quelques petits faux pas (Panic Room, faux pas sans réellement en être un, c'est dire le talent du gars), David Fincher est l'un des (si ce n'est LE) seuls cinéastes actuel qui peut se vanter de faire autant l'unanimité auprès des cinéphiles, de la presse et du public.

Un grand maitre du cinéma pur et dur au caractère et à la caméra bien trempée, un homme dont la renommée c'est fait grâce aux nombreux chefs d’œuvres qu'il a tourné et à tous ceux (tout aussi nombreux) qu'il n'a pas pu faire, ainsi que par sa relation aussi obsessionnelle que passionnelle avec le septième art.
Bref, en tout point le parfait et digne descendant du fantastique Stanley Kubrick, mais aussi, en quelque sorte, de l'immense Afred Hitchcock.


Pas étonnant donc, que l'on attende avec une furieuse impatience son nouveau potentiel chef d’œuvre sur grand écran, Gone Girl, un brin déçu par le capotage de la suite du pourtant excellent remake de Millenium - qui dépasse de la tête et des épaules la version originale - mais avant tout par la mise au placard ad vitam eternam de son pourtant bandant 20 000 Lieux sous les mers, décapité par un Disney beaucoup trop frileux pour miser une tonne de pognon sur la vision du génial papa de Se7en et Zodiac.

Adapté du best-seller Les Anonymes signé par une Gillian Flynn  - également derrière le script - qui assure avoir penser au cinéaste dès les prémisses de son écriture, quand à une potentielle mise en image sur grand écran.

Pas qu'un peu ambitieuse donc, mais elle a eu raison au final, puisque le roi Fincher s'est fortement intéressé à cette banale histoire (sur le papier, bien entendu) de disparition d’une épouse de banlieue tranquille du Missouri, et de la suspicion de meurtre de son mari, pour lequel il a convoqué une pléthore de nouveaux venus talentueux dans son cinéma : Ben Affleck, la belle Rosamund Pike ou encore le désopilant Neil Patrick Harris.

Gone Girl ou l'histoire de Nick et Amy Dunne, un couple sans histoire qui coule un bonheur visiblement sans nuage dans une banlieue tranquille du Missouri.
Le jour de leur cinquième anniversaire de mariage, Nick découvre que sa femme a mystérieusement disparu du domicile conjugal.
Aux yeux des autorités, et même du paus tout entier, le pauvre homme en apparence, va très vite de venir le suspect idéal...


Depuis quelques années, force est d'admettre que le cinéaste à un brin changé, pour le meilleur, en s'échinant à offrir à des succès déjà établies, sa propre vision et ses propres obsessions.
Que ce soit Millenium (polar scandinave dont la renommée fut mondial), House of Cards (gros hit de la télé anglaise) ou encore The Social Network (la popularité de Facebook allié à son obscur mais passionnante mise en chantier), Gone Girl suit la même ligne directrice, puisqu'il est issu d'un thriller best-seller daté de 2012, à l'histoire à la noirceur extrême.

Véritable jeu de miroirs glacial, monstrueux, suffoquant, misanthrope (personne n'apparait réellement bon, Fincher installant constamment le doute sur tout le monde), subtilement référencé, d'une fluidité impressionnante malgré une narration extrêmement complexe - et ses deux heures et demie de bande - grâce à un montage minutieux et brillant, articulé sur des cassures avec des scènes alternant présent (Nick face à l'enquête) et passé (contées par Amy), et porté par un cynisme et une ironie à tout épreuve, le cinéaste signe ici, a l'instar des péloches des 70's de Brian De Palma, un hommage des plus sincères à Hitchcock (Marnie, Psychose) et Kubrick (Eyes Wide Shut).

Il s'abandonne de nouveau dans le registre du thriller psychologique qui lui est si cher, en décortiquant avec soin la psyché sombre de l'humanité, la question de la vie conjugal et le fondement - pessimiste - du mariage, mais également les affres de la société ricaine (et occidentale), hypocrite, narcissique, basée sur le culte de la réussite et du bonheur tout aussi formaté, et dont la surmédiatisation qui détourne tout au spectacle (et amnésique dans sa course à l'audimat à tout prix), bien aidé par internet qui ôte toute liberté et intimité, frise lourdement avec l'indécence.

Une société occidentale " idéale " ou tout le monde ment, ou tout le monde porte un masque et se doit de préserver les apparences - on se croirait presque dans Desperate Housewives en plein Missouri, pour le coup -, que Fincher déconstruit avec une assurance et une rage sans borne.


Mieux, il en profite même pour creuser encore un peu plus la dominance féminine de sa filmographie depuis Millenium (ou Lisbeth Salander volait littéralement la vedette à 007), tout en mettant un point d'honneur à souligner la faiblesse masculine dans toute sa (moche) splendeur.

Victime idéal et unique cible de la vengeance murement préparé de sa prédatrice de femme, Nick Dunne est l'incarnation de l'homme lambda castré, esseulé, définit par l'image que les autres reflètent de lui, lynché médiatiquement au quotidien, malmené dans un monde de femmes qui ont le pouvoir et qui va devoir se repentir publiquement d'avoir échoué dans les grandes largeurs, dans sa tentative d'incarner un mari si ce n'est modèle, au moins convenable.

Dans la peau de l'araigne glaciale, de la fascinante femme insatisfaite et méchamment fatale, Rosamund Pike crève véritablement l'écran (LE rôle de sa carrière) tandis que Ben Affleck (toujours aussi exceptionnel depuis The Town) est merveilleux dans la peau de l'antipathique Nick, chic type en apparence, mais simplement en apparence, un monsieur tout-le-monde piégé dans une spirale infernale démesurée.

Même les seconds couteaux sont ici à l'honneur, Neil Patrick Harris - d'une sobriété étonnante - en tête, sans oublier la sculpturale Emily Ratajkowski, dont Fincher ne se prive pas d'épouser les sublimes courbes.


Porté par plusieurs niveaux de lectures savoureux, portrait au vitriol de la relation homme/femme et satire machiavélique et grinçante de l'Amérique jusqu'à un dénouement final poussant méchamment au malaise (le véritable amour n'est qu'artificiel, ou n'existe que dans le mensonge), qui captent à merveille les vicissitudes de notre époque au sein d'un puzzle tortueux, pervers et fascinant, Gone Girl est un fantasme sur pellicule aussi ludique que déroutant et cérébral, qui s'inscrit parfaitement dans la filmographie d'un maestro contemporain qui, encore une fois, surpasse avec son nouvel essai le statut de simple divertissement pour offrir une véritable œuvre phare - son meilleur film depuis Zodiac, voir même Fight Club -, à la richesse et à l'efficacité presque arrogante.

C'était l'un des rendez-vous les plus immanquables de l'année, qui se transforme ni plus ni moins comme l'un des meilleurs films de 2014, une claque sans nom sous forme de thriller vénéneux, tentaculaire, enivrant et complément dément que ne renierait pas un certain Paul Verhoeven.

En un mot, c'était évident mais Fincher is still the king !


Jonathan Chevrier