[FUCKING SERIES] : À L'Aube de l'Amérique : Living in America
(Critique - avec spoilers - de la mini-série)
Si tu croyais toi aussi, assez naïvement, que Dallas avait l'univers le plus impitoyable de la télévision américaine (référence - assumée - de boomer), tu te mets gentiment le doigt dans l'œil - comme nous - parce que oui, la naissance des États-Unis dans le feu, le sang et les larmes et le massacre de millions d'amérindiens par les colons européens, c'est quand-même un petit peu plus corsé que les aternoiements friqués de la famille Ewing.
Corsé mais avec décemment moins d'alcool, Sue Ellen " Miss Whisky forever " Ewing oblige.
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Et dans un paysage télévisé où le western est dominé d'une main de maître par un Taylor Sheridan plus productif que jamais depuis le carton maousse costaud de Yellowstone (avec Kevin Costner, tout un symbole), American Primeval aka À L'aube de l'Amérique, bien qu'inégale sur ses six petits épisodes, incarne sans aucun doute l'une des meilleures alternatives du moment, elle qui renoue avec l'esprit sombre, cru et (merveilleusement) crasseux de Deadwood.
Une vision, en somme, loin d'être romancée du passé (ce qui la démarque d'une bonne frange de la production actuelle), flanquée au cœur des terres indomptées et sauvages de l'Utah du milieu du XIXe siècle, vissée sur la guerre barbare pour la prise des dernières terres " vierges " entre les divers armées, les mormons et leur milice toute aussi violente (qui apparaissent ici, en gros et sans nuances, comme les plus gros génocidaires de tout l'état) mais aussi les ethnies amérindiennes luttant comme elles le peuvent contre la colonisation.
Plus que la loi du plus fort, c'est la loi du plus armé et brutal qui règne, et survivre signifie avant tout et surtout de tuer avant d'être tué.
Scindant son intrigue en trois parties bien distinctes aux enjeux disparates et aux dialogues férocement fleuris, c'est sans doute dans sa narration à la fois joliment tentaculaire et confuse, que la série trouve sa plus grande fragilité, tant elle apparaît (beaucoup trop pour son bien) comme trois mini-séries condensées en une et à l'intérêt déséquilibrée (dont une, dominée par Dane DeHaan, louchant - trop - sur The Revenant d'Alejandro G. Iñárritu, Mark L. Smith à l'écriture oblige), même si toute muée sur une morale essentielle : la violence et la haine du passé n'ont jamais vraiment disparu, elle s'est juste transformée, diluée en différentes formes de gouvernance politique et de rigueur religieuse qui ont savamment su perdurer avec le temps - et s'est même dangereusement renforcée ces dernières années.
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Porté par une solide distribution (Shea Whigham est formidable, Taylor Kitsch n'est jamais meilleur et plus investi que sur le petit écran - son tandem avec Betty Gilpin est le cœur vibrant du show -, la reine Kim Coates fait du Kim Coates), À L'aube de l'Amérique s'attaque au mythe du fondement des États-Unis de la manière la moins sentimental qui soit, en tapant fièrement dans le gras de l'histoire avec une brutalité qui n'a d'égale que son manque de subtilité.
Pas forcément pour tous les publics, il n'en reste pas moins un portrait réaliste et cru du colonialisme et de la poliique expansionniste occidentale qui, sous forme d'anthologie pure et dure, aurait vraiment pu faire des ravages...
Jonathan Chevrier