[CRITIQUE] : 007 Spectre
Réalisateur : Sam Mendes
Acteurs : Daniel Craig, Léa Seydoux, Christoph Waltz, Dave Bautista, Andrew Scott, Monica Bellucci, Ralph Fiennes, Naomie Harris, Ben Whishaw,...
Distributeur : Sony Pictures Releasing France
Budget : -
Genre : Action, Espionnage.
Nationalité : Britannique, Américain.
Durée : 2h30min.
Synopsis :
Un message cryptique venu tout droit de son passé pousse Bond à enquêter sur une sinistre organisation. Alors que M affronte une tempête politique pour que les services secrets puissent continuer à opérer, Bond s'échine à révéler la terrible vérité derrière... le Spectre.
Critique :
Sam Mendes parachève son étude de 007 via un #SPECTRE sombre, prenant et référencé mais trop écrasé par l'ombre imposante de son ainé
— FuckingCinephiles (@FuckCinephiles) October 28, 2015
C'est la question à un million de dollars qui trotte dans la tête de Sam Mendes depuis plus d'un an maintenant : comment faire mieux si ce n'est aussi bien que le monumental Skyfall, justement considéré comme le meilleur opus de la saga James Bond, et ayant littéralement pété le milliard au moment de sa sortie, en novembre 2012.
Comment atténuer le risque évident d'être comparé à l'implacable réussite aussi bien critique que public de son ainé, tout autant que la possibilité d'incarner aux yeux de tous, une œuvre inférieure à celui-ci ?
Ou comment s'efforcer à revenir vers l'essence même d'une imposante franchise - 24 films au compteur désormais -, satisfaire les fans de toujours et les amateurs de blockbusters pétaradants, tout en offrant ce qu'il faut de modernité dans son propos pour ne pas plonger dans la redite ni même faire subir à son héros humain les outrages du temps; lui qui doit de nouveau s'inscrire dans une époque ou les super-héros sont les nouveaux modèles commerciaux.
Si la première heure, cohérente et incroyablement vivante, fait superbement illusion en suivant la droite lignée de Skyfall (il en est une suite assumée, tant il s'échine à dévoiler le mystère entourant son héros toujours aussi solitaire), le bien nommé Spectre perd en revanche grandement de sa splendeur à l'arrivée de son second et ultime virage, dévoilant de manière trop flagrante l'aspect brouillon d'une intrigue paranoïaque oscillant entre fantômes du passé et tempête politique, clairement en deçà des (trop ?) folles attentes qu'elle aura su capitaliser à son sujet au fil de son intense développement.
Un retour prenant la forme d'une aventure plus traditionnelle, qui dévoile les courbes aguichantes de son entreprise nostalgique aussi bien dès son titre (la cultissime organisation SPECTRE, aka Special Executive for Counter-intelligence, Terrorisme, Revenge and Extorsion, plus vus dans le Bond-verse depuis Les Diamants sont Éternels) que lors de son générique d'ouverture avec son usage familier du " gunbarrel " - absent depuis Casino Royale -, ou même son humour so british.
Péloche Bondienne dans l'âme qui se cherche tout du long, à la trame certes classique mais pas forcément moins séduisante que la moyenne, alignant les clins d’œils marqués aussi bien à l’œuvre de Fleming qu'à la franchise mère (et notamment à la mini-série reboot entamée par Casino Royale, nouvelle présence de Mr White à la clé) tout autant que les scènes d'action renversantes; le métrage s'ouvre sur une scène d'exposition palpitante et rythmée dans les rues de Mexico en plein jour des morts, qui culminera à une course-poursuite en hélicoptère qui dépote grave.
Du bon Bond qui distribue habilement ses cartes sur la table pendant une première partie aboutie et haletante à la nostalgie certaine (tout Spectre semble coincé entre passé et présent), avant donc de considérablement chuter d'un cran dans une seconde moitié bien plus poussive, débutant dès l'entrée en scène de Madeleine Swann - Léa Seydoux -, beauté glaciale et inexpressive dont l'alchimie avec le big James frise de manière indécente avec le néant.
Mécanique et sans surprises (Bond s'en sort, fait tomber le vilain et s'en va la nana, au calme), plombé par une love story expédiée à la va-vite (elle tombe amoureuse en un battement de cil ou presque) loin d'être crédible ni même attachante (Vesper Lynd forever !), mais surtout de nombreuses incohérences; la dernière heure malgré quelques fulgurances (la scène de torture et une énième course-poursuite jouissive) et une présence accrue de rebondissements, dévoile trop aisément les faiblesses d'un scénario bancale et à trois têtes - John Logan, Neal Purvis et Robert Wade - sans grande assise dramatique et émotionnelle.
Dit scénar trop ambitieux et laissant trop de questions en suspens, qui a certainement subit les foudres d'une production mouvementée - et le mot est faible -, rythmée à coups de coupes dans le script et dans le casting, mais également par le hacking de la maison mère Sony, balançant dans les grandes largeurs, l'histoire de ce 24ème Bond sur la toile.
Il n'empêche que dans ce bouillant contexte Hollywoodien comme il en pleut des tonnes, Mendes n'a pas entièrement perdu son mojo entre une œuvre murement réfléchie (Skyfall) et une autre pondue un peu - peut-être - par obligation, sa caméra n'ayant rien perdu de sa virtuosité pour mettre en image de séduisants moments de cinéma (son découpage est toujours aussi serré, limpide et soigné) et faire la part belle à un casting convaincant à défaut d'être totalement irréprochable.
Si Daniel Craig est toujours au top en 007 (décemment le meilleur James Bond depuis Sean Connery), voir même encore plus fringuant que pour Skyfall, tant il incarne à la perfection et avec un charisme impressionnant le plus célèbre des agents secrets du grand écran, c'est clairement vers la partition incroyable d'Andrew Scott - le génial Moriarty de la série Sherlock - que les regards se poseront le plus.
Tout simplement excellent dans la peau de Denbigh/C (au traitement indigne vu les innombrables possibilités qu'il offre), l'homme qui veut dissoudre le MI6 mais surtout toutes les cellules d'espionnage pour les fondre dans un seul et unique moule, un réseau de surveillance centralisée remplaçant les agents par des drones.
Vilain à la botte de Franz Oberhausen aka (chut, SPOILERS qui n'en est pas réellement un) Blofeld, légendaire big boss de SPECTRE qui est derrière tous les malheurs de 007 depuis Casino Royale, rien que ça.
Une menace globale et totale, qui peine pourtant à trouver sa pleine puissance diabolique à l'écran, incarné par un Christoph Waltz cabotineur au possible, sorte de Dr No trop longtemps tapis dans l'ombre et jamais vraiment inquiétant ni génial (il est pourtant censé incarner le big boss ultime), qui laisse prétendre que le talentueux acteur allemand n'est finalement bon à Hollywood que lorsqu'il laisse son poto Q.T. le diriger.
Et que dire de la présence anecdotique de Monica Bellucci, sous-utilisée - et le mot est faible - mais à tomber dans une sorte de caméo de luxe qui a toute fois le bon coup de démontrer tout le pouvoir attractif et sexuelle que sa (toujours aussi) belle plastique incarne.
Pouvoir que l'on ne peut pas réellement accorder à la pourtant très belle Léa Seydoux, qui ne démérite pas en Madeleine Swann, mais qui souffre aussi bien de son jolie minois (la différence entre elle et Craig saute aux yeux et atténue fortement leur alchimie) que de la caractérisation limitée de son personnage - une sous-Vesper Lynd dans le fond.
Opus de clôture d'une mini-série tentaculaire et inégale (loin de la beauté mystérieuse de Skyfall, il est juste un cran en-dessous de Casino Royale), qui aura fait renaitre avec panache la flamme du personnage issu des romans de Ian Fleming, s'achevant sur un final carte postale qui laisse présager que Craig en aurait définitivement fini avec le costume du double zéro; Spectre est un divertissement sombre, volontairement old school et intelligemment calibré (l'action est sur-présente pour masquer ses faiblesses) mais manquant cruellement de fulgurance et de justesse pour ne pas souffrir de l'ombre pesante de son ainé.
Pas le meilleur Bond, mais du grand Bond tout de même, sombre et passionnant.
Reste que dans le genre, on lui préférera décemment plus les aventures bien plus ancré dans leur époque de l'increvable Ethan Hunt (qui lui aussi, partait dans l'idée de dissoudre la célèbre agence d'espionnage MIF, pour des raisons économiques - surtout - et idéologiques, avec un héros renié pour ses méthodes et son âge avancé), qui démontre dans Rogue Nation que comme tout bon vin, son destin rocambolesque dans les salles obscures ne fait que s'améliorer avec l'âge...
Jonathan Chevrier