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[CRITIQUE] : Ayka


Réalisateur : Sergey Dvortsevoy
Acteurs : Samal Yeslyamova, Zhipargul Abdilaeva, David Alavverdyan, Sergey Mazur, ...
Distributeur : ARP Sélection
Budget : -
Genre : Drame
Nationalité : Russe, Allemand, Polonais, Kazakh
Durée : 1h50min

Synopsis :
Ayka vient d'accoucher.
Elle ne peut pas se permettre d'avoir un enfant.
Elle n'a pas de travail, trop de dettes à rembourser, même pas une chambre à elle.
Mais c'est compter sans la nature, qui reprendra ses droits.



Critique :

Une étude a montré que 248 nouveau-nés ont été abandonnés par leur mère originaire du Kirghizistan, un pays de l'Asie Centrale dans les hôpitaux de la ville de Moscou en 2010. C'est en découvrant ce chiffre que le réalisateur Sergey Dvortsevoy a pensé Ayka, son nouveau film, point de départ sur une critique acerbe de la condition des femmes kirghizes immigrées à Moscou. Un film qui fait la part belle à l'actrice Samal Yeslyamova, qui a reçu le prix d'interprétation féminine au dernier Festival de Cannes.


Sergey Dvortsevoy nous avait ébloui avec son dernier film, Tulpan sorti en 2009. Il n'avait plus réalisé un seul film depuis 10 ans. Il nous revient avec cette histoire de femme, enfermée dans sa condition, sans aucune attache pour s'en sortir dans un Moscou où le froid s'incruste partout, dans la météo ainsi que dans ses habitants. Cette fois, plus de grands espaces, le cadre est resserré au maximum, nous laissant peu de visibilité. Seul le personnage de Ayka intéresse le réalisateur, mais il est très rare de voir son corps en entier dans le cadre. Un parti pris risqué, sans concession avec cette caméra tout le temps sur le qui-vive, toujours en mouvement, suivant le moindre geste de son héroïne. Cela démontre le mal-être de Ayka. Cette jeune femme de 25 ans ne s'arrête jamais, malgré la douleur, malgré la peur. Seul deux plans existent où Ayka n'apparaît pas, ils entourent le film et se répondent. Le premier ouvre Ayka, nous voyons quatre nouveau-nés dans un chariot, tiré par une infirmière hors cadre. Généralement, le cinéma montre les bébés et la maternité d'une façon douce et fragile. Il nous paraît étonnant donc de voir des nouveau-nés dans un endroit aussi terne, aussi froid, emmenés sans ménagement vers leur mère pour la tétée. Le deuxième arrive en fin de film, où nous voyons quatre chiots téter leur mère dans un centre vétérinaire, avec leur maîtresse qui se comporte d'une manière bienveillante. Une façon peu subtile de montrer que les chiens russes sont mieux traités que les immigrés.


Ayka vient d'accoucher, mais elle abandonne son bébé à la maternité et repart directement travailler. Pourtant, le personnage et le spectateur ne pourra pas oublier ce bébé, car son corps lui rappellera à chaque seconde son enfantement. Ventre gonflé, saignement, montée de lait, tout est douleur pour l'héroïne après l'accouchement. Cette grossesse non-désirée (comme on l'apprend par la suite) lui laisse un corps martyrisé. La mise en scène accompagne donc sa douleur pour la faire partager aux spectateurs. Se voulant totalement immersif, Ayka en oublie de donner de la nuance aux péripéties. Ce qui donne une impression de violence gratuite. Tout est trop outrancier, trop poussif. Pour un film qui veut dénoncer l'oppression de la femme, physique et mentale, il ne donne que très peu de temps de parole à l'héroïne, préférant la voir souffrir encore et encore.
Il y avait pourtant matière dans la narration de Ayka pour en faire un film profond, pour faire bousculer les émotions de son spectateur. Cette mise en scène qui filme les corps de près, dans des espaces clos, il existe de véritables moments de virtuosité, dans ces plan-séquence extérieur sous la neige.


On en vient à se demander comment Dvortsevoy en arrive à être aussi vide et démonstratif. Le réalisateur oublie de donner de l'importance aux émotions internes de la jeune Ayka, ses dilemmes moraux qui résonnent jusqu'au tout dernier plan du film. Et c'est dommage quand on voit la puissance du dernier plan.


Laura Enjolvy


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