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[CRITIQUE] : Mickey 17


Réalisateur : Bong Joon-ho
Acteurs : Robert Pattinson, Mark Ruffalo, Toni Collette, Steven Yeun, Naomi Ackie, Anamaria Vartolomei,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Action, Comédie, Science-fiction.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h17min.

Synopsis :
Héros malgré lui, Mickey Barnes se tue à la tâche… littéralement ! Car c’est ce qu’exige de lui son entreprise : mourir régulièrement pour gagner sa vie.



Critique :



Estampillé huitième long-métrage de Bong Joon-ho, produit post-triomphe absolu de son brillant Parasite, tellement gardé au chaud par la Warner depuis près de trois ans que l'on se demandait presque si la major allait enterrer ses bobines dans le désert du Nevada (trop de reports tue le report), Mickey 17 arrive in fine en salles en ces dernières heures hivernales avec une pluie d'attentes - souvent démesurées - à son sujet, d'autant que le film marquait aussi bien le retour du cinéaste vers une science-fiction qui lui va si bien (basé sur le roman Mickey7 d'Edward Ashton), qu'il marquait son premier blockbuster appelé à atteindre les salles, pour une grosse firme Hollywoodienne (une sacrée nuance, si tenté est déjà que l'on considère Netflix comme une grosse firme made in Hollywood).

Copyright 2025 Warner Bros. Entertainment Inc. All Rights Reserved.

D'une manière assez improbable, cette dystopie Frankenstein-esque et Tex Avery-esque de Joon-ho est de ces rares séances à totalement profiter de ses reports, elle qui s'inscrit avec encore plus de pertinence dans un quotidien à la déshumanisation croissante et au capitalisme encore plus exacerbé - la seconde investiture de Trump n'arrangera définitivement pas les choses.
Certes, si les régimes autoritaires/totalitaires, les différentes luttes de classes comme la dégradation de l'humanité vu uniquement comme une ressource vivante, ont toujours été des thèmes dominants au cœur de la filmographie du cinéaste, ils trouvent ici une forme résolument plus spirituelle et comique, sans pour autant perdre une once de leur puissance critique - même si le bonhomme laisse sa subtilité au placard.

Mickey 17 ne prend donc aucun gants : les classes inférieures sont, littéralement, ici des déchets humains au sein des rouages de sa puissance coloniale futuriste (point d'agence gouvernementale cette fois, mais bien une société privée), et le seul moyen d'essayer de s'offrir un avenir décent pour l'anti-héros de son histoire, Mickey Barnes (un Pattinson qui laisse exploser tout le potentiel slapstick de son jeu), et son BFF Timo, est d'émigrer vers la colonie spatiale de la planète de glace Niflheim, pour y trouver du boulot.
Si le second arrive à chiper un job décent (pilote), Mickey lui s'inscrit en temps que " remplacable "/expendables (rien à voir avec la team de Barney Ross, circulez), soit un véritable produit recyclé vivant qui doit accomplir les tâches les plus dangereuses, de sorte qu'aucun membre de l'élite coûteusement formée et génétiquement sélectionnée n'ait à mourir.
Mais pas de panique, si Mickey venait lui à disparaître - ce qui arrivera -, une machine " ré-imprimeuse " reproduira un clone de lui, et il suffira ensuite de télécharger ses souvenirs et sa conscience stockés au préalable, pour le catapulter vers sa prochaine mission suicide...

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Tout le propos de Joon-ho réside dans ce fait essentiel : le fait que la mort - plurielle - de Mickey soit non seulement tolérée mais avant tout et surtout délibérément provoquée, autant dans un souci scientifique (collecter et acquérir des connaissances mais aussi améliorer l’efficacité de la main-d’œuvre) que dans l'expression d'un sadisme pur de l'élite s'amusant avec les corps des plus précaires.
Et s'il en fait un running gag macabre et sarcastique franchement drôle, c'est l'horreur tapie dans son ombre, sa conscience incroyablement cynique qui nous rapproche finalement le plus de notre réalité (même dans son relativisme de ce qui est réellement où non, une figure monstrueuse, où les - pas vraiment mignons - Creepers ne sont pas si éloignés des remplaçables), celle où les classes inférieures ont toujours eu à accomplir les tâches les plus ingrates, insalubres et/où périlleuses pour des maigres salaires et un prestige social au rabais.
La seule différence avec notre société contemporaine face à cette exploration de l'aliénation du travail à la chaîne, est que nous ne sommes pas cloné pour les accomplir ad vitam æternam... pour le moment.

La mort n'est plus la mort elle-même puisque tout n'est qu'un perpétuel recommencement, une routine de l'éternité du travail, et c'est lorsque la succession sérielle des clones de Mickey est rompue, lorsqu'il survit de manière inattendue à une mission meurtrière et enfreint par inadvertance les règles du programme, qu'il est confronté de plein fouet et physiquement à son doppelgänger " Cronenbergien " - Mickey 17 et Mickey 18 -, qu’il réalise sa propre individualité et entre dans une crise existentielle qui mènera à son désir profond d'émancipation, tel un Prométhée moderne (mais aussi, désormais, en énième paria magnifique du cinéma de Joon-ho), contre l'autocratie en place et les figures mégalomanes à sa tête - Kenneth Marshall et Ylfa (un superbe tandem Colette/Ruffalo, qui cabotinent joyeusement en proto-couple Trump).

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Sorte de petit et bruyant melting-pot tonal et thématique de son cinéma (la cause animale et la dignité de tout être vivant comme prisme pour traiter des questions sociales et environnementales comme pour Okja et The Host; la lutte des classes et les cadres confinés comme pour Parasite et Snowpiercer, les ravages du capitalisme initié dès Barking dogs never bite,...), Mickey17, à la bizzarerie totalement assumée, tient pourtant un peu difficilement la comparaison avec ses illustres aînés, la faute à un rythme un poil décousu et une écriture pas toujours heureuse, autant dans son accumulation de sous-intrigues dispensables (sans doute un problème à lier à son héritage littéraire) que dans ses digressions philosophiques et existentialistes.

Mais un Bong Joon-ho un poil inférieur à la générosité savoureusement excessive, a déjà dix coudées d'avance sur le divertissement moyen, alors imaginez dans le giron du blockbuster ricain moderne...


Jonathan Chevrier