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[CRITIQUE] : Goliath


Réalisateur : Frédéric Tellier
Avec : Gilles Lellouche, Pierre Niney, Emmanuelle Bercot, Marie Gillain, Laurent Stocker, Yannick Renier, Chloé Stefani, Jacques Perrin,...
Distributeur : StudioCanal
Budget : 11,2M€
Genre : Thriller.
Nationalité : Français.
Durée : 2h02min.

Synopsis :
France, professeure de sport le jour, ouvrière la nuit, milite activement contre l’usage des pesticides. Patrick, obscur et solitaire avocat parisien, est spécialiste en droit environnemental. Mathias, lobbyiste brillant et homme pressé, défend les intérêts d’un géant de l’agrochimie. Suite à l’acte radical d’une anonyme, ces trois destins, qui n’auraient jamais dû se croiser, vont se bousculer, s’entrechoquer et s’embraser.



Critique :


Ils peuvent se compter sur les doigts d'une main méchamment amputée, les cinéastes contemporains - et encore plus hexagonaux - à avoir un début de carrière aussi impressionnant que celui que connaît Frédéric Tellier, avec L'Affaire SK1, Sauver où Périr et désormais Goliath, un troisième effort l'intronisant encore un petit peu plus comme un solide artisan du réel, sondant la ténacité d'âmes dont la destinée est bousculée par l'imprévisibilité parfois déroutante de la vie.
Récit fictionnel imbibé d'un problème sociétal bien réel et toujours cruellement d'actualité - la régulation des pesticides dans le milieu agricole français -, sa narration ne se fixe pas cette fois sur un seul personnage mais bien trois, enlacés autour d'une tragédie douloureuse, symbole d'un système biaisé qui ne se remet jamais en question, et qui ne fait pas de l'humain un facteur essentiel.

Copyright Christine Tamalet / SINGLE MAN

Soit France (un prénom plus qu'évocateur), une professeure de sport le jour et ouvrière la nuit, poussé au combat militant pour faire reconnaître que le cancer de son compagnon a bien été causé par les pesticides usés par son voisin agriculture; Patrick, un avocat parisien solitaire et abimé, rompu au droit environnemental, qui défend une agricultrice dont la compagne et décédée elle aussi des suites d'un cancer dû à l'usage d'un pesticide (et qui, dépité par l'issue désespérante du procès, va s'immoler); mais aussi Matthias, un lobbyiste cynique et cupide qui doit justement défendre l'entreprise commercialisant le dit pesticide - tétrasine - en question, et affronter Patrick face à la " justice ".
Trois points de vues comme trois versants bien distincts de notre société contemporaine, opposés et douloureusement complémentaires, qui s'engagent sans rien avoir à perdre dans les deux camps d'un combat perdu d'avance, une lutte déséquilibrée entre des êtres à bout de souffle dont la souffrance est totalement invisibilisée, avalée par Goliath, colosse massif aux visages multiples (multinationales, gouvernements, milliardaires,...), qui s'octroie un pouvoir démesuré lui permettant de toujours avoir la parade ultime pour s'en sortir sans encombre et continuer son cirque infernal.

Copyright Caroline Dubois / SINGLE MAN

Un constat cruel et désolant que nourrit avec intelligence les plumes de Tellier et de son co-scénariste Simon Moutaïrou, à charge tout en étant nuancé (sauf peut-être il est vrai, avec le personnage de Matthias, que rien ne sauve ou presque) dans sa manière de décortiquer la moralité derrière chacun de ses protagonistes, incarnés autant par un superbe trio vedette (d'un Gilles Lellouche habité à une touchante Emmanuelle Bercot, en passant par un Pierre Niney complètement en contre-emploi, parfait en lobbyiste bouffé d'arrogance et d'égoïsme), que par une imposante galerie de seconds couteaux (les exceptionnels et trop rares Marie Gillain, Laurent Stocker ou encore Jacques Perrin).
D'un réalisme éreintant (le film pointe autant habilement l'absurdité désespérante que l'horreur Kafkaïenne d'une société actuelle dont l'humanité est sacrifiée et littéralement à l'agonie) et d'une tension de tous les instants (une urgence renforcée par un montage fluide ainsi qu'une mise en scène nerveuse et caméra à l'épaule de Tellier, manquant cela dit cruellement d'ampleur lorsqu'elle se penche sur les cadres ruraux), Goliath se fait un thriller alarmiste et engagé si chère au cinéma Hollywoodien, une oeuvre réflexive et essentielle qui n'est pas sans rappeler le récent Dark Waters de Todd Haynes, lui aussi mué par une persévérance pleine d'espoir dans son reflet désespéré et désespérant de notre réalité.

Copyright Caroline Dubois / SINGLE MAN

Un vrai effort de cinéma puissant et rigoureusement documenté qui s'échine à réveiller un tant soit peu les consciences populaires à défaut de susciter (parce que là aussi, c'est un combat perdu d'avance) une quelconque responsabilisation/quête de rédemption d'un système capitaliste dont le rouleau compresseur n'a jamais été aussi écrasant qu'aujourd'hui.
Reste à savoir désormais si nous, en tant que spectateur, nous sommes prêt à donner toute l'attention que mérite ce type de divertissement, entre deux blockbusters US rutilants...


Jonathan Chevrier



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