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[CRITIQUE] : Le Barrage


Réalisateur : Ali Cherri
Acteurs : Maher El KhairMudathir MusaSantino Aguer Ding,...
Distributeur : Dulac Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Soudanais, Libanais, Allemand, Serbe, Qatari.
Durée : 1h21min

Synopsis :
Soudan, près du barrage de Merowe. Maher travaille dans une briqueterie traditionnelle alimentée par les eaux du Nil. Chaque soir, il s’aventure en secret dans le désert, pour bâtir une mystérieuse construction faite de boue. Alors que les soudanais se soulèvent pour réclamer leur liberté, sa création semble prendre vie...



Critique :


Bien qu'une nouvelle édition est en passe de pointer le bout de son nez d'ici une poignée de semaines, il est presque devenu coutumier de voir des péloches issues des sections annexes - mais pas que - du sacro-saint festival de Cannes, débarquer un brin à la dernière minute dans les salles (on ne s'en plaindra jamais), les affres d'une distribution où il est de plus en plus difficile de faire son trou tant chaque mercredi, les propositions se font à la fois férocement nombreuses, mais aussi savoureusement diverses - même si la majorité des spectateurs/cinéphiles ne se focalisent que sur les plus " importantes ".

Passé par la case quinzaine l'année dernière, Le Barrage, estampillé premier long-métrage du vidéaste et plasticien libanais Ali Cherri - co-écrit par Bertrand Bonello -, est clairement de ses petites curiosités qui déstabilisent autant qu'elles séduisent dans la manière qu'elles ont de frontalement questionner la violence d'une humanité qui n'a de cesse de se faire la guerre et de plonger le monde dans le chaos, obligeant la nature à lui répondre encore plus brutalement.

Copyright Dulac Distribution

La caméra est tout du long vissé sur l'odyssée tortueuse et mutique de Maher (formidable Maher El Khair), ouvrier d'une briqueterie au nord du Soudan, concoctant des briques avec de la boue et l'eau du Nil, un travail éreintant auquel il faut ajouter un salaire loin d'être équitable - pour être poli.
Écrasé par une blessure au dos qui ne se tait pas et une incapacité à pouvoir garder un contact constant avec les siens, alors même que le peuple soudanais se révoltent pour leur liberté à quelques centaines de kilomètres de là, Maher souffre physiquement mais surtout psychologiquement.
La nuit, il construit une mystérieuse structure faite de boue, comme le symbole d'une autre vie qu'il pourrait avoir...

Songe surréaliste (dont le format panoramique rappellerait presque ceux tout aussi lancinants d'Antonioni) sur une violence qui gangrène tout et trouve son chemin même dans les coins les plus retirés - où le coeur même de Dame nature -, Le Barrage, visuellement éblouissant, trouble dans ses silences et ses non-dits tant Cherri sonde le processus de transformation/transcendance qu'impose la nature dans une perspective mystique et ésotérique, d'un homme agité par le monde qui l'entoure.
Un exercice aussi hermétique que suggestif au naturalisme opaque et un brin traître dont les images, à la fois captivantes et oppressantes, offre une pluie de sens et de significations qui vont au-delà du rationnel et des travers de ce que l'on nomme civilisation.


 Jonathan Chevrier