[CRITIQUE] : Sound of Metal
Réalisateur : Darius Marder
Acteurs : Riz Ahmed, Olivia Cooke, Paul Raci, Mathieu Amalric,...
Distributeur : Tandem Films
Budget : -
Genre : Drame, Musical.
Nationalité : Américain, Belge.
Durée : 2h02min.
Synopsis :
Ruben et Lou, ensemble à la ville comme à la scène, sillonnent les Etats-Unis entre deux concerts. Un soir, Ruben est gêné par des acouphènes, et un médecin lui annonce qu'il sera bientôt sourd. Désemparé, et face à ses vieux démons, Ruben va devoir prendre une décision qui changera sa vie à jamais.
Critique :
Entre le bilan physique et psychologique douloureux d'une âme glissant peu à peu vers une paix difficile et désespérée, ou les choix privilégiés ne sont pas toujours les meilleures, #SoundofMetal est une expérience énervée et sensible, une pure bulle dévorante de poésie grunge. pic.twitter.com/L5I8khaZJw
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) June 12, 2021
Si le talentueux Riz Ahmed a toujours été, même dans un nanar tel que le Venom de Ruben Fleischer, un acteur vivant et semblant toujours pouvoir déborder du cadre, c'est la première fois qu'il nous apparaît totalement enfermée par et dans celui-ci, au coeur du virtuose premier passage derrière la caméra du scénariste Darius Marder, Sound of Metal, qui rappelle merveilleusement - et à différentes échelles - autant le cinéma de Derek CianFrance que le chef-d'oeuvre The Wrestler de Darren Aronofsky; deux oeuvres sur des écorchés vifs qui luttent contre un corps qui les abandonne au moins autant que le (petit) monde qui les entoure.
Démontrant viscéralement les frustrations intimes et complexes de perdre inéluctablement le contact avec sa vie, peut importe à quel point on se bat pour s'y accrocher, tout autant qu'il sonde les limites de ce dit monde, et la nécessité de le reconstruire pour mieux se reconstruire également; le film plaque sur la pellicule cette énigme insondable qu'est d'être peu à peu sourd pour les personnes non frappées par la surdité, un effort rebdu férocement palpable par une utilisation incroyable de la conception sonore, un paysage complexe qui résonne en nous et à l'écran, même dans le silence le plus total.
Copyright Tandem Films |
On y suit le charismatique Ruben, un ex-héroïnomane et batteur en difficulté, qui se produit occasionnellement avec sa compagne chanteuse Lou, avec qui il mène une existence au bord du précipice.
S'ils sont évidemment amoureux l'un de l'autre, engoncés dans leur camping car de fortune, les cicatrices frappées sur leurs corps laissent transparaître que leur âmes troublées ne sont jamais très loin de l'implosion.
Dite implosion qui viendra sans tambour ni trompette, mais avec puissance dévastatrice : le monde de Ruben devient soudainement muet, son audition perdue ne reviendra jamais, et c'est face à se constat terrible (avec une peur réelle et déroutante) qu'il décide de bouffer la chandelle par les deux bouts, en suivant son (mauvais) instinct n'écoutant plus personne et en ne restant pas à l'écart du vacarme de son existence, jusqu'à ce qu'il ne puisse même pas entendre les propres échos de son être.
Lou convainc cependant Ruben de rester dans une cure de désintoxication/retraite, une communauté de sourds au passé tumultueux, dirigée par le gourou Joe.
Il assiste aux réunions de groupe, se sent aliéné lors des dîners «bavards», apprend le langage des signes, est obligé d'écrire et de faire du bénévolat avec les enfants d'une école voisine, mais réalise surtout que sa surdité n'est pas tant un handicap insurmontable ni une déficience à réparer coûte que coûte, mais bien comme un nouveau mode de vie auquel il faut s'adapter et non se rebeller.
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Ce que fera Ruben, pour accoucher d'un résultat dont les conséquences récoltés ne sont décemment pas celles qu'il avait prédit...
Entre le bilan physique et psychologique douloureux d'une âme volontairement ignorante, glissant peu à peu vers une paix difficile et désespérée ou les priorités privilégiées ne sont pas toujours les meilleures, Sound of Metal est un bijou d'expérience énervée et à la sensibilité délicate, une bulle dévorante de poésie grunge à la linéarité jamais plombante, dont l'équilibre est totalement à la merci de la prestation habitée de son couple vedette.
Olivia Cooke, formidable dans un mélange bouleversant d'empathie et de colère, tient continuellement la dragée haute à un Riz Ahmed furieux et sous le choc, totalement habité dans le rôle d'un homme qui doit apprendre à aligner sa marche sur la cadence d'un tempo différent, lorsque la musique familière qui rythmait son quotidien s'arrête pour de bon.
Il rend déchirante les moments de désespérance absolue et l'incapacité de Ruben à faire face à un destin qui le rend non seulement sourd mais aveugle à la réalité qui l'entoure : entouré par plusieurs personnes bienveillantes qui l'acceptent et l'aident, il ne comprend pas à quel point cette opportunité est miraculeuse en comparaison d'autres, à la vie tout aussi opprimée.
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Loin de l'assaut constant et bruyant contre la résistance et la fragilité des sens (incroyable travail sonore de l'orfèvre Nicolas Becker, déjà à l'oeuvre sur Gravity et Arrival), ou même une ode extravagante au métal, le premier effort de Darius Marder (le seul reproche qu'on puisse lui faire, est uniquement son plongeon mélodramatique final, pas forcément bien amené/orchestré même si très poignant) est délibérément silencieux, un songe intérieur qui vibre en sourdine avant d'être édulcoré par un faux espoir de résolution/rédemption, une combustion lente qui fait fondre même le plus solide des métaux (quel final...).
Plus qu'un vertige sur la perte des sens, le film explore le sacrifice, l'égoïsme et la nécessité faire les bons choix au détriment de notre bien-être, pour espérer un avenir pas forcément meilleur, mais différent.
Qu'on se le dise, 2021 à déjà trouvé l'une de ses premières claques.
Jonathan Chevrier
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Darius Marder, le scénariste du film The Place beyond the pines, revient pour sa première réalisation d’un long-métrage de fiction, Sound of Metal. Un temps annoncé pour sortir directement en SVOD sur Amazon Prime Vidéo, le film sortira bien en salles chez nous, grâce à TANDEM le 16 juin prochain. Une très bonne nouvelle, surtout quand nous avons déjà vu le film au fin fond de notre canapé. Malgré toute l’installation technique pour avoir le meilleur son possible, rien ne sera égalable à la salle de cinéma pour profiter du travail minutieux du mixage sonore, réalisé par Nicolas Becker. Pour le découvrir ou le redécouvrir, il nous faudra donc se ruer dans nos cinémas.
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Ruben (Riz Ahmed) et Lou (Olivia Cooke) forment un duo de musiciens sur scène et un couple au quotidien. Leur vie est bien rodée : ils parcourent les routes américaines la journée, dans leur caravane/maison et la nuit, ils jouent sur scène à s’en faire péter les tympans. Justement, Ruben commence par être gêné à cause d'acouphènes, avant de perdre son ouïe petit à petit. Leur équilibre est chamboulé, malgré le déni de Ruben de vouloir continuer comme si de rien n’était. La perte de son audition est un profond traumatisme, parce qu’il est musicien, le son est son métier, sa vie. Parce qu’il fragilise sa guérison, étant un ex-addict. Parce qu’il fragilise son couple également, Lou et Ruben sont fusionnels, co-dépendants. Ruben va donc devoir apprendre à devenir sourd, apprendre à gérer sa vie différemment et à se reconstruire.
Darius Marder fait preuve de beaucoup d’empathie dans sa mise en scène, pour nous montrer son personnage. Dès les premiers instants, Ruben nous est montré seul sur scène, sa teinture blonde se détachant du fond noir. Il attend le bon vouloir de sa partenaire Lou, chanteuse et guitariste, qui enflamme le public à coup de scream percutant et de riffs électriques. Malgré leur fusion sur scène et à l’écran, Ruben est pourtant seul dans le cadre. Il se réveille seul également, surcadré par le couloir de la caravane, qui nous cache le corps endormi de Lou à ses côtés. Il prépare le petit-déjeuner avec des gestes sûrs, pour nous montrer qu'il le fait chaque jour. Malgré l’amour qu’ils se portent, malgré leur lien très fort au travers de la musique, mais aussi de leur passé (comme nous le disent certains détails du récit), Ruben et Lou sont en équilibre fragile. Un événement et tout bascule. Quand Ruben lui annonce enfin la vérité, Lou panique et ne sait pas quoi faire. Si le monde de Ruben s’écroule, le sien se défait également. Leur futur semble impossible en l’état. Elle ne peut pas lui apporter l’aide qu’il lui faut. Clairvoyante, elle part à Paris, chez son père, le seul moyen pour que Ruben accepte de se soigner. Non pas soigner sa surdité comme il le voudrait au premier abord, mais soigner son âme torturée.
À l’instar du film Sans un bruit, Sound of Metal a compris qu’il ne suffit pas d’une absence de son pour caractériser un personnage malentendant. Tout simplement parce qu’il est faux de le simplifier de cette façon. La surdité n’équivaut pas au silence, comme nous l’apprend le réalisateur dans le dossier de presse du film. Il était donc très important pour lui que le mixage sonore soit au plus proche de son personnage. Immersif, le mixage change continuellement, entre baisse de volume, son étouffé, souffle, une expérience viscérale. Nous avons presque envie de prendre la télécommande pour augmenter le volume, inconsciemment. Le son fait partie intégrante de notre monde et il est donc tout aussi faux d'avancer le fait qu’une personne sourde est une personne silencieuse. Sound of Metal met un point d’honneur à nous le prouver. La scène de repas nous le démontre brillamment, cette réalité sonore est palpable et parcourt le film de petits détails. Les gestes doivent être repensés mais pas annulés. La musique reste possible pour Ruben, différente, mais bien présente, comme le montre cette séquence sur un toboggan, où il apprend des rythmes à un petit garçon sourd, grâce aux vibrations générées sur le jeu.
Sound of Metal semble faire les bons choix dans son récit au début et ne tombe pas dans le piège du mélodrame. Les antécédents de toxicomanie sont présents en tant que caractérisations et non pas en tant qu’enjeux. Ce sont le chemin et surtout l’acceptation qui intéressent Darius Marder et non l’histoire d’une rechute. Le dernier quart du film nous paraît pourtant incompréhensible. Au vu du changement opéré suite à sa thérapie, Ruben fait des choix en total contradiction avec ce qui est dit précédemment et le film perd soudainement son intérêt. Voir Olivia Cooke chanter en français ne vaut pas le coup de perdre le magnifique message tissé le long du métrage. Ce qui nous semble bien dommage.
Laura Enjolvy
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À l’instar du film Sans un bruit, Sound of Metal a compris qu’il ne suffit pas d’une absence de son pour caractériser un personnage malentendant. Tout simplement parce qu’il est faux de le simplifier de cette façon. La surdité n’équivaut pas au silence, comme nous l’apprend le réalisateur dans le dossier de presse du film. Il était donc très important pour lui que le mixage sonore soit au plus proche de son personnage. Immersif, le mixage change continuellement, entre baisse de volume, son étouffé, souffle, une expérience viscérale. Nous avons presque envie de prendre la télécommande pour augmenter le volume, inconsciemment. Le son fait partie intégrante de notre monde et il est donc tout aussi faux d'avancer le fait qu’une personne sourde est une personne silencieuse. Sound of Metal met un point d’honneur à nous le prouver. La scène de repas nous le démontre brillamment, cette réalité sonore est palpable et parcourt le film de petits détails. Les gestes doivent être repensés mais pas annulés. La musique reste possible pour Ruben, différente, mais bien présente, comme le montre cette séquence sur un toboggan, où il apprend des rythmes à un petit garçon sourd, grâce aux vibrations générées sur le jeu.
Copyright Tandem Films |
Sound of Metal semble faire les bons choix dans son récit au début et ne tombe pas dans le piège du mélodrame. Les antécédents de toxicomanie sont présents en tant que caractérisations et non pas en tant qu’enjeux. Ce sont le chemin et surtout l’acceptation qui intéressent Darius Marder et non l’histoire d’une rechute. Le dernier quart du film nous paraît pourtant incompréhensible. Au vu du changement opéré suite à sa thérapie, Ruben fait des choix en total contradiction avec ce qui est dit précédemment et le film perd soudainement son intérêt. Voir Olivia Cooke chanter en français ne vaut pas le coup de perdre le magnifique message tissé le long du métrage. Ce qui nous semble bien dommage.
Laura Enjolvy