Breaking News

[FUCKING SERIES] : Mon Petit Renne : The Deer Hunter



(Critique - avec spoilers - de la mini-série)


Dégainé sur Netflix dans l'ombre de l'adaptation télévisée de la franchise vidéoludique Fallout, Mon Petit Renne à, assez justement, fait l'effet d'une bombe, et encore plus en comparaison du pétard mouillé friqué made in Prime Vidéo - c'est dit.

Une vraie petite sensation virale à la fois sombre et tragique, qui titille savamment l'angoisse chez son auditoire au moins autant que son frisson voyeuriste, d'autant que le tout est intimement basé d'une histoire vraie, celle d'un Richard Gadd qui, après avoir retranscrit son extraordinaire parcours sur la scène (son propre one man show), choisit la carte d'un petit écran britannique qui suit depuis un certain temps, une jolie tendance à composer des shows personnels et émotionnellement impactant - Fleabag de Phoebe Waller-Bridge et I May Destroy You de Michaela Coel en tête.

Copyright Netflix

Proposition un poil plus légère, même si elle ne cache absolument pas la noirceur de ses origines (qui, selon Gadd lui-même, auraient été légèrement modifiées sans pour autant perdre de leur véracité émotionnelle), l'histoire suit celle de Donny Dunn (Richard Gadd) qui travaille comme barman tout en luttant pour relancer sa carrière de comédien de stand-up en dents de scie - parce qu'il n'est tout simplement pas drôle.
Tout bascule lorsqu'il croise la route d'une femme bouleversée et abîmée par la vie, Martha, qui s'assoit à son bar pendant un moment, mais n'a pas les moyens de boire un verre - bien qu'elle prétende être un avocat prospère, premier red flag.
Et c'est en lui offrant une simple tasse de thé que tout déraille, puisque profondément touchée par son geste, elle va immédiatement et irrémédiable s'accrocher à lui.

Chose que Donny semble fuir autant qu'apprécier, tant s'il a conscience du danger que peut représenter une telle relation, il ne peut pas non plus se refuser à une telle attention.
De là démarre la lente spirale infernale d'un harcèlement fait de mails étranges et explicites, d'une série de poursuites et de traques terrifiantes dans la rue, ou même de longues séances d'attente devant l'arrêt de bus de sa maison, elle qui le surnomme désormais " petit renne "...

Copyright Netflix

Loin de n'être qu'un simple et angoissant thriller sous fond de harcèlement, avec une " antagoniste " (notez bien les guillemets) qui incarnerait une cousine lointaine de la Annie Wilkes de Kathy Bates, Mon Petit Renne déjoue sensiblement aussi bien les clichés que les attentes, qui a le bon ton de ne pas arpenter avec désinvolture les voies faciles autant de la diabolisation de son harceleur, que de la représentation/posture victimaire voire angélique de sa figure centrale.
Avec une franchise gentiment cinglante, la narration détaille sans trembler les nombreuses erreurs commises par Donny Dunn dans sa gestion d'une telle situation, motivée autant par la naïveté et la pitié envers Martha, que par son propre égocentrisme et sa vanité dérangée.

Chacune de ses décisions ne fait qu'empirer la situation, chaque virage pouvant mener à une résolution sans plus de heurts est balayé, et le fait qu'il soit lui-même responsable de son malheur et qu'il soit incapable de s'en échapper, ne fait qu'accroître l'étrange pouvoir que Martha semble avoir sur lui.
Soit le terreau parfait pour que la narration explore avec malice et un humour noir (très) prononcé, les zones grises dérangeantes mais fascinantes autour des notions de consentement, de compassion, de masculinité toxique et même de pouvoir entre les sexes, et ce sans jamais jouer la carte de la facilité.

Copyright Netflix

D'une honnêteté crue, solidement structuré (malgré une voix-off un peu trop prononcée pour son bien) et incarné (mention à Gadd mais aussi et surtout à la performance tout en nuances de Jessica Gunning), Mon Petit Renne est un vrai moment de télévision intelligent et irrésistible, quand bien memenol pose une question cruciale : est-ce que cette transformation des traumatismes personnels, en divertissement, cette mise à nu mutée en produit créatif, à un coût sur son auteur, ou accentue t-il son processus de guérison ?
Vous avez sept épisodes...


Jonathan Chevrier