[CRITIQUE] : Vers un pays inconnu


Réalisateur : Mahdi Fleifel
Actrice : Mahmood Bakri, Aram SabbahMohammad AlsurafaAngeliki Papoulia,...
Distributeur : Eurozoom
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Français, Allemand, Grecque, Hollandais, Palestinien, Qatari, Saoudien, Britannique.
Durée : 1h45min

Synopsis :
Chatila et Reda sont deux cousins palestiniens réfugiés à Athènes. Ensemble, ils multiplient les combines pour rassembler une importante somme qui leur permettra d'acquérir de faux passeports, sésame vers l’Allemagne où ils rêvent de pouvoir enfin construire leur vie. Mais cette quête les pousse à franchir leurs limites, laissant derrière eux une part d’eux-mêmes dans l’espoir d’un avenir meilleur.





À une heure où les médias choisissent une manière - sournoise et partiale - bien à eux de couvrir l'actualité, pour quiconque n'ayant pas le réflexe de se perdre dans les méandres des réseaux sociaux où, il est vrai, tout et son contraire y est affirmé telle une vérité irréfutable, le septième art est plus que jamais un outil de prise de conscience et de connaissance essentiel, pour réaliser ce qu'il se passe réellement sur notre planète.

En ce sens, le premier long-métrage de fiction du talentueux Mahdi Fleifel, Vers un pays inconnu, a le courage de traiter de la question palestinienne au même titre que pouvait le faire les récents et magnifiques No Other Land (du quatuor Basel Adra, Hamdan Ballal, Rachel Szor et Yuval Abraham) et From Ground Zero (un collectif d'une vingtaine de cinéastes plus où moins amateurs, supervisé par le réalisateur et producteur Rashid Masharawi), mais d'une manière il est vrai sensiblement différente tant il n'est pas aussi ouvertement politique (la situation actuelle est bel et bien au cœur du récit, mais n'en est pas un moteur), lui qui embrasse généreusement les contours de la fiction et les codes du film de genre purement américain.

Copyright Inside Out Films

Mais s'il ne se concentre pas sur la tragédie vécue par des centaines de milliers de victimes à Gaza, il en pointe néanmoins les ravages directs d'une manière détournée : le sort des réfugiés palestiniens qui, pris entre l'exil et l'aliénation face à l'horreur sourde de la guerre et un avenir sans réelle opportunité, se retrouve à fuir et à lutter encore et toujours pour survivre (une vérité encore plus dévastatrice passé les événements du 7 octobre, où le peuple palestinien s'est littéralement fait voler sa terre).

La narration s'attache à deux figures acculées, Chatila et Reda, deux cousins et amis ​​qui ont fui un camp au Liban (un écho au documentaire de Fleifel, A World not ours) et se sont retrouvés confinés dans une Athènes aux douloureuses allures de purgatoire.
Dans des journées où la galère succède à la galère, ils tentent par tous les moyens (moralement douteux voire même violents) de récupérer l'argent nécessaire, dans l'espoir d'obtenir de faux passeports - leur seul porte de salut - pour rejoindre clandestinement l'Allemagne et y ouvrir un restaurant.
Un rêve désespérément inatteignable face à la réalité de leur condition.

Copyright Inside Out Films

Thriller tout en désespoir mené tambour battant et à la poésie brute (Fleifel a d'ailleurs cité Midnight Cowboy comme une influence majeure), flanqué une capitale grecque bouffée par la misère et à la lisière du no man's land, Mahdi Fleifel questionne les nuances complexes des notions de moralité et de culpabilité derrière les actes de personnages contraints à des décisions désespérées (excellent tandem Mahmood Bakri/Aram Sabbah), et croque une merveilleuse et douloureuse fable sur le traumatisme de l'exil, intelligemment dépourvu de tout sentimentalisme amer et putassier.

Une sacrée séance donc, pas la première au cœur de ce très dense mois de mars...


Jonathan Chevrier




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