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[CRITIQUE] : Notre Monde


Réalisatrice : Luàna Bajrami
Avec : Albina Krasniqi, Elsa Mala, Dan Shala, Aurora Ferati, Gani Rrahmani,…
Distributeur : Gaumont Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Kosovar, Français.
Durée : 1h25min

Synopsis :
Kosovo, 2007. Zoé et Volta quittent leur village reculé pour intégrer l’université de Pristina. À la veille de l’indépendance, entre tensions politiques et sociales, les deux jeunes femmes se confrontent au tumulte d’un pays en quête d’identité dont la jeunesse est laissée pour compte.


Critique :


À seulement 23 ans, Luàna Bajrami réalise son deuxième long métrage, sobrement intitulé Notre Monde. Après s’être penchée sur la quête d’indépendance de trois jeunes filles enfermées dans un petit village du Kosovo pour son premier film, La colline où rugissent les lionnes, la réalisatrice continue l’exploration de la jeunesse au Kosovo en installant son intrigue à Pristina, en 2007, quelques mois avant la déclaration d’indépendance.

Deux cousines, Volta et Zoé, fuient leur petit village pour s’inscrire à l’université. Ainsi, elles échappent à une destinée traditionnelle, qui les enfermerait à jamais là-bas. La ville est attrayante, elle est synonyme de liberté et d’opportunité. Comme Thelma et Louise, elles partent en secret dans une vieille voiture. Cousines, Volta et Zoé pourraient passer pour des sœurs. Cheveux châtains, le visage fin, les yeux remplis d’espoir. Seul un peu de maquillage sur les yeux de Zoé, en début de film, vient les différencier. Mais ce bleu électrique est vite essuyé dans ce village où il ne faut surtout pas attirer l’attention. Cela renforce leur ressemblance. Comme si, en devenant quasi-jumelle, elle doublait leur chance. Chacune à besoin de l’autre pour sortir du village. Volta possède la voiture et les fonds et Zoé détient l’ambition d’une carrière (devenir traductrice). En quelques dialogues, Luàna Bajrami montre le poids des traditions sur les jeunes filles, ce qui pousse les deux personnages principaux à se défaire de ce joug.

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Hélas, Pristina n’atteint pas le rêve de liberté des deux cousines. De la ville, Notre Monde ne dévoilera que des lieux bien définis : l’université, les dortoirs, les squats, les toits. Comme si elles s’étaient échappées de prison pour s’enfermer dans une autre prison, celle des illusions perdues. Volta et Zoé découvrent une jeunesse pleine de fougue, comme elles, mais tournée vers un seul et même ennemi : une politique qui oublie sa jeunesse et laisse péricliter leur espoir d’avenir. Leur individualité se fond dans le collectif. Pour survivre, mieux vaut être admis dans le groupe. Elles font la rencontre de Flora, de Orges et plongent tête la première dans le militantisme. La jeunesse kosovare est confrontée à un taux de chômage en hausse, à une éducation nationale sous-financée, au mépris des institutions. Il ne lui reste que la rage du désespoir. L’image grise, les décors désolés et sales, les visages aux traits tirés, … Luàna Bajrami ne lésine pas sur les moyens de mise en scène pour exprimer la désolation de ses personnages. La caméra portée donne au film une sensation d’urgence, comme si tout était sur le point d’imploser. Cet aspect brut de décoffrage, dans la mise en scène, nous renvoie au cinéma d’Andréa Arnold et à son regard tendre malgré le choc, parfois brutal, de ses plans.

Notre Monde s’ancre dans l’histoire du Kosovo qui, en 2007, attendait depuis la fin de la guerre, en 1999, sa déclaration d’indépendance. Des images d’archives, mélange de films de famille et de reportages sur la guerre, rappellent aux spectateurs le contexte politique du pays. Mais il n’y a pas que ce contexte qui intéresse la réalisatrice, il y a aussi l’aspect coming-of-age des deux cousines qui, en s’installant à Pristina, signent sans le savoir la fin de leur gémellité. Ces deux enjeux du récit ne se fondent pas aussi bien qu’espéré. Ils se télescopent, se heurtent et échappent à la volonté du film. Trop de sous-intrigues apparaissent : l’histoire d’amour de Volta et Orges, Zoé et sa découverte de sa sensualité, l’escalade de violence à l’université, la drogue, etc … Les péripéties vont et viennent, rythmées comme des métronomes et dévoilent leur aspect fonctionnel. Malgré l’ambiance étouffante réussie, le film nous paraît trop démonstratif pour fonctionner parfaitement.


Laura Enjolvy


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