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[CRITIQUE] : Julie se tait


Réalisateur : Leonardo Van Dijl
Avec : Tessa Van den Broeck, Ruth Becquart, Koen De Bouw, Claire Bodson,...
Distributeur : Jour2Fête
Budget : -
Genre : Drame.
Nationalité : Belge, Suédois.
Durée : 1h37min

Synopsis :
Julie, une star montante du tennis évoluant dans un club prestigieux, consacre toute sa vie à son sport. Lorsque l'entraîneur qui pourrait la propulser vers les sommets est suspendu soudainement et qu'une enquête est ouverte, tous les joueurs du club sont encouragés à partager leur histoire. Mais Julie décide de garder le silence.



Critique :



Huit ans ou presque maintenant après l'explosion, essentielle, du mouvement #MeToo, on ne peut pas forcément dire que son pendant sportif est fait beaucoup de boucan là où, ce n'est pas forcément un secret, à l'instar du septième art, c'est un milieu où les dérives sont non seulement nombreuses, mais surtout sensiblement laissées sous silence - on pense aux centaines d'accusations entourant Larry Nassar, le médecin de l’équipe nationale olympique américaine où, plus proche de nous, celle de la patineuse Sarah Abitbol envers son entraîneur.

En ce sens, et alors que l'opinion publique commence (toujours timidement) à ouvrir les yeux et à découvrir les divers abus mais surtout à écouter - et croire - les victimes, une proposition telle que Julie se tait, estampillée premier long-métrage du wannabe cinéaste belge Leonardo Van Dijl, porte en lui la même importance que pouvait avoir le puissant et frontal Slalom de Charlène Favier (encore plus à-propos puisqu'il s'appuyait sur la propre histoire douloureuse de la réalisatrice), vissé qu'il est sur le calvaire d'une jeune et talentueuse tenniswoman du Plat Pays, promise à une belle carrière, mais victime de l'emprise toxique de son entraîneur, suspendu soudainement alors que des soupçons d'abus planent sur lui (une enquête est ouverte autour du suicide d'une autre joueuse prometteuse du club).

Copyright Nicolas Karakatsanis

C'est son bouleversement intime face à tout un/son monde qui s'écroule, elle qui a - littéralement - consacré toute sa jeune existence à sa passion et à la beauté du sport (quitte à tout lui donner et à s'isoler des autres), son choix de garder sous silence ce qu'elle sait comme sa profonde remise en question d'une dynamique toute en discipline, en sacrifice et en asservissement à un homme appelé à l'amener au sommet; qui est au coeur des débats, Van Dijl jouant justement du mutisme de sa jeune héroïne et de son long et difficile parcours pour s'extirper d'une situation toxique et dangereuse, pour aborder avec minutie et sensibilité les questions complexes et nuancées des dynamiques de pouvoir, de violence et d'emprise auxquelles les jeunes athlètes sont confrontés dans des environnements aussi compétitifs où l'individualité et la victoire priment sur tout.

Pudique mais percutant, tout en non-dits pesants, en silence et en suggestions, embaumé dans une vraie atmosphère de malaise, Julie se tait ne serait cela dit pas aussi poignant sans la prestation désarmante de justesse de la talentueuse Tessa Van den Broeck, dévorée de l'intérieur mais montant courageusement au filet pour mieux se reconstruire.
Un sacré premier effort donc.


Jonathan Chevrier