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[CRITIQUE] : Else


Réalisateur : Thibault Emin
Acteurs : Matthieu Sampeur, Edith Proust, Lika MinamotoToni d'Antonio,...
Distributeur : UFO Distribution
Budget : -
Genre : Fantastique, Épouvante-horreur, Romance.
Nationalité : Français, Belge.
Durée : 1h42min.

Synopsis :
Anx vient de rencontrer Cass quand l’épidémie éclate : partout, les gens fusionnent avec les choses. Cloîtré dans son appartement, le couple doit faire face à cette menace monstrueuse.





En prenant pour toile de fond (risquée) une pandémie mondiale toute aussi tragique que sensiblement originale sur le papier, où une maladie imprévisible et agressive provoque la fusion inéluctable des personnes infectées avec leur environnement, Else, estampillé premier long-métrage ambitieux du wannabe cinéaste Thibault Emin (et extension de son court-métrage éponyme), s'attaque non seulement à une paranoïa universelle et palpable (une maladie qui frappe sans prévenir et qui peut vite tout bouleverser, notre existence comme celle de toute l'humanité) mais également à l'un des maux les plus douloureux de la société contemporaine : notre isolement les uns des autres, de plus en plus vraie aujourd'hui.

D'autant que sa narration nous invite dans le même mouvement, à recontextualiser notre relation aussi bien avec l'autre, qu'avec notre propre environnement.
Osé donc, mais le bonhomme a résolument les moyens de ses ambitions, à la fois narrativement comme caméra au poing, et il est rare d'être autant enthousiaste face à l'avènement d'une nouvelle voix aussi créative et sur d'elle-même - même dans ses maladresses évidentes.

Copyright UFO Distribution

Fable humaniste et intimiste flirtant un brin avec l'épouvante et le body horror, totalement en phase avec notre époque - trop peut-être, au point que sa vision est parfois difficile -, tout en replaçant audacieusement l'église au milieu du village (tout le monde peut être atteint), le film montre comment une simple - mais terrible - épidémie peut nous ôter une majeure partie de notre identité et de ce que nous sommes, vissé qu'il est sur l'idylle naissante mais condamnée par la vie entre deux âmes dissemblables (lui est introvertie, elle est pétillante et solaire), confinées et bouffées par la passion, appelées à lutter contre une maladie encore plus affamée et dévorante, qui cherche à s'immiscer en eux et à compléter douloureusement leur chair comme leur masse - l'absence totale de frontière, comme avec la sexualité, entre passion et consommation.

Si on pourra lui reprocher un rythme un brin en dents de scie, voire un dernier tiers un poil maladroit n'hésitant pas à embrasser ses élans les plus abstraits (comme pour Le Règne Animal en son temps), difficile de ne pas se laisser happer par ce vrai morceau de cinéma original et expérimental, fascinant dans sa volonté à la fois baroque et organique, de redéfinir l'amour comme quelque chose de profondément et douloureusement méconnaissable.
Le cinéma de genre français va bien, très bien.


Jonathan Chevrier