[CRITIQUE] : Vermiglio ou la mariée des montagnes

Réalisatrice : Maura Delpero
Actrice : Giuseppe De Domenico, Martina Scrinzi, Tommaso Ragno, Roberta Rovelli, Carlotta Gamba, Rachele Potrich, Anna Thaler,...
Distributeur : Paname Distribution
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Italien, Français, Belge.
Durée : 1h59min
Synopsis :
Au cœur de l’hiver 1944. Dans un petit village de montagne du Trentin, au nord de l'Italie, la guerre est à la fois lointaine et omniprésente. Lorsqu'un jeune soldat arrive, cherchant refuge, la dynamique de la famille de l'instituteur local est changée à jamais. Le jeune homme et la fille aînée tombent amoureux, ce qui mène au mariage et à un destin inattendu...
On avait laissé le cinéma fictionnelle de la documentariste italienne Maura Delpero sur un sacré premier effort, Maternal, dégainé un brin chaotiquement dans les salles obscures entre deux confinements, exploration à la fois puissante et complexe de la maternité et des vérités comme ses contradictions, certes pas exempt de l'effet " documentaire " inhérent à son cinéma, mais d'une maîtrise et d'une élégance rare.
Cinq ans plus tard, et non sans une certaine impatience à une heure où le cinéma italien s'offre une véritable cure de Jouvence (et où simili-nouvelle vague est portée par une pluie de réalisatrices talentueuses), elle nous revient avec Vermiglio ou La Mariée des montagnes, qui partage son titre avec le petit village éponyme situé à la frontière entre le Trentin et la Lombardie, niché dans les Alpes rhétiques; un lieu isolé mais pourtant continuellement au cœur des conflits, que ce soit la Première comme la Seconde Guerre mondiale.
Entre hommage sincère à ses propres racines (le film s'inspire de l'enfance de son grand-père) comme au cinéma contemplatif d’Ermanno Olmi, c'est justement au crépuscule de cette période historique charnière que se fixe l'ambitieuse narration de Delpero, exploration des pulsions fragiles comme des rouages rouillés entre le respect de la mémoire collective et la nécessité de découvrir et se forger sa propre identité, à travers le récit intime et dense de trois sœurs évoluant au gré des contraintes d’une société férocement patriarcale (incarnée par la figure d'un père cultivé mais tyran sous son propre toit, à la fois oppresseur et victime du système) et de leurs désirs d'évasion et d'émancipation, et dont la - fausse - quiétude se voit bousculée par l'arrivée de deux déserteurs.
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Trois jeunes femmes emprisonnées dans la rigidité familiale comme celle d'un petit village lui-même bouffée par son isolement (sa culture est à la fois une protection face au monde extérieur, que le principal outil de sa profonde aliénation), lui qui se fait une parabole criante de vérité d'une Italie déchirée par la guerre et qui cherche à se retrouver, au beau milieu d'une nature immobile, dure et purificatrice.
Presque suspendu dans le temps, flanqué dans un cadre montagneux aussi majestueux qu'imposant, spectateur silencieux des drames de l'homme comme de son monde en mutation, Vermiglio ou La Mariée des montagnes, visuellement aussi somptueux (de la mise en scène sobre de Delpero à la photographie minérale de Mikhaïl Krichman, tout est magnifique) qu'il est frappé par le sceau d'une écriture délicate - scindé en quatre chapitres comme autant de saisons - qui s'expurge de toute caricature facile, incarne un drame à la fois pétri de grâce et empathique sur la résilience humaine, un panorama pittoresque et contemplatif emprunt d'une nostalgie déchirante sur une petite histoire engoncée dans la grande.
Jonathan Chevrier
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