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[CRITIQUE] : L'histoire de Souleymane


Réalisateur : Boris Lojkine
Acteurs : Abou Sangare, Alpha Oumar Sow, Nina Meurisse, Emmanuel Yovanie,...
Distributeur : Pyramide Distribution
Budget :
Genre : Drame.
Nationalité : Français.
Durée : 1h33min. 

Synopsis :
Tandis qu’il pédale dans les rues de Paris pour livrer des repas, Souleymane répète son histoire. Dans deux jours, il doit passer son entretien de demande d’asile, le sésame pour obtenir des papiers. Mais Souleymane n’est pas prêt. 


Critique :


Critique : 

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C'est peut-être à cause d'un clivage politique mondiale de plus en plus extrême (la montée progressive de l'extrême droite n'est plus qu'une simple menace, c'est une vérité qui nous touche tous à différentes échelles), qui va évidemment de pair avec une humanité passablement usée par le contexte sanitaire de ses dernières années, que la production cinématographique actuelle à une tendance prépondérante à vouloir aborder des sujets socialement pertinents, pour mieux alerter une population face à des dilemmes humains, sociaux et/ou écologiques de plus en plus préoccupant. 

Copyright Pyramide Distribution

Le puissant L'histoire de Souleymane de Boris Lojkine, qui s'emparait déjà d'un sujet difficile à travers son dernier effort, excellent Camille (la guerre civile en Centrafrique, où il interrogeait sa jeune héroïne sur sa propre fonction - journaliste -, tout en en faisant elle aussi, la victime d'une guerre qu'elle couvre), s'attaque donc cette fois à la problématique des sans-papiers (comme dans une suite naturelle à son Hope) à travers quarante-huit heures dans l'existence d'un livreur qui parcourt à vélo la capitale sous une autre identité, Souleymane, à la veille d'un évènement décisif : son entretien de demande d’asile auprès de l'OFPRA, qui considérera s'il est digne d'être aidé ou non, avec tout ce que cela comporte d'inhumanité dans ce système déshumanisé et déshumanisant. 

Un système qui implique que sous le poids de la peur d'être expulsé, les demandeurs doivent inventer des récits fictifs pour mieux correspondre aux exigences et être considérés comme dignes d'être considéré comme un réfugié.
Même s'il vit continuellement dans le mensonge, Souleymane (un impressionnant Abou Sangare qui, dans la vraie vie, est ironiquement sans-papiers lui aussi), à la nervosité toujours contenue, peine justement à mémoriser cette histoire fictive et héroïque, qui tranche avec sa réalité de survivant (pas assez sensationnelle et trop commune pour marquer).
Et le fait qu'il n'arrive pas à se vendre pour ce qu'il n'est pas, n'est qu'une énième embûche pour un homme qui doit déjà conjuguer avec un quotidien tout en urgence, au coeur d'un cadre parisien continuellement hostile - des clients mécontents à sa propre communauté - et dont il ne maîtrise pas toujours les codes. 

Copyright Pyramide Distribution

D'une intimité inattendue, confrontant l'espoir naïf d'un avenir meilleur au chaos et à la désorientation modernes et urbains face à l'itinérance, L'histoire de Souleymane n'a fondamentalement rien d'original, mais il frappe par son authenticité à toute épreuve, dénuée de tout sentimentalisme putassier, par son portrait ravageur d'un homme ayant tout quitté pour offrir un quotidien moins difficile aux siens, et qui se voit percuter de plein fouet par la vérité aveugle d'une société consumériste qui va s'amuser à l'user, l'exploiter, le broyer (le consommer, jusqu'à la moelle) avant de littéralement le jeter quand elle n'aura plus besoin de lui, consciente qu'il y aura toujours quelqu'un pour le remplacer. 

Une oeuvre importante, qui met la lumière et (re)donne de la dignité à ceux à qui on l'a refuse.


Jonathan Chevrier