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[TOUCHE PAS À MES 80ϟs] : #52. Scarface

Copyright Universal Pictures

Nous sommes tous un peu nostalgique de ce que l'on considère, parfois à raison, comme l'une des plus plaisantes époques de l'industrie cinématographique : le cinéma béni des 80's, avec ses petits bijoux, ses séries B burnées et ses savoureux (si...) nanars.
Une époque de tous les possibles où les héros étaient des humains qui ne se balladaient pas tous en collants, qui ne réalisaient pas leurs prouesses à coups d'effets spéciaux et de fonds verts, une époque où les petits studios (Cannon ❤) venaient jouer dans la même cour que les grosses majors légendaires, où les enfants et l'imaginaire avaient leurs mots à dire,...
Bref, les 80's c'était bien, voilà pourquoi on se fait le petit plaisir de créer une section où l'on ne parle QUE de ça et ce, sans la moindre modération.
Alors attachez bien vos ceintures, mettez votre overboard dans le coffre, votre fouet d'Indiana Jones et la carte au trésor de Willy Le Borgne sur le siège arrière : on se replonge illico dans les années 80




#52. Scarface de Brian De Palma (1984)

Qui aurait pu croire que, trente-six ans après, une oeuvre contant le rise and fall grandiloquent d'un immigré cubain devenu trafiquant de drogues millionnaire à Miami, allait continuer à exercer une profonde fascination autant chez les cinéphiles purs et durs que les spectateurs du monde entier.

Personne ou presque, c'est dire donc l'aura follement imposante qui entoure le classique qu'est Scarface de Brian De Palma, qui aura totalement échappé à ses auteurs dès l'aube des 90's, pour devenir un phénomène culturel majeur (pas si déconnant, au fond), souvent associé à la musique rap et même tout simplement, aux banlieues et aux quartiers dit " difficiles " - et pas uniquement outre-Atlantique.

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Le parcours bigger than life et pathético-tragique de Tony Montana, plus que les qualités cinématographiques évidentes du film, sera le facteur essentiel de ce detournement social sans pareil, cette idée de bouffer l'American Dream par la racine d'une feuille de coca, quitte à s'en brûler les ailes et payer le prix d'une arrogance pourtant étonnamment compréhensible... et presque empathique.
Car si Montana n'est fondamentalement pas un homme dans lequel on se reconnaît (il est misogyne, violent, impulsif et même profondément bipolaire), on ne peut qu'épouser sa volonté de vouloir s'en sortir et grimper les échelons de la hiérarchie sociale, par la force de sa volonté sans bornes et de principes qui lui sont propres; sa volonté de vivre de manière flamboyante, de tromper une existence qui jusqu'ici ne lui avait rien donné.
Un tour de force incroyable réalisé par Stone et De Palma (mais aussi Sidney Lumet, présent à l'origine du projet), de nous faire prendre fait et cause pour un vrai criminel, qui accède au pouvoir et à la richesse grâce à sa " parole et ses couilles ".

Conspué à sa sortie (un remake d'un bijou d'Howard Hawks est évidemment un tâcheron, The Thing de Carpenter sortie un an avant, avait reçu le même accueil stupide), comme toute bonne fable morale qui pointe du doigt les maux de son époque (la violence, l'individualisme et le capitalisme érigé en way of life absolu), Scarface et son rise and fall pousse le curseur des extrêmes encore plus loin, en faisant de son crapuleux mais honnête héros (il ne trahit jamais ses principes, vit sa vie - même dans ses travers - au lieu de la subir), le fruit même de la politique américaines : l'exode massif des cubains suite aux accords entre Castro et Carter, où de la manière dont le pays martèle à coups de publicités diverses, que " Le Monde est à Vous " (" The World is Yours ").
Les États-Unis, nées dans la violence et le sang, est la terre de toutes les opportunités mais surtout, des opportunistes, et elle ne demande qu'à porter ses icônes - quelles qu'elles soient.

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Profondément ancré dans son époque - les 80's - aussi bien scénaristiquement parlant, quitte à en épouser autant sa folie et son irrévérence que sa vulgarité, que d'un point de vue esthétique (la mise en scène lumineuse du cinéaste accentue le pouvoir de fascination du métrage), incarné à la perfection par un casting totalement habité (Al Pacino cabotine joyeusement, Michelle Pfeiffer est un fantôme fragile et délicat), Scarface est un must-see absolu, une mise en images furieuse et volontairement bling-bling des travers de l'American Dream, qui trouve une résonance actuelle toujours aussi puissante.

Raison de plus pour le revoir assez régulièrement (même en VF, avec un doublage anthologique), et refuser en bloc toute idée d'un remake opportuniste comme Universal essaye de nous le vendre depuis plusieurs années maintenant.


Jonathan Chevrier

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