[CRITIQUE] : Cervantès avant Don Quichotte
Réalisateur : Alejandro Amenábar
Avec : Julio Peña, Alessandro Borghi, Miguel Rellán, Fernando Tejero,...
Distributeur : Haut et Court
Budget : -
Genre : Aventure, Biopic, Historique.
Nationalité : Espagnol, Italien.
Durée : 2h14min
Synopsis :
En 1575, Miguel de Cervantès est capturé par le sultan d’Alger. Retenu prisonnier, Cervantès invente chaque jour des récits d’aventures qui fascinent tour à tour ses codétenus et le sultan.
L’histoire vraie de l’auteur de Don Quichotte.
Absent des radars cinématographiques (même s'il a roulé sa bosse sur le petit écran entre-temps) depuis le mi-figue, mi-raisin - pour être poli - Lettre à Franco dégainé en salles quelques semaines avant le premier confinement, le cinéaste espagnolo-chilien Alejandro Amenábar, dont le mojo semble s'être perdu après la conception du magnifique Agora, s'attaque à la figure mythique de Miguel de Cervantes (papa, pour les non-initiés - où les moins attentifs qui auraient mal lu le titre du film - du manchot le plus célèbre de toute l'histoire de la littérature, espagnole comme mondiale), dans ce qui se revendiquait sur le papier moins comme un biopic ciblé pur et dur à l'exactitude historique pointue (ce que n'était déjà pas Agora non plus), qu'une odyssée fictionnelle visant à combler les trous (en s'inspirant mignon des Mille et Une Nuits) comme les lacunes d'une période de sa vie visiblement peu documentée - sa captivité de cinq ans, de 1575 à 1580, à Alger.
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Pourquoi pas, tant le film tend assez vite vers l'exercice de projection cinématographique où la captivité de son sujet se fait tout autant le miroir d'un esprit créatif fertile que celui d'un cinéaste qui, dans son travestissement de l'histoire et sa création d'un imaginaire de celle-ci qui lui est propre, pense la captivité non pas comme un enfermement physique mais bien psychique, un espace de liberté voilé ou le traumatisme de la condition de prisonnier (l'étouffement comme la violence sont clairement laissés de côté) se fait supplanter par le désir multiple qu'elle suscite - et encore plus lorsqu'il est refoulé.
Jodorowsky n'est donc jamais très loin (ni Almodóvar au fond) au cœur de ce mélodrame identitaire et initiatique sur la route vers la connaissance de soi - sous toutes ses formes -, qui fantasme spirituellement la transition de Cervantès vers son lui écrivain qui n'existe pas encore, tout en questionnant sa propre identité sexuelle (ce qui n'a pas manqué de créer la polémique de l'autre côté des Pyrénées), au détour d'une union avec un bourreau - le Pacha d'Alger - qui se fait in fine amant.
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Mais si l'esthétique, léchée, peut difficilement être questionnée, le fond lui laisse moins pantois, petit laboratoire de subjectivités sur un idéal à la structure aussi redondante que son écriture manque cruellement de subtilité (idem côté montage, qui aurait mérité qu'on lui retire un bon bout de gras de ses deux heures quinze bien, bien tassées).
Pas le film de la réconciliation donc, mais loin d'être inintéressant pour autant.
Jonathan Chevrier