[CRITIQUE] : Hors Normes
Réalisateurs : Olivier Nakache et Éric Toledano
Actrices : Vincent Cassel, Reda Kateb, Hélène Vincent,...
Distributeur : Gaumont Distribution
Budget :-
Genre : Comédie.
Nationalité : Français.
Durée : 1h54min.
Synopsis :
Le film a été projeté en Dernière Séance du 72ème Festival de Cannes.
Bruno et Malik vivent depuis 20 ans dans un monde à part, celui des enfants et adolescents autistes. Au sein de leurs deux associations respectives, ils forment des jeunes issus des quartiers difficiles pour encadrer ces cas qualifiés "d'hyper complexes". Une alliance hors du commun pour des personnalités hors normes.
Critique :
En s'attaquant au sujet casse-gueule de l'autisme, @ToledanoNakache font de #HorsNormes un merveilleux feel good movie passant à la moulinette avec une justesse et une souplesse rare, aussi bien le film social engagé, la comédie populaire et le drame intime poignant. Une réussite pic.twitter.com/jDFJaWnKY8— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) May 26, 2019
On avait laissé les exceptionnels Olivier Nakache et Eric Toledano il y a tout pile un an et demi, avec le grisant Le Sens de la Fête, savoureux et dynamique film choral prenant prenant pour thème les arcanes d'une organisation de mariage sous fond de comédie qui tournera gentiment au vinaigre.
Un petit bout de feel good movie qui se jouait habilement des clichés à coups de dialogues bien ficelés et de scènes véritablement cocasses, pour mieux asséner en filigranes un clin d'oeil honnête sur le milieu professionnel, ainsi que sur les petits entrepreneurs, passionnés mais totalement asphyxié par les charges sociales.
Conscient d'être logé tout en haut de la chaine alimentaire du divertissement populaire racé et intelligent made in France, le duo nous revient cette fois avec Hors Normes, moins léger et plus sérieux que leur précédent long, et qui s'inscrit bien plus volontiers sur les pas infiniment plus dramatico-social du mésestimé Samba, en s'attachant au sujet furieusement casse-gueule de l'autisme, et la difficulté d'insertion dans la société contemporraine, des personnes touchés par ce trouble.
Et dès son introduction coup de poing, les cinéastes ne perdent pas de temps pour mettre dans l'ambiance son auditoire et prouver qu'ils sont bien de la trempe de ses rares cinéastes capable de surfer sur les sujets difficiles sans se noyer tête la première dans l'océan du bon sentiment proprement indigeste, tout en conférant à leur feel good movie ce qu'il faut de pathos de supermarché pour attirer et non révulser son cinéphile.
Avec Hors Normes, le tandem va encore plus loin que pour Samba, en passant à la moulinette avec une justesse et une souplesse étonnante, aussi bien le film social et politique, la comédie populaire et le drame intime et poignant, pour offrir ni plus ni moins que le cocktail sur pellicule le plus ambitieux et brillant du moment dans le septième art hexagonal.
Articulant toujours son récit sur la thématique du handicap, autant physique que social, la péloche dresse un portrait tendre mais dur et réaliste des autistes, de leur prise en charge compliquée, de leur incapacités à respecter les codes restreignant de la société à leur rejet douloureux et violent par celle-ci, payant le prix d'une différence dont ils ne sont que des victimes involontaires.
Pour mieux aiguiser leur propos, les deux cinéastes mettent face à face deux figures complémentaires et furieusement empathiques, deux hommes qui gèrent deux associations qui forment des jeunes issus des quartiers difficiles pour aider les enfants et les ados autistes : Bruno (Vincent Cassel, impérial), quadragénaire qui n'a jamais connu de relation stable, et Malik (Reda Kateb, bouleversant), qui consacre sa vie à former les jeunes, à leur offrir un échappatoire dans un pays qui eux aussi, les rejettent et ne leur offre aucune perspective d'avenir.
Ensemble, ils sont la glue d'un univers difficile mais pétri d'espoir, deux amis qui font fit de la religion (l'un est juif, l'autre musulman), des préjugés et des difficultés pour mener une vie de combat pour la justice, pour mieux créer une reconstruction (la leur, celles de ceux qu'ils encadrent, qu'ils forment) dans le don de soi et l'aide de l'autre.
En ce sens, le film se rapproche beaucoup de leurs précèdents essais (on pense instinctivement à la dynamique du duo Cluzet/Sy), mais plus que de replonger dans une simple redite ou de stagner en faisant du surplace, ils traitent cette relation avec une émotion et une énergie nouvelle, l'humour est une respiration salvatrice, l'antidote contre tous les maux d'une vie.
Évitant admirablement les écueils faciles du drame social (un côté trop partisan, un misérabilisme certain,...), slalomant entre les clichés et se montrant bien plus politique et engagé qu'à leur accoutumé (on est face à un vrai film sur l'intégration), Nakache et Toledano témoignent d'une maturité étonnante dans leur cinéma, tout en apportant au métrage quelques petites touches qui faisaient le sel de leurs films, et qui l'inscrit de facto aux côtés de leurs plus beaux feel good movies.
Rugueux, complexe et énergique tout autant que bouleversant et méchamment attachant à la fois, Hors Normes est en tout point une réussite, une histoire forte et poignante jamais didactique, sous forme de virage dramatique subtilement et magnifiquement négocié par des cinéastes dont on signe déjà d'avance pour vivre leurs prochaines aventures sur pellicules.
Une vision de la France réaliste, certes un poil utopiste dans son désir de dépeindre un peuple unie dans la différence et l'entraide, mais qui pose un regard fort et important sur l'autisme, aux émotions foudroyantes et sincères.
Une petite pépite, rien de moins.
Jonathan Chevrier