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[CRITIQUE] : Le Mans 66


Réalisateur : James Mangold
Acteurs : Matt Damon, Christian Bale, Jon Bernthal, Caitriona Balfe, Tracy Letts,...
Distributeur : Twentieth Century Fox France
Budget : -
Genre : Biopic, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h33min

Synopsis :
Basé sur une histoire vraie, le film suit une équipe d'excentriques ingénieurs américains menés par le visionnaire Carroll Shelby et son pilote britannique Ken Miles, qui sont envoyés par Henry Ford II pour construire à partir de rien une nouvelle automobile qui doit détrôner la Ferrari à la compétition du Mans de 1966.




Critique :



Quoi de mieux que la passion, l'adrénaline pour oublier le froid et l’hiver qui arrive ? C’est ce que nous propose James Mangold, avec ce biopic sur les 24h du Mans, célèbre course automobile. Après avoir terminé en beauté la saga basée uniquement sur Wolverine, Logan en 2017, il nous revient avec un biopic sur la bataille entre Ford et Ferrari (comme son titre original nous le dit) dans les années 60. Le Mans 66 est plus qu’une guéguerre entre deux compagnies, deux présidents riches à l’égo surdimensionné. Il nous parle de deux pilotes Caroll Shelby et Ken Miles, campé respectivement par Matt Damon et Christian Bale, de leur amitié, de leur passion et leur course folle contre la montre pour construire la meilleure voiture de course, celle qui battra enfin Ferrari. Une histoire presque exclusivement masculine, il est vrai, mais le film a dans son cœur un thème cher à Mangold, qui est l’intégrité. Ici, ce thème est un enjeu majeur : jusqu’où un homme est prêt à aller par passion ? Peut-on uniquement laisser parler son égo ?



Henry Ford II, la cinquantaine bedonnante, est dans un moment crucial vis à vis de son entreprise, qu’il a hérité de son grand-père, Ford premier du nom. Il veut moderniser le nom de la marque, en faire quelque chose de plus fort. C’est pourquoi, Ford et ses décisionnaires se lancent dans la course automobile. La victoire des courses a quelque chose de viril, qui ferait changer le regard des clients sur la marque, très (trop) familiale. Un temps, ils décident de faire fusionner la nouvelle partie automobile de course de son entreprise avec Ferrari, dont la réputation alors était au maximum de sa capacité, la victoire n’avait plus de secret pour eux. Mais la passion de la course n’a d’égale que l’égo des hommes qui dirigent les entreprises. Qu’à cela ne tienne, Ford sera indépendant, et battra Ferrari sur leur terrain de prédilection : les 24h du Mans.



Mais Le Mans 66, malgré son côté grandiloquent de course de voiture historique, se veut un peu plus intimiste que cela. Ce qui intéresse Mangold, encore plus que les scènes de voiture allant à tout allure, c’est la relation conflictuelle mais respectueuse entre deux immenses pilotes : Caroll Shelby et Ken Miles. Matt Damon est Shelby, le seul pilote américain à avoir gagné les 24h du Mans, avant de prendre une retraite anticipée au pic de sa carrière. La raison : son cœur malade, l’adrénaline peut lui coûter la vie. Il vend maintenant des voitures et entraîne Ken Miles (Christian Bale), pilote émérite mais arrogant et colérique le weekend. Shelby serait parfait pour construire la voiture de course de Ford, celle qui mettrait la honte à Ferrari. Il y voit un moyen de retourner dans un monde qu’il aime tant sans mettre sa santé en danger et d’introduire Miles dans de véritables courses. Un problème de taille cependant se présente : comment faire comprendre la complexité d’une voiture de course, la précision, la passion que cela requiert envers des cadres dynamiques et un patron milliardaire qui n’y connaissent absolument rien mais qui détiennent l’argent ? Voilà tout l’enjeu du film : plus que la guerre entre Ford et Ferrari, le film montre la guerre entre passion et argent (y voir une allégorie entre gros studio et réalisateur n’est pas si tiré par les cheveux que cela).



Car oui, plus qu’une voiture rapide, c’est l’humain, celui qui la conduit qui fait toute la différence. C’est dans ce but que Mangold construit sa mise en scène et son histoire, mettre l’homme au centre de cette machine complexe, qui peut prendre feu à tout moment. Un danger permanent plane, contrecarré par l’adrénaline et le suspens des courses. La caméra reste dans la voiture, captant la sueur, l’aiguille rouge qui monte, les freins qui peuvent lâcher à tout moment, mais aussi la concentration, la joie du pilote, sa passion de la vitesse, sa compréhension et le total contrôle qu’il a de la machine. Une intimité s’installe dans cet habitacle, comme le montre cette scène très drôle du vieux Ford qui expérimente la sensation de vitesse dans une voiture de course. Cet homme austère et froid fond en larme, car il n’aurait jamais cru que ce serait aussi intense. C’est cette connaissance qui crée les liens. A partir de ce moment là, Ford donnera sa pleine confiance en Shelby, comme celui-ci fait une confiance aveugle en Miles. Parce qu’ils savent. Mais cette adrénaline peut être dangereuse. Plus que ses problèmes cardiaques, l’inconscience aurait peut-être fini par le tuer, lui qui était prompt à se remettre dans une voiture qui venait de prendre feu pour gagner une course. Nous avons donc ici le cœur de la relation entre Shelby et Miles. Shelby, calme, qui arrondit les angles, tandis que Miles est tout feu, tout flamme. L’un est spectateur, l’autre acteur. Shelby prend peu à peu conscience du danger dans lequel il met Miles quotidiennement, tandis que Miles remonte toujours en voiture, même après avoir frôler la mort de nombreuses fois.




Malgré ses nombreuses scènes de courses endiablées très réussies, Le Mans 66 est un film beaucoup plus intimiste qu’il n’y paraît. James Mangold filme ses deux protagonistes comme des artistes, des pilotes d’exception, qui ne peuvent avoir confiance qu’en eux, face à des hommes riches qui n’y connaissent rien. C’est en ça que le film est brillant, alliant divertissement et scènes poignantes. Plus qu’une guerre entre deux grands noms de l’automobile, c’est l’histoire d’une passion commune, créatrice de liens forts. Et c’est ce qui doit rester au final : la passion.


Laura Enjolvy 






La nostalgie américaine au sein de la jungle Hollywoodienne n'a pas toujours du bon, à en croire la pluie de remakes/prequels/reboots qui pullulent abondamment dans nos salles obscures, mais parfois, seulement parfois, elle peut amener à la mise en route de projets profondément grisant, souvent accouchés dans la douleur (parce que l'originalité c'est pô vendeur hein), mais qui nous rappelle à la grandeur d'un cinéma qui savait conter des récits inspirants sur des personnages qui le sont tout autant, alimentés autant par une émotion sincère qu'une testostérone justement dosé.
Épousant sans réserve la droite lignée des grandes fresques si familières d'outsiders magnifiques se lançant dans un combat jugé perdu d'avance par les âmes les plus pessimistes, Le Mans 66 de James Mangold (on lui préférera nettement plus son titre original, Ford v Ferrari), fait renaître ce sentiment enthousiasmant d'un cinéma un peu perdu, celui des divertissements sportifs qui s'attache autant aux épreuves titanesques qu'aux hommes qui brutalisent, musclent leurs esprits et leurs corps pour parvenir à les accomplir.



Basé sur l'histoire vraie des premiers programmes de course de la Ford Motor Company, le film suit la détermination du génial concepteur yankee Carroll Shelby (Matt Damon, charismatique en héros brave mais arrogant) et du pilote colérique britannique Ken Miles (Christian Bale, littéralement en mode Fighter), pour briser la série de victoires indécentes de Ferrari au 24h du Mans, la référence number one de la course automobile.
Un parcours évidemment semé d'embûches pour faire de la GT40 Mark I, le David sur roues qui fera plier le Goliath italien, que Mangold va capter par le triple prisme de l'adrénaline du bitume (plus encore que dans le récent Rush, c'est dire la sensation d'immersion immense), la vision faussement passionnée des grosses pontes devant penser avant tout et surtout à la rentabilité (ah le capitalisme...), mais surtout l'émotion d'une amitié virile, entre conflits, égos puissants et respect mutuel, de deux hommes à la répartie légère mais savoureuse, pleinement conscient que leurs vies n'a rellement de sens que proche d'un bolide aux chevaux affûtés... même si le danger est constant.
Une relation frappé du sceau d'un dévouement puritain au métier, et dont l'alchimie rappellerait presque la saga Rocky, et plus directement l'amitié entre Apollo Creed et Rocky Balboa (le film rappelle d'ailleurs assez souvent Rocky premier du nom), deux hommes - assez caricaturaux, soyons honnêtes - motivés par un but commun et soutenus par leurs proches, coûte que coûte. 




N'ayant jamais peur du kitsch - jusque dans son score jazzy -, rodé comme un bolide solidement charpenté malgré quelques scories prévisibles (les conflits intérieurs des héros, les obstacles bureaucratiques,...) et une gestion dramatique un brin à la ramasse, Le Mans 66 rend sa mécanique jamais trop complexe ni redondante pour son auditoire (passionnante même dans son parallèle méta avec l'industrie du cinéma contemporain, et notamment le rachat direct de la Fox par Disney), capture comme rarement le danger tenace et imbibé d'essence de la profession (avec un formidable travail sonore, accentuant pleinement l'immersion du spectateur et la passion qui habite ses personnages), et saupoudre son récit avec suffisamment de poussées d'adrénaline pour rendre follement magnétique sa mise en images des oubliés, de la petite histoire nécessaire et habitée dans la grande ambitieuse et fascinante.


Jonathan Chevrier