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[CRITIQUE] : L’indomptable feu du printemps

Réalisateur : Lemohang Jeremiah Mosese
Acteurs : Mary Twala Mlongo, Jerry Mofokeng Wa Makhetha, Makhaola Ndebele, Tseko Monaheng, Siphiwe Nzima, ...
Distributeur : Arizona Distribution
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Lesothan, Sud-africain, Italien
Durée : 2h00min

Synopsis :
Mantoa, 80 ans, est la doyenne d’un petit village niché dans les montagnes du Lesotho. Lorsque la construction d’un barrage menace de submerger la vallée, Mantoa décide d’en défendre l’héritage spirituel et ravive l’esprit de résistance de sa communauté. Dans les derniers moments de sa vie, la légende de Mantoa se construit et devient éternelle.


Critique :



This is not a burial, it’s a ressurection (ce n’est pas un enterrement mais une résurrection) nous annonce le premier film de fiction du cinéaste sotho Lemohang Jeremiah Mosese, un titre tel un appel à une œuvre marquante. Rebaptisé L’indomptable feu du printemps pour sa sortie française, ce long-métrage aux confins de l’onirisme et de la légende tient sa promesse d’un voyage vers un pays dont on parle très peu, le Lesotho. Mais ce ne sera pas un voyage touristique, passif. Le réalisateur ne nous facilitera pas la tâche. Si nous voulons rentrer pleinement dans le récit qu’il veut nous conter, il faudra mettre du sien et plonger dans le lent travelling avant, où la légende du village Nazaretha nous est transmise. “La vallée des larmes”, “Nazareth” pour deux colons venus apposer leur croyance sur ces plaines, “foyer”, ce village logé au cœur du Lesotho a peut-être plusieurs appellations mais possède une identité unique, bientôt mise à mal par la menace d’un barrage.

Arizona Distribution

 Ce sont des images floues, brèves, qui commencent ce long-métrage. Après s’être imposé dans le documentaire, Lemohang Jeremiah Mosese s’essaie à la fiction. Une fiction inspirée par sa propre histoire, sa grand-mère ayant connu les mêmes affres que son héroïne principale Mantoa (Mary Twala Mlongo), 80 ans. Sommée de quitter sa petite maison, elle décide de se battre et d’entraîner tout son village avec elle. Car ce n’est pas seulement sa maison qu’on lui demande de quitter, mais sa vie toute entière, son identité. Née dans cette terre, elle s’y est mariée, a eu des enfants, des petits-enfants et demeure la seule survivante de sa famille. Son souhait le plus cher est d’être enterrée avec ses proches, dans la terre de ses ancêtres. La mort ne lui fait pas peur, elle l’attend même. Tous les soirs, elle revêt sa belle robe couleur ocre, espérant ne jamais rouvrir les yeux au matin. Mais tous les jours, elle se réveille, la mort l’a oublié.
Le cinéaste déploie une mise en scène picturale. Les images deviennent des tableaux, le village est magnifié par la photographie de Pierre De Villiers. Les couleurs sont saturées, le cadre structuré, Lemohang Jeremiah Mosese s’emploie à raconter son histoire de la plus belle des façons. Mais sa narration est bien audiovisuelle, passant autant par l’image que par le son. Une gamme sonore très riche, avec une musique lancinante, des sons doux de la nature (vent, abeille), le tintement des cloches, le chant des villageois, le cri de détresse de Mantoa face à l’annonce de la mort de son fils. L’ensemble confère une atmosphère réaliste, qui paradoxalement nourrit l’onirisme du film. Les couleurs ont aussi une signification et reprennent les couleurs du drapeau du pays : bleu, vert, blanc et noir. Le noir évidemment, car Mantoa porte le deuil. Ne quittant jamais cet habit sombre, elle détonne dans ces vertes prairies, dans les habits bleus, blancs ou rouges de ses voisins. Le bleu parsème le cadre durant la totalité du film. Que ce soit un mur, un habit, le ciel, il entoure Mantoa. Sur le drapeau, cette couleur représente la pluie. Dans le film, il pourrait représenter plus communément l’eau, la menace de notre héroïne, celle qui doit la faire déménager. Le gouvernement a décidé de construire un barrage et le village sera tout à fait inondé : les maisons, les récoltes, les tombes. Il faut savoir que le Lesotho est un grand exportateur d’eau potable, à destination de l’Afrique du Sud. Mais cette eau, source de vie est aussi source de profit et de destruction pour ces villageois qui en paient le prix. L’enjeu de Mantoa est d’abord égoïste, elle voudrait avoir le temps de mourir pour être enterrée auprès des siens. Très vite cependant, son combat deviendra celui de tout un peuple. La notion d’héritage prend de l’ampleur à mesure du récit. “L’indomptable” du titre français fait bien évidemment référence à Mantoa, corps frêle mais volonté de fer, tout autant qu’aux villageois, peuple balloté par les promesses du progrès et qu’à la nature résiliente, source de vie et de mort.

Arizona Distribution

L’indomptable feu du printemps dévoile la profonde dichotomie entre la tradition et la modernité. Dans ce petit village du Lesotho, la mort prend la forme la plus injuste qui soit, s'accaparant les plus jeunes et laissant les plus vieux/vieilles seul‧es et démuni‧es. Fort d’un récit tirant sur l’héritage et la légende, le film de Lemohang Jeremiah Mosese ne peut pas laisser de marbre.
 
 
Laura Enjolvy
 

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