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[CRITIQUE] : Les Damnés


Réalisateur : Roberto Minervini
Acteurs : René W. Solomon, Jeremiah Knupp, Cuyler Ballenger, Timothy Carlson,...
Distributeur : Les Films du Losange
Genre : Historique, Guerre.
Nationalité : Belge, Canadien, Italie, Américain.
Durée : 1h39min

Synopsis :
Hiver 1862. Pendant la guerre de Sécession, l’armée des Etats-Unis envoie à l'Ouest une compagnie de volontaires pour effectuer une patrouille dans des régions inexplorées. Alors que leur mission change de cap, ils questionnent le sens de leur engagement.




Critique :



Curieux mais fascinant cinéaste que Roberto Minervini, que l'on avait découvert avec la captivante « trilogie texane » (The Passage, Low Tide mais surtout Le Cœur Battant, pour lequel il mettait déjà en scène les frangins Noah et Tim Carlson); un véritable artisan du « documentaire de création » (cocktail hybride entre la prise de vue réelle et une fiction résolument plus planifiée) sensiblement délaissé au fil du temps par le septième art et ses artisans, mais qui n'hésite pas pour autant à s'essayer à une fiction plus pure et dure, comme avec son dernier effort en date, Les Damnés, passé par la case Croisette l'an dernier - dans la section Un Certain Regard.

Copyright Okta Film

Une première œuvre totalement de fiction pour laquelle il traverse à nouveau l'atlantique pour nous catapulter au cœur de la guerre de Sécession et de ses soldats aussi perdus (dans tous les sens du terme) qu'ils sont condamnés à un destin funeste au cœur des vallées dangereuses et somptueuses d'un Montana enveloppé par la froideur de l'hiver - mais aussi une photographie Lubezkienne de Carlos Alfonso Corral.

Loin de ses marques, Minervini ne perd pas fondamentalement le nord, lui qui aborde les codes balisés du western avec la même lenteur et le même souci anthropologique que pour ses portraits documentaires (jeu naturaliste et dialogues improvisés à la clé), les réduisant au strict minimum dans son observation minutieuse de la monotonie du quotidien de sa petite troupe de soldats d'âges, d'origines, d'idéaux et de classes différentes, qu'il pointe dans un vrai souci de déconstruire toute idée d'héroïsme ridicule qui se cache derrière elle : une lutte cruelle et absurde contre le néant, dont le peu de sens ne peut qu'échapper lentement mais sûrement à ceux qui la mène.

Copyright Okta Film

Un western plus existentialiste et contemplatif que crépusculaire donc, une contre-proposition dont se dégage une intimité qui n'a d'égale que sa tension sourde - le danger est littéralement partout -, vissé qu'il est sur ses êtres lancés dans une guerre fantôme (aucun ennemi n'est réellement identifiable, si ce n'est une nature à la férocité implacable), en état d’errance perpétuelle vers nulle part, où l'espoir de survie se perd comme eux-mêmes dans l'inconnu.


Une sacré proposition à la fois enivrante et inquiétante.


Jonathan Chevrier