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[CRITIQUE] : Night Call


Réalisateur : Dan Gilroy
Acteurs : Jake Gyllenhaal, Rene Russo, Bill Paxton, Riz Ahmed,..
Distributeur : Paramount Pictures
Budget : 8 000 000 $
Genre : Thriller, Drame.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h57min.

Synopsis :
Branché sur les fréquences radios de la police, Lou parcourt Los Angeles la nuit à la recherche d’images choc qu’il vend à prix d’or aux chaînes de TV locales. La course au spectaculaire n'aura aucune limite...


Critique :

Est-ce que Jake Gyllenhaal chercherait-il à démontrer à Hollywood la putain qu'il est un des talents les plus indispensables de ces dix dernières années ?

La question se pose bien là, tant le bonhomme semble choisir ses rôles avec minutie depuis le four monumental d'un Prince of Persia au potentiel énorme, mais violé dans les grandes largeurs par une major aux grandes oreilles (Disney quoi) n'ayant rien capter à la richesse du matériau vidéoludique original, si ce n'est le mot succès qui lui colle aux basques depuis son premier volume.

Dans tous les cas depuis deux ans - on aurait presque même envie de dire depuis toujours -, le culte Donnie Darko fait mal à chacune de ses apparitions sur grand écran, que ce soit chez David Ayer (le nerveux End of Watch) ou chez son nouveau BFF Denis Villeneuve (les magistraux Prisoners et Enemy), démontrant une implication aussi bien physique que psychologique proprement fascinante.


Alors, à l'annonce de son attachement au premier long de l'un des frangins Gilroy, le scénariste/wannabe réalisateur Dan, on ne pouvait que méchamment répondre à l'appel, surtout que le bonhomme avait gentiment attiré le buzz sur sa personne, en perdant plus de dix kilos et en arborant une mine des plus cadavériques là ou son corps musclé comme un catcheur en avait fait fondre plus d'une encore quelques mois plus tôt.

De la potentielle performance à Oscars comme ne le contredirait pas Jared Leto et Matthew McConaughey, le tout dans une cité des Anges filmée majoritairement de nuit, histoire de nous rappeler aux bons souvenirs des douces images filmées par les maîtres Michael Mann et David Lynch, ou encore celles du tout aussi excellent Nicolas Winding Refn.

Night Call ou l'histoire, de nos jours, de Lou Bloom, un arriviste détestable qui survit dans la Cité des Anges grâce à des menus larcins.
Une nuit, alors qu'il fait halte sur le bord d’une voie rapide, il est le spectateur fasciné d'un crash de voiture.
Débarque sur les lieux, un caméraman va voler quelques images pour les revendre illico au plus offrant et offrir de facto à Lou, une véritable vocation.

Dès le lendemain, il se procure une caméra DV et pirate les ondes radio de la police à l'affut du moindre scoop à mettre en image.
Efficace, appliqué et sans aucune humanité, Louis se retrouve dans les petits papiers de Nina, directrice de l’info d’une station de télé locale.
Très vite, l’ascension de Louis va se heurter à une morale journalistique dont il ne soupçonne pas l’existence et surtout dont il se contrefiche...


Fine satire de la télé poubelle (le sensationnalisme, le voyeurisme à outrance dénué de toute déontologie, ou l'apologie de l’appauvrissement des valeurs morales consommé jusqu'à plus soif par des téléspectateurs/complices passifs), du jusqu'au-boutisme du pseudo-journalisme (Ou est réellement la limite du droit à l'information ? Et ou est celle qui sépare l'information du show/spectacle racoleur d'audiences ?) et plus largement, de la société ricaine (mais pas que) d'aujourd'hui et son American Dream dépassé, une société foutrement égoïste ou seul le profit, la nécessité de réussite sociale et la quête de célébrité importent; il est d'une évidence d'affirmer que Night Call est d'une richesse scénaristique et thématique proprement original et ambitieuse.

Mieux, dans cette escalade de la dérive savoureusement satirique et cinglante, Dan Gilroy - joliment documenté pour le coup -, s'amuse comme un petit fou à lâcher un gros coup de projecteur sur une profession certes peu traitée dans les productions actuelles mais pour le moins méchamment fascinante : les pigistes, ou les putains de vautours de l'info qui, à l'instar des paparazzis, sont capable de tout pour un scoop à revendre à prix d'or.

Ou l'itinéraire fort et violent dans l'envers du décor - dégueulasse - de la télé ricaine, une épopée au ras du bitume d'un fou à forte tendance psychopathe, une âme sombre et intelligente proprement effrayante qui erre en liberté dans un Los Angeles sous forme de jungle sombre, poisseuse et sauvage, ou la course aux scoops à chaud et aux faits divers est presque un sport ouvert à tous.

Dans la peau de ce self-made-man illuminé et dérangeant, dépassant toujours un petit peu plus chaque soir, les limites du trash et de l'impensable, Jake Gyllenhaal impressionne durant près de deux (trop courtes) heures.


Incroyable voir même dément dans la peau détestable de la sangsue arriviste, arrogante, asociale, dévoré par la réussite et dénué d'humanité (oui, tout ça) qu'est Lou Bloom, la subtilité de sa palette de jeu fait de sa prestation ni plus ni moins que la plus abouti de sa carrière avec celle, toute récente, qu'il a offerte dans le Enemy de Denis Villeneuve.

A ses côtés, on retiendra les prestations efficaces d'une René Russo que l'on aimerait voir plus souvent (ou tout moins autant que dans sa période phare des 90's), impeccable dans la peau d'une directrice de l'information d'une télé locale, ainsi que celle tout en justesse de l'excellent Riz Ahmed, attachant en employé stagiaire/victime de Bloom.

Globalement maitrisé - le film brasse une pléthore de genres avec malice -, haletant, pertinent et moderne même si il pêche clairement dans son dernier tiers un brin trop didactique, Night Call est un puissant thriller noir immoral, froid et ironique doublé d'une charge sociale mordante et corrosive contre la société contemporaine, porté par un Gyllenhaal tellement habité qu'il en est presque méconnaissable (qui a dit oscar ?).


Ajouté à ça une B.O envoutante - du James Newton Howard quoi - et le travail exceptionnel du chef opérateur attitré de Paul Thomas Anderson, le talentueux Robert Elswit, jouant des lumières de L.A by night (perso à part entière de l'histoire) pour offrir au film une facture quasi-documentaire du plus bel effet, et vous aurez sans aucun doute droit à l'une des expériences de cinéma les plus captivantes, intenses et renversantes de ce dernier tiers de l'année ciné 2014.

Drôle, méchant et implacable, on connaissait un Dan Gilroy habile avec sa plume, il faudra désormais ne pas perdre à l'esprit que le bonhomme l'est aussi avec une caméra à la main...


Jonathan Chevrier


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