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[CRITIQUE] : Les fleurs du silence


Réalisateur : Will Seefried
Acteurs : Fionn O'Shea, Robert Aramayo, Louis Hofmann, Erin Kellyman,...
Budget : -
Distributeur : ASC Distribution
Genre : Drame, mélodrame
Nationalité : Britannique, Français, Belge.
Durée : 1h39min

Synopsis :
Dans l'Angleterre des années 1920, un romancier homosexuel et son infirmière psychiatrique se lient d'une amitié improbable au cours d'une série de « rendez-vous » prescrits par le médecin. Au fil de leurs conversations, il se confie sur l’histoire de la relation qu’il entretenait avec un ami de longue date. Cette liaison a basculé lorsque les deux hommes ont eu recours à une méthode à haut risque, destinée à se guérir des sentiments interdits qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre.



Début des années 1920, en Angleterre. L'homosexualité était considérée comme une maladie grave, quelque chose de "contre nature", nécessitant un traitement spécifique. Quand bien même celui-ci était encore à l'état expérimental, il était une initiative récompensée par un prix Nobel. Pour aimer les hommes, Owen est enfermé dans un asile psychiatrique. Régulièrement, il a rendez-vous avec une infirmière, procédure obligatoire avant de subir le traitement. L'occasion de lui raconter son histoire personnelle, comment il en est arrivé là, avec sa propre touche de romancier. Les fleurs du silence met donc en lumière une période très obscure, violente et remplie d'injustices dans l'histoire LGBTQIA+. Celle d'une répression cruelle de l'homosexualité, à coups de tortures corporelles. Pour cela, le cinéaste Will Seefriend choisit de raconter cette violence à travers un mélodrame : un amour destiné à ne pas durer, et un futur triangle amoureux.

Les inspirations se font rapidement ressentir. Même si le film raconte une période rarement vue au cinéma, il est dans l'héritage de tout un cinéma britannique queer. Pour les plus récents, les films de Andrew Haigh (Weekend, Sans jamais nous connaître), ceux de Francis Lee (Seule la terre, Ammonite), le dernier de Terence Davies (Les carnets de Siegfried) ou le premier de Georgia Oakley (Blue Jean) résonnent fort. Mais également des films tels que Maurice (James Ivory, 1987) et My beautiful Laundrette (Stephen Frears, 1985) y trouvent un écho évident. On y retrouve un couple apprenant à se connaître suite à un désir instantané, l'isolation de ce couple, la consommation d'un amour / désir dans un paysage rural, l'oppression de la société, l'instauration d'une méthode pour interdire / supprimer l'homosexualité, etc.

Owen vit une aventure avec Philip, entre amour sincère et rapports sexuels. Le premier cherche à vivre son homosexualité sans être inquiété. Le second n'assume pas son homosexualité et pense sincèrement qu'il s'agit d'une maladie inhérente au corps, qu'il faut traiter. Lorsque leur relation périclite, Owen rencontre le jeune Charles dont le désir mutuel est très vite évident. Tout cela est raconté par le romancier à l'infirmière qu'il retrouve chaque jour dans l'asile. Un sacré contraste, car il s'agit de deux huis-clos qui se répondent. Celui du cottage avec sa prairie environnante, et celui de l'asile. Les deux sont synonymes d'isolement et d'enfermement, de coupure avec le monde extérieur et la société. Owen est alors coincé avec ses désirs et son identité. Coincé entre les murs de l'asile, coincé dans ce cottage reculé et encerclé par les arbres de la prairie.

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Pourtant, c'est bien ce paysage reculé qui lui procure l'envoûtement, le plaisir, la quasi liberté qu'il souhaite. Ce cottage est son sanctuaire émotionnel, qu'il ne quitte jamais de son plein gré. Dès lors le cinéaste Will Seefried, crée un contraste entre une imagerie chaleureuse et une autre plus sombre dans l'asile. Cette dichotomie, autant temporelle que spatiale et esthétique, révèle un aspect cyclique au parcours d'Owen. Le protagoniste baigne dans une lumière abondante, des couleurs chaudes et des plans contemplatifs. Il y a un côté très serein et apaisé dans ce récit au passé. Parce que la sensualité présente est aussi bien salvatrice que marque de pudeur pour Owen. Il n'est pas innocent que le titre original du film, et même le protagoniste dans la lecture d'un poème, mentionnent le lys : fleur symbole de la pureté.

Même la petite maison fonctionne comme un cocon. A la fois par sa taille, son architecture rustique, et sa décoration remplie d'oeuvres d'art. Pourtant, Les fleurs du silence se cantonne trop souvent à être une carte postale contenant des actions éphémères. Comme si ces moments du passé ne répondent qu'à une logique de contradiction du sombre présent, et jamais à une logique de chronique qui se suffirait à elle-même dans la narration. Ce n'est pas l'envoûtement de la période au cottage qui trouve un destin tragique, il s'agit plutôt de réminiscences faisant surface pour désamorcer ce présent dans l'asile. Ainsi, toutes les séquences au cottage sont souvent trop bucoliques, et répondent à un même schéma monotone de flashbacks cassant le minimalisme de la vie dans l'asile.

L'idée renforce l'impression qu'Owen est bloqué dans une boucle. Là où dans le passé il rêvait d'un avenir où il pourrait s'assumer. Et là où dans le présent il assume sa sexualité publiquement, mais en étant enfermé avec une répression toujours plus violente. Malheureusement, le film reste sur un ton morose et tragique, sur une approche faite de désolation et d'impuissance, comme si la fiction qu'il crée (à partir d'événements réels) ne pouvait rien offrir de plus qu'un destin infranchissable. Comme s'il ne pouvait y avoir que de la frustration, du chagrin, de l'inquiétude. Alors que la scène finale est grandiose, et propose d'aller au-delà de la simple compassion. D'autant que dans ce mélodrame et ce triangle amoureux, tous les personnages se révèlent victimes, peu importe leurs idéologies.


Teddy Devisme