[CRITIQUE] : Joker : Folie à Deux
Réalisateur : Todd Phillips
Acteurs : Joaquin Phoenix, Lady Gaga, Catherine Keener, Brendan Gleeson, Harry Lawtey, Zazie Beetz,...
Distributeur : Warner Bros. France
Budget : -
Genre : Action, Drame, Romance.
Nationalité : Américain.
Durée : 2h19min.
Synopsis :
A quelques jours de son procès pour les crimes commis sous les traits du Joker, Arthur Fleck rencontre le grand amour et se trouve entraîné dans une folie à deux
Critique :
Avec #JokerFolieADeux, Phillips passe la seconde en cassant le levier de vitesse, enterre l'esprit Scorsesien du premier film pour voguer vers un auto-remake lâche où la seule valeur ajoutée, l'aspect comédie musicale, ne sait jamais vraiment trouver sa place. Not quite our tempo pic.twitter.com/jRKK7S3mut
— Fucking Cinephiles (@FuckCinephiles) October 2, 2024
Dans une industrie Hollywoodienne où le moindre succès se voit être gangbangisé jusqu'à la moelle, le carton monstrueux, presque miraculé, du Joker premier du nom de Todd Phillips (1,078 milliard de dollars au B.O. mondial, pour 55 millions de budget), qui a quand-même permis à Joaquin Phoenix d'aller chercher l'oscar du meilleur acteur (après le Lion d'Or à la Mostra, on n'était pas à une folie près), ne pouvait appeler qu'une suite, inévitable et indésirée - même pas ses propres artisans -, mais avant tout et surtout inutile dans le sens où elle serait déjà moquée avant même son arrivée dans les salles.
Et parce qu'il est tout aussi inévitable qu'un miracle ne puisse jamais se produire deux fois, Joker : Folie à Deux, fruit d'une paternité inattendue pour un Phillips qui réitére au final les mêmes erreurs que pour sa trilogie Very Bad Trip (dont l'opus original était, lui aussi, un triomphe public inattendu), est à l'image de toute suite produite uniquement sous le poids des règles strictes du box-office et d'un fandom toxique : un ratage certes loin d'être complet, mais cruellement prévisible.
Abandonnant avec amertume le terrain sinueux de la citation/régurgitation Scorsesienne pour s'aventurer vers celui, hautement improbable et risqué (et absolument pas assumé par la campagne promotionnelle, pour réaffirmer encore plus le manque d'assurance à la tâche du bonhomme) de la comédie romantico-musicale sauce drame procédural et carcéral (ça semble surchargé : c'est normal), pas toujours maîtrisé dans son premier versant et lourdement redondant dans son second (qui se fait un rappel pachydermique du premier film, dans ses thèmes comme dans sa galerie de personnages), tant tout est moins qu'un pas de deux qu'un éternel moonwalk qui n'atteint jamais la grâce espérée, même si elle y touche du bout de la pellicule parfois - la magnifique séquence sur l'air de To Love Somebody en tête.
Que Phillips s'échine à retracer à nouveau le chemin psychologico-troublé parcouru pendant les deux heures précédentes, par son " Arthur Fleck/pas Joker mais vrai mythe/symbole ", n'est pas un problème en soi sur le papier, tant il semblait y être question d'y apporter, à la base, une hybridation plutôt accrocheuse - la comédie musicale -, le hic, c'est que le cinéaste, accompagné par un Joaquin Phoenix qui consent très vite n'avoir plus rien à apporter au personnage, profite moins de son dit potentiel musical, que d'une idée profondément mesquine et lâche derrière cette redite savamment pensée : une normalisation du propos politico-social original, qui était in fine en adéquation avec une colère populaire bien réelle à venir, pour voguer vers la voie de la rébellion aseptisée purement Hollywoodienne.
Un enterrement de l'esprit Scorsesien, soit les seules vraies bonnes - même si calquées à outrance - intentions du premier film, au profit d'un auto-remake malade chanté et dansé à la réflexion furieusement creuse, plombé par une séquence judiciaire pachydermique au possible (qui gâche au passage, la présence tout en ambiguïté d'un Harvey Dent à peine survolé) et où seul survole une Lady Gaga appelée à donner du corps et de la voix à une œuvre qui n'en a jamais vraiment voulu, à une œuvre qui ne sait jamais vraiment quelle place lui donner... comme à la comédie musicale.
Limité et limitant, chargé en séquences musicales gênées et sur-explicatives, wannabe hymne à l'amour (désen)chanté qui laisse justement de côté l'une des deux figures de sa Romance (Quinn, complètement anecdotique), Joker : Folie à Deux a tout de la suite sans énergie et envie, symbole d'une production conçue uniquement parce qu'elle était inévitable.
La folie d'un deux, rien de plus.
Jonathan Chevrier