[CRITIQUE] : Devant - Contrechamp de la rétention
Réalisatrice : Annick Redolfi
Acteurs : -
Budget : -
Distributeur : DHR distribution / A Vif Cinemas
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français.
Durée : 1h18min
Synopsis :
Pauline, Norah, Kristina attendent pendant des heures, assises sous une cabane en bois perdue au fond du bois de Vincennes. Devant le Centre de rétention administrative (CRA) de Paris, toutes sont venues voir leur proche enfermé. Des vies suspendues à l'attente de leur expulsion ou de leur libération. Sur cette scène, ces femmes se racontent, échangent entre elles, partagent avec les nouveaux visiteurs leur expérience, leur révolte, leurs rêves. Elles sont le miroir de la rétention, son contrechamp. Leurs mots dessinent le paysage d’une zone de non-droit en France, où la violence, l’arbitraire et l’injustice règnent en maîtres.
C'est peut-être - assurément - à cause d'un clivage politique mondiale de plus en plus extrême (la montée progressive de l'extrême droite n'est plus qu'une simple menace, c'est une vérité qui nous touche tous à différentes échelles), qui va évidemment de pair avec une humanité passablement usée par le contexte sanitaire et les nombreux conflits armés, que la production cinématographique actuelle à une tendance prépondérante à vouloir aborder des sujets socialement pertinents, pour mieux alerter une population face à des dilemmes humains, sociaux et/ou écologiques de plus en plus préoccupant.
Pas forcément un effet de mode (le terme est aussi péjoratif que putassier), mais une mouvance avec laquelle il faut agréablement compter.
Mouvance que suit Devant - Contrechamp de la rétention de Annick Redolfi, documentaire qui s'attache à aborder l'une des zones grises d'une justice française tentaculaire, dont le mode de fonctionnement est passablement à deux vitesses pour ne pas dire profondément abject (il n'y a qu'à voir le traitement privilégié offert aux politiciens à la criminalité pourtant avérée) : les centres de rétention administrative (CRA).
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Soit, instant Wikipedia-esque, des lieux d’enfermement où sont retenus les étrangers auxquels l'administration française ne reconnaît pas le droit de séjourner sur notre territoire (avec pour seules issues une libération et, dans la majorité des cas, une expulsion); un lieu de retenue, de privation de liberté que la cinéaste a bon ton de ne jamais filmer frontalement.
Un choix à la fois obligé (l'incapacité de pouvoir s'entretenir directement avec les personnes emprisonnées, qui n'ont pour seuls crimes de ne pas avoir de titres de séjours valides), mais pourtant salutaire, qui lui fait jouer d'un procédé on ne peut plus simple : donner la parole avec patience et empathie à leurs proches, à celles et ceux qui tentent de conserver un lien avant une inéluctable séparation, usé(e)s par les rouages violents et humiliants d'une bureaucratie déshumanisée comme d'une mécanique judiciaire aux lois fluctuantes, qui sait se montrer implacable quand elle le veut réellement.
En résulte alors un joli canevas de témoignages touchants et pudiques, tout en colère et en incompréhension, un poil écrasés par une structure redondante certes, mais essentiels dans son exposition des dérives absurdes et arbitraires d'un système (d'une France ?) de plus en plus répressif.
Jonathan Chevrier


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