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[CRITIQUE] : Le Déluge


Réalisateur : Gianluca Jodice
Acteurs : Guillaume Canet, Mélanie Laurent, Aurore Broutin, Vidal Arzoni,...
Distributeur : Memento Distribution
Budget : -
Genre : Drame, Historique.
Nationalité : Français, Italien.
Durée : 1h41min.

Synopsis :
1792, L’Ancien Régime touche à sa fin. À Paris, Louis XVI et son épouse Marie-Antoinette sont arrêtés et conduits au donjon de la Tour du Temple. Librement inspiré des carnets de Cléry, valet de chambre du Roi resté auprès de lui jusqu’à sa mort.



Critique :



Sur le papier, cela avait tout d'une mauvaise blague pas forcément assumée, un mauvais cadeau de Noël qu'on aurait balancé soigneusement sous le sapin avec la volonté de saloper la fête.

Flairez plutôt : une nouvelle mise en images des dernières heures, en 1792, de Marie-Antoinette, enfermée en attente de son procès dans la Tour du Temple, avec son mari, Louis XV, et ses enfants, avant que la Révolution ne vienne faire son office et emporte de nombreuses têtes bourgeoises et couronnées dans son élan (accusés, notamment, d'avoir manœuvré avec les puissances étrangères contre la Révolution, il sera guillotiné en janvier 1793, tandis qu'elle subira le même sort en octobre de la même année).

Copyright Fabio Lovino

Le tout avec Mélanie Laurent et Guillaume Canet (en mode cosplay de Christian Clavier dans Les Visiteurs : La Révolution) dans les rôles-titres, et le cinéaste italien Gianluca Jodice à la barre, lui dont le premier long-métrage n'avait déjà pas su traverser les Alpes pour atteindre nos salles obscures - Le Poète et le dictateur.
Sacrée ambiance donc, pour une proposition étonnamment épurée qui débute là où l'exposé pop de Sofia Coppola plaquait son clap de fin, mais surtout qui se revendique moins comme un cours d'histoire qui interroge/cite à outrance les faits (c'est, et de loin, l'époque de notre histoire que le septième art a le plus abordé, et quasiment sous toutes les coutures possibles), que comme un drame se voulant résolument empathique envers ses sujets vulnérables, au-dessus de qui plane l'ombre imposante d'une guillotine appelée à les frapper.

Jodice se concentre alors tout du long sur la relation un temps déconnectée mais désormais frappée par le sceau de la réalité, qu'entretien le couple royal avec un monde extérieur dont il n'est définitivement plus - et ne sera plus jamais - la figure centrale, et qui lui exprime sa détestation de la plus brutale des manières, le cinéaste éloignant sciemment toute question sociale comme politique et économique pour mieux pointer l'éloignement totale de la famille royale (et sa manière disparate d'encaisser l'inéluctable) avec le quotidien de la France : ils ne sont plus que les propres marionnettes sans vie d'un quotidien qui l'est tout autant, les fantômes d'une mort déjà annoncée et errant dans un purgatoire aussi sinistre que luxueux.

Copyright Stefano Delia

Mais ce qui aurait pu être une étude à la fois figée et dérangeante d'une royauté qui abandonne - littéralement - le monde (à l'instar de la vision crue d'un Albert Serra, voire d'un Roberto Rossellini), se perd un peu trop vite en cours de route, et ne s'avère in fine qu'une exploration à la surface des sentiments contraires et dépourvue de profondeur, certes élégante et bien interprétée (que ce soit Guillaume Canet, solide même si doté d'une prothèse peu heureuse, où une excellente et indomptable Mélanie Laurent) mais presque, elle aussi, emprisonnée dans la Tour du Temple d'une vision théâtrale jamais totalement à l'aise avec ses digressions intellectuelles.

Pas désagréable donc, mais un peu trop vulnérable et oubliable pour son bien.


Jonathan Chevrier