[FUCKING SERIES] : Indociles : Bienvenue à la Tall Pines Academy
(Critique - avec spoilers - de la mini-série)
Au panthéon des comédiennes que l'on ne cite décemment pas assez, en dépit d'un talent immense (et totalement avéré) tout autant que d'un soin tout particulier à choisir ses projets au fil du temps, la merveilleuse Toni Collette se place tout en haut de la chaîne alimentaire, un léger cran au-dessus des (encore) plus discrètes Laura Dern et Helen Hunt.
Comédienne caméléon autant empathique qu'elle est attachante, véritable bulldozer émotionnel ravageur quand la finesse d'écriture de ses personnages le lui permet un minimum (où pas, tant elle a souvent joué les pompiers de services avec pas grand chose sous la main), elle a autant su sublimer le petit comme le grand écran depuis près de deux décennies maintenant, et chacun de ses retours, même au cœur de DTV peu reluisant - voire de blockbusters qui le sont tout autant - incarne un rendez-vous immanquable pour tous les spectateurs de bon goût.
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Copyright Michael Gibson/Netflix |
Abonnée aux propositions Netflixiennes souvent hors des radars (et, sans doute, quelques-unes des rares que le catalogue de la plateforme à de réellement qualitatives), on la retrouve en cette décemment riche rentrée séries 2025 avec la toute aussi chargée Wayward aka Indociles par chez nous, mini-série chapeautée par Mae Martin (également en vedette), qui jongle plus où moins aisément dans son exploration des dérives sectaires, entre le thriller horrifico-SF - à forte résonnance Ari Asterienne - et le teen drama mixant Vol au-dessus d'un nid de coucou (ceux qui aiment le teen movie Comportements Troublants, seront en terrain connu) et des accents pop à la CW (dont elle détourné une bonne partie des codes); le tout saupoudré d'une révérence esthétique assumée - mais pas pleinement digérée - à feu le roi David Lynch.
Flanquée en 2003, dans la chaleureuse et, dans le même mouvement, inquiétante ville de Tall Pines, cocon douillet où la frontière entre intimité et communion avec les autres est totalement inexistante, la narration se divise en deux intrigues bien distinctes : la consolidation d'un mariage qui s'apprête à accueillir un heureux événement, entre un policier transgenre - Alex - et sa femme enceinte - Laura - qui reviennent vivre dans la ville natale de la seconde, où se trouve la sinistre Tall Pines Academy, un centre de réadaptation pour adolescents dits « difficiles » - dans laquelle Laura à été envoyée plus jeune - dirigé par l'intimidante et manipulatrice Evelyn Wade (dont l'emprise sur le personnel de l'établissement comme les élèves, est sensiblement ancrée au-delà de l'étrange); et l'internement forcée de deux adolescentes de Toronto, Leila et Abbie, dans la dite académie, au plus près des méthodes brutales d'Evelyn qui vont vite intriguer Alex...
Divisé en huit épisodes prenant sensiblement leur temps (loin d'être un défaut) pour démêler le(s) mystère(s) ou Martin tente d'opposer à distance les contradictions comme la moralité vacillante d'une Amérique profonde à la lisière du surréalisme, qui affirme pleinement sa modernité (une population diversifiée, aussi bien en termes d'origine ethnique, d'orientation sexuelle où même de genre), tout en étant furieusement conservatrice dans ses croyances, mais aussi à sonder les enclaves qui se nichent derrière les élans progressistes (de l'isolement aux abus consentis, nourris par le besoin d'appartenance); Wayward compose une horreur allégorique et terriblement humaine au surréalisme fugace, constamment logé entre douceur et malaise, invitant à la réflexion aussi bien sur le douloureux passage à la vie d'adulte et les angoisses qu'il porte avec lui, que sur l'instrumentation des troubles et traumatismes de l'adolescence - ou de toute personne vulnérable - par des figures manipulatrices.
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Copyright Michael Gibson/Netflix |
Une instrumentation de la mécanique sectaire méticuleusement décortiquée et personnifiée par une Toni Collette absolument géniale en gourou mi-excentrique, mi-sadique dont les méthodes thérapeutique consistent à enchaîner les rituels/séances de groupe qui ressemblent davantage à des séquences d'humiliations et de violences physiques et psychologiques, qu'à une quelconque pratique de guérison.
Si tout ne se mélange pas pour le mieux, difficile de bouder son plaisir face à ce cocktail dense et émotionnellement prenant, dont l'humour naturel vient l'empêcher d'être une version cheap et cartoonesque de Twin Peaks.
Tous les shows Netflix ne sont pas aussi attachant...
Jonathan Chevrier