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[FUCKING SERIES] : Black Rabbit : Really bad brothers


(Critique - avec spoilers - de la mini-série)


Ce ne serait pas exagéré d'affirmer que Netflix, dans toute sa production affreusement générique, est pourtant ce qui est arrivé de mieux à la carrière récente d'un Jason Bateman qui a toujours été connu pour être la figure la plus discrète - Frat Pack et Apatow and Co. compris -, de toute la galerie de showmen d'un humour US passablement à l'agonie depuis deux décennies (quand bien même des gardiens du white trash tels que Will Ferrell, Adam Sandler - justement cantonné à la firme au Toudoum depuis plus de dix ans - ou encore Zach Galifianakis, ont tenté de garder la flamme un minimum vive).

Copyright Netflix

D'un chouette actionner qui lui a permis de camper un bad guy totalement crédible (Carry-On), à un petit monument du culte où il jouait les patriarches d'une famille embarquée - plus ou moins malgré elle - dans l’enfer des cartels (Ozark), le voilà de retour avec Black Rabbit, chronique désespérée et angoissée façon thriller haletant et anxiogène, au plus près de l'union dysfonctionnelle de deux frangins losers et co-dépendants, les Friedken, dont l'un (Jude Law) est à la tête d'un bar-restaurant populaire de la Grosse Pomme, et l'autre (Bateman), joueur invétéré et héroïnomane, est une véritable galère ambulante toujours prompt à enchaîner les mauvais choix - et à obliger son jeune frère à encaisser lui aussi, les conséquences désastreuses de ceux-ci.

Écrite par Zach Baylin (scénariste sur The Order, déjà avec Jude Law) et Kate Susman, plongeant au plus près de cette relation complexe et à la dynamique douloureusement toxique (entre deux âmes parfaitement conscientes à la fois de ce qu'ils avaient, mais surtout de ce qu'ils ont perdu et vont continuer de perdre, tout en étant porté par l'assurance folle et presque naïve d'êtres qui se sont sortis plus d'une fois de situations difficiles, et qui vont tout faire pour obtenir des secondes chances qu'ils ne méritent pas), comme des bas-fonds d'une New-York loin d'être recommandable (coucou le labyrinthique et sordide Diamond District); le show, riche en rebondissements formels comme narratifs - quitte à flirter juste ce qu'il faut avec l'invraissemblable -, incarne une fusion brutale et détonnante entre Mississippi Grind et The Gambler, avec un sens de la géographie urbaine qui est, justement, sensiblement marqué par le cinéma de Michael Mann.
Le tout noué autour de travers (l'avidité et le mécontentement de sa propre condition, qui peuvent tous deux nous amener à notre perte) comme de questionnements (Jusqu'où peut-on aller pour préserver l'unité familiale, même si l'on ne porte pas l'autre dans son cœur ? Comment s'engager dans sa propre existence, si l'on doit constamment soutenir une personne dont on n'arrive jamais à se délier ?), férocement universels.

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Dominé par l'abattage comme l'intensité démente de son duo vedette, qui trouve un équilibre parfait dans la dynamique de leurs performances comme la familiarité palpable qu'ils ont réussis à créer entre eux (comme s'ils avaient passés toute une vie à s'aimer comme à se détester et à s'exaspérer), véritable épine dorsale du poids émotionnel comme de l'urgence sur laquelle l'écriture comme la mise en scène s'appuie, Black Rabbit est une odyssée à la fois captivante et dévastatrice à l'ancienne, une saga bien ficelée (et intelligemment tourné vers ses personnages) et tragiquement humaine sur les notions de loyauté et d'autodestruction de deux frères liés par la souffrance, et qui trouvent continuellement le moyen de se rendre pire mutuellement.

Avec Wayward/Indociles, Netflix enchaîne avec une deuxième proposition hautement recommandable en une poignée de jours : un bug dans l'algorithme, où le signe d'une fin d'année potentiellement aux petits oignons ?
Wait and see donc...


Jonathan Chevrier