[CRITIQUE] : Soudan, souviens-toi
Réalisatrice : Hind Meddeb
Acteurs : -
Budget : -
Distributeur : Dulac Distribution
Genre : Documentaire.
Nationalité : Français, Tunisien, Qatari.
Durée : 1h16min
Synopsis :
Après 30 ans de dictature, le portrait d'une jeunesse soudanaise, qui par ses mots, poèmes et créations défie la répression militaire et lutte pour ses rêves de démocratie. En croisant leurs itinéraires, Hind Meddeb articule les fragments d'une révolution impossible, de ses débuts prometteurs jusqu’à ce que la guerre détruise tout, mettant les Soudanais sur les routes de l’exil. Progressivement, les liens se tissent au fil d’une correspondance entre la réalisatrice et les protagonistes du film.
Quiconque avait découvert le très beau documentaire Paris Stalingrad (plongée immersive dans le quotidien précaire et marqué par la violence des migrants au coeur de notre chère capitale, au plus près du jeune Souleymane, dix-huit au compteur et réfugié du Darfour), au lendemain de deux confinements qui ont fait beaucoup de mal aux salles obscures, prend désormais pour acquis que l'ancienne journaliste franco-tunisienne et désormais cinéaste Hind Meddeb, sait habilement faire parler la puissance caméra tout en donnant un espace d'expression libre et sain à celles et ceux dont on invisibilise consciemment la voix.
Son second effort, toujours dans le giron du documentaire mais désormais chapeauté en solo, Soudan, souviens-toi, conserve la même optique tout en embaumant ses images d'une poésie peut-être encore plus douce-amère que pour son précédent film, alors qu'elle s'attache à sublimer la résilience comme la passion d'une jeunesse soudanaise plein d'espoirs, au lendemain de la chute du dictateur Omar el-Béchir.
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Copyright Dulac Distribution |
Sur deux temporalités différentes (2019 et 2023), au plus près d'un soulèvement dans une Khartoum bouillonnante, où les jeunes militants plein de créativité (via de belles créations artistiques, allant de fresques murales à la poésie où encore au rap) et d'envie (une énergie émouvante qui est retranscrit avec puissance) imaginaient un avenir où pourrait régner un gouvernement citoyen avec une économie pérenne (le Soudan est pétri de richesses, ce qui est une force comme un malheur tant il attise furieusement les convoitises, intérieures comme extérieures), avant que la réalité ne viennent vite les rattraper et que tous leurs espoirs soient déçus - l'armée n'a jamais cédé le pouvoir et aider à une transition -, les obligeant à fuir pour (sur)vivre.
Une nouvelle fois, Meddeb observe tout autant qu'elle laisse les citoyens exprimer leurs propres opinions, raconter leur propre histoire - toujours ignorée par les médias internationaux -, et croque ainsi un documentaire à la fois inspirant et bouleversant sur une jeunesse qui résiste et à qui on a consciemment, volé le basculement vers une démocratie pieusement souhaité.
Jonathan Chevrier