[CRITIQUE] : Lire Lolita à Téhéran
Réalisateur : Eran Riklis
Acteurs : Golshifteh Farahani, Zar Amir Ebrahimi, Mina Kavani, Bahar Beihaghi,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Italien, Israélien.
Durée : 1h47min
Synopsis :
Azar Nafisi, professeure à l’université de Téhéran, réunit secrètement sept de ses étudiantes pour lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime. Alors que les fondamentalistes sont au pouvoir, ces femmes se retrouvent, retirent leur voile et discutent de leurs espoirs, de leurs amours et de leur place dans une société de plus en plus oppressive. Pour elles, lire Lolita à Téhéran, c’est célébrer le pouvoir libérateur de la littérature.
Étoile lumineuse d'un septième art hexagonal - mais aussi et surtout international -, qui n'auraient sans doute jamais été pareil sans elle (on exagère juste un peu), la merveilleuse comédienne iranienne Golshifteh Farahani alterne depuis une bonne quinzaine d'années fresques politiques, bijoux d'auteurs, comédies/romances mordantes ou même grosses productions made in Hollywood (elle s'est même frotté à l'épouvante avec l'excellent Roqya l'an dernier, premier long-métrage du wannabe cinéaste Saïd Belktibia), avec une justesse et une liberté étonnante.
Une reine, rien de moins.
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Et c'est par le biais de l'adaptation d'un classique de la littérature, qu'on la retrouve en ces premières heures du printemps avec donc Lire Lolita à Téhéran, nouveau long-métrage du cinéaste israélien engagé Eran Riklis mais aussi et surtout mise en images fidèle du roman autobiographique éponyme de l'écrivaine iranienne Azar Nafisi; chronique de son retour au pays au lendemain de la révolution islamique, où son enseignement universitaire de la littérature anglaise à Téhéran, s'est frontalement confronté à la censure du régime au point qu'elle créera, secrètement, un club de lecture clandestin avec sept de ses étudiantes pour se réunir autour des classiques interdits de la littérature occidentale, et pousser chacune à voir au-delà de leur réalité oppressive (une question de survie comme une porte à l'exploration de leur propre identité).
Scindé en quatre épisodes/chapitres comme autant d'œuvres partagées par les jeunes femmes (Lolita de Vladimir Nabokov, Gastsby le Magnifique de F. Scott Fitzgerald, Daisy Miller d'Henry James et Orgueil et préjugés de Jane Austen, tous qui, analysés, reflète les difficultés que vivent les personnages), la narration se fixe au plus près de ses figures à la fois fortes et résilientes, composant avec les limites anxiogènes d'un pouvoir en place autoritaire et patriarcale sensiblement enclin à la barbarie, qui n'a de cesse d'éprouver sa démonstration de l'effritement croissant des droits des femmes (une lutte permanente, hier comme aujourd'hui).
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Une narration fragmentée (où les flashbacks renforcent joliment l'impact émotionnel du film) dont les sauts dans le temps ne font qu'affirmer le glissement brutal et violent vers l'obscurité dénué d’espoir de toute une nation, un pessimisme et une impuissance encore plus pertubante pour ses jeunes qui ont grandi au milieu d'interdits et d'interdictions, elle dont le cercle littéraire est censé agir comme l'ultime bouclier de leur résistance, une secrète rébellion qui leur donne un semblant de pouvoir face à un monde extérieur proprement froid et terrifiant.
Le tout épaulée par une boussole éprouvée, une enseignante/mentore qui se fait le symbole de la résistance féminine et intellectuelle (une formidable Golshifteh Farahani, à la fois forte et fragile).
Drame doux-amer aussi essentiel qu'il est politique et féministe, Lire Lolita à Téhéran se fait un témoignage poignant sur une Iran moderne littéralement à la croisée des chemins, sous couvert d'une exploration vibrante du pouvoir transformateur et émancipateur de l'art.
Jonathan Chevrier
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