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[CRITIQUE/RESSORTIE] : La Forteresse Noire


Réalisateur : Michael Mann
Acteurs : Scott Glenn, Ian McKellen, Alberta Watson, Gabriel Byrne,  Jürgen Prochnow,...
Distributeur : Carlotta Films
Budget : 6M$
Genre : Épouvante-horreur, Thriller.
Nationalité : Américain.
Durée : 1h36min.

Date de sortie : 2 mai 1984
Date de ressortie : 14 mai 2025

Synopsis :
1941, au coeur des Carpates roumaines. Une unité de soldats nazis prend possession d’une mystérieuse forteresse isolée, malgré les avertissements du gardien local. Bientôt, des morts inexplicables frappent les occupants, révélant la présence d’une entité maléfique scellée dans les murs du sombre édifice. Alors qu’un furieux officier allemand cherche à percer l’énigme de ce lieu maudit, un érudit juif et sa fille, arrachés aux camps, se retrouvent contraints de devoir collaborer avec leurs tortionnaires pour élucider ce mystère...




Au rayon des œuvres les plus maudites de ces cinquante dernières années, gageons que La Forteresse Noire, second long-métrage d'un Michael Mann pas encore rompu à la dureté de la jungle Hollywoodienne, est sans doute la plus populaire de toutes, quand bien même rares sont ceux à s'être hasarder à ne voir (un exercice compliqué pendant très longtemps, avant l'arrivée des plateformes de streaming légales).

Cocktail furieux entre une production chaotique (souci de budget, tournage à rallonge suite à d'innombrables problèmes techniques) et une post-production désastreuse (la disparition du superviseur des effets spéciaux visuels, Wally Veevers, un montage compliqué qui verra la Paramount imposer une version anémique et aux ellipses éhontées de 96min, là où celle de Mann était de 210min...), qui vont lentement mais sûrement annihiler l'ambition du papa de Collateral, de faire du roman éponyme de Francis Paul Wilson un film d'horreur ultra stylisé et philosophique sauce Lovecraftienne sur le sempiternel affrontement entre le bien et mal absolu - son premier et unique passage du côté du cinéma fantastique.

Longtemps disponible uniquement via quelques VHS obscures - mais point en DVD -, le film se paye désormais une ressortie toute pimpante (et en 4K s'il vous plaît), par l'intermédiaire de Carlotta Films, meilleure moyen pour rendre hommage à un OFNI dont l'intrigue pourrait certes, un poil vulgairement, se résumer en une poignée de mots (quelques nazis plus où moins méprisables, réveillent par inadvertance un mal ancien dans un petit village roumain aux confins, et a besoin de l'aide d'un simili-Luke Skywalker juif, son ennemi ancestral, pour le ramener d'où il vient), véritable puzzle cassé qui oscille entre le chef-d'œuvre pur et la parodie involontaire et approximative, fable gothico-horrifique délirante et surréaliste, hybride et tout en 35mm, à la narration éparse, mutilée et précipitée.

© 2025 Carlotta Films

Tout l'avenir du cinéma du cinéaste est pourtant là (et était déjà, au fond, dans chaque pores de la pellicule du Solitaire), dans la méticulosité de chaque plan, dans le soin presque maniaque apporté au son et à la photographie (une facture bleutée aussi hypnotique que glaciale), le tout embaumé dans un score éléctrico-onirique de Tangerine Dream - déjà à la B.O. de son premier effort.

Auscultation sur la notion comme l'essence même du mal confrontant brutalement celle du réel (la Seconde Guerre mondiale, l'holocauste et la folie nazie) et de l'imaginaire (le Molasar), où Mann convoque tout autant l'énergie kitscho-moderne de son époque (le renouveau de la SF post-Alien) que l'imagerie de l'expressionnisme allemand (Fritz Lang, Robert Wiene), tout en mêlant le film de guerre, philosophie et doctrine ésotérique (pensez Les Aventuriers de l'Arche Perdue); La Forteresse noire est une œuvre aussi confuse et chaotique que somptueuse au souffle épique indiscuté et indiscutable, une bande imparfaite mais incroyablement fascinante dont il sera toujours enthousiasmant comme troublant, d'y replonger.

La ressortie immanquable du moment.


Jonathan Chevrier