[CRITIQUE] : The Batman
Réalisateur : Matt Reeves
Avec : Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Colin Farrell, John Turturro, Jeffrey Wright, John Turturro,…
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Action, Policier, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h57min
Synopsis :
Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au coeur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance - Alfred Pennyworth, le lieutenant James Gordon - parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s'est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu'un tueur s'en prend à l'élite de Gotham par une série de machinations sadiques, une piste d'indices cryptiques envoie le plus grand détective du monde sur une enquête dans la pègre, où il rencontre des personnages tels que Selina Kyle, alias Catwoman, Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, Carmine Falcone et Edward Nashton, alias l’Homme-Mystère. Alors que les preuves s’accumulent et que l'ampleur des plans du coupable devient clair, Batman doit forger de nouvelles relations, démasquer le coupable et rétablir un semblant de justice au milieu de l’abus de pouvoir et de corruption sévissant à Gotham City depuis longtemps.
Critique :
Restait-il encore un peu de jus dans le costume du Dark Knight, pour que le septième art s'échine à nous proposer quelque chose si ce n'est totalement original, au moins un tant soit peu différent de ce que l'on a pu voir sur les quinze dernières années; que ce soit dans la refonte totale du personnage par Christopher Nolan, où l'aspect businessman un poil blasé instauré par Snyder.
Force est d'admettre que Matt Reeves ne met pas longtemps pour répondre par l'affirmative à ce questionnement légitime avec The Batman, refusant sagement de s'inscrire dans l'ombre de la trilogie de Nolan pour mieux lui préférer une nouvelle révision des fondements mêmes de la mythologie du Bat (et qu'il prenne trois heures pour le faire, n'a résolument rien de décourageant puisqu'elles passent en un éclair), pas dénué de quelques scories certes mais épousant joliment les contours du thriller psychologique et du film noir, à la lisière du cinéma de David Fincher - Se7en mais surtout Zodiac en tête - et de Memories of Murder (cette foutue pluie qui innonde l'écran), tout en rappelant par quelques touches sombres et désespérées, le The Crow d'Alex Proyas (où le héros était lui aussi, un être vengeur qui s'annonçait comme tel).
À l'instar de la trilogie Dark Knight et des pitreries adulescentes du MCU, Reeves conserve un regard adulte et mature, télescopant une intrigue casse-tête hypnotique à une souci de réalisme viscéral et une émotion poignante, faisant de son super-héros central non plus une figure de la Grèce antique, un vigilante torturé et autodestructeur aussi dangereux que les psychopathes qu'il affronte; mais bien un héros purement Shakespearien, le bras armé de la justice hanté par le meurtre de ses parents et sa détermination à débarrasser Gotham City des criminels de tout bord, qui évolue - même dans la physicalité de ses affrontements - au fil du récit.
Un homme brisé en proie à la désolation et à la frustration humaine, luttant contre ses propres démons qu'il soit avec ou sans costume, et qui a trouvé en Alfred et le Commissaire Gordon, des figures paternelles de substitution.
À la différence des précédentes adaptations du personnage, il n'y a pas tant de différences entre Bruce Wayne et Batman - pas même dans la voix -, pas de manigances scénaristiques pour démarquer l'intimité entre le milliardaire désespéré et son alter-ego lugubre, tant les deux utilisent l'obscurité comme la meilleure des alliées, épousant l'ombre pour mieux être une ombre, chasser de manière obsessionnelle la criminalité comme pour mieux la réprimer avec force, même si elle repousse comme du chiendent.
Si Nolan en faisait comme dit plus haut, un schizophrène tout aussi dangereux que les êtres qu'il pourchasse, dont chaque acte ne fait que précipiter l'autodestruction de son corps et de son âme (Rachel...), Reeves sonde les tréfonds psychotiques de l'âme de son héros (et un Pattinson impliqué, nous fait constamment ressentir sa douleur) pour mieux pointer ce qui constitue et motive son héroïsme (d'un défouloir émotionnel au vrai statut de protecteur de Gotham), et en faire un Batman menaçant mais aussi maladroit et humain, qui convient totalement à notre époque critique.
Ne dénotant jamais dans l'ombre désolée d'une Gotham ravagée et crépusculaire (oubliez The Dark Knight et le Joker, le Gotham du Riddler est le plus sombre et macabre jamais vu jusqu'à maintenant), sa présence puissante et prudente à la fois, est à la hauteur de la détermination et de la mélancolie qui l'habite, mais aussi et surtout à la hauteur d'une menace sordide et plurielle.
Une menace qui va décemment plus loin que la simple quête d'un tueur en série incroyablement violent (qui cible des personnalités corrompues parmi l'élite de la ville et qui, à chaque nouvelle victime, cherche à exposer une conspiration bien plus grande qu'on le pense).
Car la quête obsessionnelle du Bat pour trouver le Riddler (Paul Dano, incroyablement intimidant) et empêcher le prochain meurtre, le conduit à des révélations personnelles (ce n'est qu'un enfant perdu qui cherchent à en protéger d'autres) impliquant le chef du crime de Gotham, Carmine Falcone (John Turturro, toujours follement charismatique) et son bras droit le Pingouin (Colin Farrell, parfait en mode Robert De Niro dans Les Incorruptibles), tout en lui faisant croiser la route de la magnifique Selina Kyle (Zoë Kravitz est une exceptionnelle femme fatale digne de l'âge d'or Hollywoodien - coucou Lauren Bacall)...
Profondément contemporain dans sa violence sociale décomplexée (impossible de ne pas voir dans le final, un parallèle avec l'horreur récente de l'attaque du Capitole), ne lésinant jamais sur l'action - brutale et frontale -, Reeves ramène le personnage à son statut le plus élémentaire au coeur des comics d'origine (le " plus grand détective du monde "), tout en se perdant parfois dans les tics du blockbuster franchisé et franchisable actuel, gonflant sa narration pour mieux nous familiariser avec ce qui suivra le Batman de Pattinson pendant longtemps.
Un défaut plus ou moins marqué qui se retrouve notamment dans le gros ventre mou apparaissant à la moitié du long-métrage, segment (très) bavard où chaque personnage à son moment de gloire quitte à laisser de côté l'enquête centrale et le Riddler - écueil dans lequel n'était pas tombé Nolan avec son opus d'introduction.
Par ailleurs, s'il lui manque peut être également un petit grésillement sensuel dans l'alchimie qui unit Batman et Catwoman - que dire sur celle glaciale qui unit Bruce et Alfred -, celle qui unit en revanche le Caped Crusader et Gordon (le si mesestimé Jeffrey Wright), ajoute elle du corps au pendant enquête de l'intrigue; d'autant qu'il a le (très) bon goût de ne pas revenir une nouvelle fois sur la mort de Thomas et Martha Kent - même si leur disparition pèse sur tout le métrage.
Étiré mais jamais ennuyeux (on peut lui reprocher quelques longueurs sans totalement lui en vouloir de prendre souvent son temps et de laisser l'émotion des interprétations parler), tendu tout long autant par la force d'une ambiance austère et poisseuse captivante (bien appuyée par la bande originale " Chinatown-esque " de Michael Giacchino) qu'une mise en scène au cordeau (la fameuse poursuite entre Bat et le Pingouin, filmée à travers le flou de fortes pluies et le ballet délirant des phares de voiture reflétés dans les vitres, est jouissive à mort), dont la sensibilité épouse complètement le ton et la forme; The Batman est une mise en bouche hypnotique et expressionniste unique, une plongée apocalyptique et obscure dans un chaos humain aux côtés d'un Dark Knight que l'on a envie de suivre et auquel on a vraiment envie de croire.
Vivement la suite.
Jonathan Chevrier
Avec : Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Colin Farrell, John Turturro, Jeffrey Wright, John Turturro,…
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Action, Policier, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h57min
Synopsis :
Deux années à arpenter les rues en tant que Batman et à insuffler la peur chez les criminels ont mené Bruce Wayne au coeur des ténèbres de Gotham City. Avec seulement quelques alliés de confiance - Alfred Pennyworth, le lieutenant James Gordon - parmi le réseau corrompu de fonctionnaires et de personnalités de la ville, le justicier solitaire s'est imposé comme la seule incarnation de la vengeance parmi ses concitoyens. Lorsqu'un tueur s'en prend à l'élite de Gotham par une série de machinations sadiques, une piste d'indices cryptiques envoie le plus grand détective du monde sur une enquête dans la pègre, où il rencontre des personnages tels que Selina Kyle, alias Catwoman, Oswald Cobblepot, alias le Pingouin, Carmine Falcone et Edward Nashton, alias l’Homme-Mystère. Alors que les preuves s’accumulent et que l'ampleur des plans du coupable devient clair, Batman doit forger de nouvelles relations, démasquer le coupable et rétablir un semblant de justice au milieu de l’abus de pouvoir et de corruption sévissant à Gotham City depuis longtemps.
Critique :
Profondément contemporain et ne lésinant pas sur l'action (brutale et frontale),#TheBatman ou une mise en bouche captivante, une plongée tendue et apocalyptique dans un chaos sombre et violent aux côtés d'un Bat que l'on a envie de suivre et auquel on a (vraiment) envie de croire pic.twitter.com/jZO95HNNXE
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) March 1, 2022
Restait-il encore un peu de jus dans le costume du Dark Knight, pour que le septième art s'échine à nous proposer quelque chose si ce n'est totalement original, au moins un tant soit peu différent de ce que l'on a pu voir sur les quinze dernières années; que ce soit dans la refonte totale du personnage par Christopher Nolan, où l'aspect businessman un poil blasé instauré par Snyder.
Force est d'admettre que Matt Reeves ne met pas longtemps pour répondre par l'affirmative à ce questionnement légitime avec The Batman, refusant sagement de s'inscrire dans l'ombre de la trilogie de Nolan pour mieux lui préférer une nouvelle révision des fondements mêmes de la mythologie du Bat (et qu'il prenne trois heures pour le faire, n'a résolument rien de décourageant puisqu'elles passent en un éclair), pas dénué de quelques scories certes mais épousant joliment les contours du thriller psychologique et du film noir, à la lisière du cinéma de David Fincher - Se7en mais surtout Zodiac en tête - et de Memories of Murder (cette foutue pluie qui innonde l'écran), tout en rappelant par quelques touches sombres et désespérées, le The Crow d'Alex Proyas (où le héros était lui aussi, un être vengeur qui s'annonçait comme tel).
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À l'instar de la trilogie Dark Knight et des pitreries adulescentes du MCU, Reeves conserve un regard adulte et mature, télescopant une intrigue casse-tête hypnotique à une souci de réalisme viscéral et une émotion poignante, faisant de son super-héros central non plus une figure de la Grèce antique, un vigilante torturé et autodestructeur aussi dangereux que les psychopathes qu'il affronte; mais bien un héros purement Shakespearien, le bras armé de la justice hanté par le meurtre de ses parents et sa détermination à débarrasser Gotham City des criminels de tout bord, qui évolue - même dans la physicalité de ses affrontements - au fil du récit.
Un homme brisé en proie à la désolation et à la frustration humaine, luttant contre ses propres démons qu'il soit avec ou sans costume, et qui a trouvé en Alfred et le Commissaire Gordon, des figures paternelles de substitution.
À la différence des précédentes adaptations du personnage, il n'y a pas tant de différences entre Bruce Wayne et Batman - pas même dans la voix -, pas de manigances scénaristiques pour démarquer l'intimité entre le milliardaire désespéré et son alter-ego lugubre, tant les deux utilisent l'obscurité comme la meilleure des alliées, épousant l'ombre pour mieux être une ombre, chasser de manière obsessionnelle la criminalité comme pour mieux la réprimer avec force, même si elle repousse comme du chiendent.
Si Nolan en faisait comme dit plus haut, un schizophrène tout aussi dangereux que les êtres qu'il pourchasse, dont chaque acte ne fait que précipiter l'autodestruction de son corps et de son âme (Rachel...), Reeves sonde les tréfonds psychotiques de l'âme de son héros (et un Pattinson impliqué, nous fait constamment ressentir sa douleur) pour mieux pointer ce qui constitue et motive son héroïsme (d'un défouloir émotionnel au vrai statut de protecteur de Gotham), et en faire un Batman menaçant mais aussi maladroit et humain, qui convient totalement à notre époque critique.
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Ne dénotant jamais dans l'ombre désolée d'une Gotham ravagée et crépusculaire (oubliez The Dark Knight et le Joker, le Gotham du Riddler est le plus sombre et macabre jamais vu jusqu'à maintenant), sa présence puissante et prudente à la fois, est à la hauteur de la détermination et de la mélancolie qui l'habite, mais aussi et surtout à la hauteur d'une menace sordide et plurielle.
Une menace qui va décemment plus loin que la simple quête d'un tueur en série incroyablement violent (qui cible des personnalités corrompues parmi l'élite de la ville et qui, à chaque nouvelle victime, cherche à exposer une conspiration bien plus grande qu'on le pense).
Car la quête obsessionnelle du Bat pour trouver le Riddler (Paul Dano, incroyablement intimidant) et empêcher le prochain meurtre, le conduit à des révélations personnelles (ce n'est qu'un enfant perdu qui cherchent à en protéger d'autres) impliquant le chef du crime de Gotham, Carmine Falcone (John Turturro, toujours follement charismatique) et son bras droit le Pingouin (Colin Farrell, parfait en mode Robert De Niro dans Les Incorruptibles), tout en lui faisant croiser la route de la magnifique Selina Kyle (Zoë Kravitz est une exceptionnelle femme fatale digne de l'âge d'or Hollywoodien - coucou Lauren Bacall)...
Profondément contemporain dans sa violence sociale décomplexée (impossible de ne pas voir dans le final, un parallèle avec l'horreur récente de l'attaque du Capitole), ne lésinant jamais sur l'action - brutale et frontale -, Reeves ramène le personnage à son statut le plus élémentaire au coeur des comics d'origine (le " plus grand détective du monde "), tout en se perdant parfois dans les tics du blockbuster franchisé et franchisable actuel, gonflant sa narration pour mieux nous familiariser avec ce qui suivra le Batman de Pattinson pendant longtemps.
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Un défaut plus ou moins marqué qui se retrouve notamment dans le gros ventre mou apparaissant à la moitié du long-métrage, segment (très) bavard où chaque personnage à son moment de gloire quitte à laisser de côté l'enquête centrale et le Riddler - écueil dans lequel n'était pas tombé Nolan avec son opus d'introduction.
Par ailleurs, s'il lui manque peut être également un petit grésillement sensuel dans l'alchimie qui unit Batman et Catwoman - que dire sur celle glaciale qui unit Bruce et Alfred -, celle qui unit en revanche le Caped Crusader et Gordon (le si mesestimé Jeffrey Wright), ajoute elle du corps au pendant enquête de l'intrigue; d'autant qu'il a le (très) bon goût de ne pas revenir une nouvelle fois sur la mort de Thomas et Martha Kent - même si leur disparition pèse sur tout le métrage.
Étiré mais jamais ennuyeux (on peut lui reprocher quelques longueurs sans totalement lui en vouloir de prendre souvent son temps et de laisser l'émotion des interprétations parler), tendu tout long autant par la force d'une ambiance austère et poisseuse captivante (bien appuyée par la bande originale " Chinatown-esque " de Michael Giacchino) qu'une mise en scène au cordeau (la fameuse poursuite entre Bat et le Pingouin, filmée à travers le flou de fortes pluies et le ballet délirant des phares de voiture reflétés dans les vitres, est jouissive à mort), dont la sensibilité épouse complètement le ton et la forme; The Batman est une mise en bouche hypnotique et expressionniste unique, une plongée apocalyptique et obscure dans un chaos humain aux côtés d'un Dark Knight que l'on a envie de suivre et auquel on a vraiment envie de croire.
Vivement la suite.
Jonathan Chevrier