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[CRITIQUE] : Prima la vita


Réalisatrice : Francesca Comencini
Acteurs : Fabrizio Gifuni, Romana Maggiora Vergano, Anna Mangiocavallo, Monterosi Daniele,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Genre : Drame.
Nationalité : Italien, Français.
Durée : 1h50min

Synopsis :
Un père et sa fille habitent les mondes de l’enfance. Il lui parle avec respect et sérieux, comme à une grande personne, il l’entraine dans des univers magiques débordants de vie et d’humanité. Il est le grand cinéaste de l’enfance et travaille sur Pinocchio. Un jour, la petite fille devient une jeune femme et l’enchantement disparait. Elle comprend que la rupture avec l’enfance est inéluctable et a le sentiment qu’elle ne sera plus jamais à la hauteur de son père. Alors elle commence à lui mentir et se laisse aller, jusqu’au bord du gouffre. Le père ne fera pas semblant de ne pas voir. Il sera là pour elle, tout le temps qu’il faut.




Critique :



Il y a quelque chose de profondément touchant qui se dégage du récit autobiographique offert par la cinéaste italienne Francesca Comencini, à travers son nouveau long-métrage, Prima la vita, pas si éloignée au fond de l'expérience auto-analytique de Paolo Sorrentino au coeur de son magnifique La Main de Dieu (voire même de celle qu'à pu croquer Steven Spielberg avec The Fabelmans, où le rapport parental était aussi marqué), elle qui place ici au cœur de sa prose sa tumultueuse relation avec son metteur en scène de père, Luigi Comencini, figure fondatrice de la comédie à l'italienne (Pain, amour et fantaisie, L'Incompris où encore L'Argent de la vieille), avec un regard à la fois authentique et lucide.

Copyright Pyramide Distribution

Une œuvre joliment douce-amère, chronique de - littéralement - toute une histoire père-fille (dont elle exclut consciemment tous les autres membres, sa mère comme ses sœurs, toutes intimement liées à l'industrie cinématographique italienne) sur laquelle elle tisse, en toile de fond, aussi bien une union délicate avec l'histoire du cinéma, qu'avec le contexte politique et artistique d'une Italie d'après-guerre au climat sociale tout aussi perturbée.
Tout un programme, pour ce qui apparaît tout autant comme un hommage délicat d'une gamine à son paternel qui lui a transmis sa fascination pour la magie du septième art (qu'il n'a pas uniquement célébré une caméra au poing, lui qui s'est fermement engagé dans la conservation de nombreuses oeuvres), tout autant qu'un récit sensiblement réflexif où la passion côtoie douloureusement les abîmes d'une vie brûlée pendant longtemps, par les deux bouts.

Un versant autodestructeur dont elle ne cache pas les douloureuses vérités (sans jamais tomber dans la malhonnêteté d'une exposition putassière de sa souffrance et de ses addictions, qu'elle avait d'ailleurs déjà abordé d'une certaine manière dans son premier long-métrage, Pianoforte), comme la dichotomie derrière l'amour qu'elle a toujours voué pour un homme dont elle n'a finalement, jamais pensé pouvoir être à la hauteur et encore moins vraiment su s'en émanciper... jusqu'à aujourd'hui.

Copyright Pyramide Distribution

Avec une transparence on ne peut plus louable, Francesca Comencini s'offre, passé soixante ans, l'opportunité de parler de son lien fusionnel avec l'homme de sa vie, s'autorise à dévoiler l'image pleine de tendresse du père bienveillant derrière le faiseur de rêves, comme pour mieux s'affirmer avec puissance en tant que femme et cinéaste.
En résulte une fable à l'italienne esthétiquement inventive et émotionnellement dense, à la fois sensible et solaire, onirique et passionnée... une belle surprise, rien de moins.


Jonathan Chevrier