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[CRITIQUE] : City of Darkness


Réalisateur : Soi Cheang
Avec : Louis KooSammo Kam-Bo HungRaymond LamRichie Jen,...
Distributeur : Metropolitan FilmExport
Budget : -
Genre : Action, Thriller.
Nationalité : Hong-kongais.
Durée : 2h05min 

Synopsis :
Dans les années 80, le seul endroit de Hong Kong où la Loi Britannique ne s’appliquait pas était la redoutable Citadelle de Kowloon, une enclave livrée aux gangs et trafics en tous genres.

Fuyant le puissant boss des Triades Mr. Big, le migrant clandestin Chan Lok-kwun se réfugie à Kowloon où il est pris sous la protection de Cyclone, chef de la Citadelle. Avec les autres proscrits de son clan, ils devront faire face à l'invasion du gang de Mr. Big et protéger le refuge qu'est devenue pour eux la cité fortifiée.



Critique :



La ville fortifiée de Kowloon, fort militaire devenu un quartier résidentiel proprement ingouvernable à Hong Kong et régit par ses propres règles, avant d'être démoli en 1993, était sans doute la plus belle incarnation cyberpunk que l'humanité ait pu connaître.
Un territoire à part bouffé par les câbles électriques et les néons, déglingué et irréel tout droit sorti d'un imaginaire débridé, un écosystème littéralement autonome et à la précarité endémique où les Triades régnaient en maître, raison évidente de sa citation/exploitation sporadique par le septième art (tout amoureux de la filmographie de JCVD, pensera instinctivement à Bloodsport, puisque le kumite trouvait refuge dans ses entrailles labyrinthiques, oppressantes et désespérées).

Que Soi Cheang en fasse le cadre de son second effort de l'année (mais surtout de l'été, doux hasard de la programmation française), City of Darkness, passé le mitigé Mad Fate, avait donc quelque chose de gentiment excitant, sorte d'écho à son propre cinéma (c'est un décorum Cheangien en diable, et sa reconstitution pas totalement fidèle certes, n'en est pas moins proprement extraordinaire), de réminiscence musclée d'un passé pas si lointain - historique comme cinématographique -, sous fond d'allégorie puissante et profondément évocatrice d'un Hong-kong alors en pleine transition post-rétrocession par le colon britannique.

Copyright ENTERTAINING POWER CO. LIMITED

Soit le terreau parfait pour un film d'art martiaux sauce polar HK à l'ancienne, privilégiant bien plus la castagne homérique et les sensations primaires, qu'une narration fouillée et originale, quand bien même le cinéaste a le bon ton de tout autant célébrer la luminosité derrière la noirceur de murs jamais léchés par le soleil, l'humanité et la solidarité de ces exclus de la société - soit une antithèse de Limbo et Mad Fate.
Une déconstruction mais également une reconstruction, une transition à la fois à l'écran et au sein même de la filmographie d'un cinéaste peut-être pas encore changé, mais au prisme changeant.

Du beat them all donc mais avec du cœur et du corps (un pendant social et politique certes relégué au second - voire au troisième - plan, mais bel et bien perceptible), tant le Cheang nouveau titille la rétine tout autant qu'il cogne dur et fort, dépouillant savamment son matériau d'origine (le manhua éponyme de Andy Seto), pour n'en retenir que la substantifique moelle à la fois tragique et burnée, vissé qu'il est sur une intrigue faussement taillée à la serpe (un immigrant chinois, Chan Lok Kwan, se réfugie dans la citadelle après avoir fui le parin du crime Mr. Big, avant d'être au premier rang a la fois d'une vengeance et d'une véritable guerre des gangs/clans) et au plus près de personnages croquer à peine plus que de raison (les figures secondaires ne sont caractérisés que par leurs apparences où presque) mais dans le même temps furieusement attachants.

Les outils tranchants et brutaux, même si archétypaux comme dit plus haut, d'une convocation nostalgique et enthousiasmante d'un classicisme imparfait et presque révolu, par un cinéaste à l'esprit mélancolique et frondeur, voulant réveiller le cinéma HK avec des bâtons de dynamite.

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Et la dynamite, ce sont ses incroyables scènes de bastons purement viscérales - définitivement les plus exaltantes de récente mémoire -, fruit de chorégraphies minutieuses et énervées épousant sans réserve, tout comme la mise en scène, le chaos architectural ambiant (et ce, sans se laisser aller à une effusion de sang malhabile).
Des morceaux de bravoure qui ne masquent certes pas toutes les (menus) imperfections du film, mais qui justifie amplement le déplacement dans une salle obscure presque trop petite pour la générosité folle et le plaisir intense que cette séance suscite.


Jonathan Chevrier


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City of Darkness, film à l’ancienne, sait en mettre plein les mirettes. Les personnages ne sont pas bien étoffés mais qu’importe ils savent donner coup de tatanes comme personne. C’est l’essentiel. Si le film semble sorti d’une décennie passée, ce n’est pas un hasard. Le projet d’une adaptation du manhua - bande-dessinée chinoise - d’Andy Seto est dans les tuyaux depuis un petit moment. Le projet débute dans les années 2000 avec Johnnie To et John Woo pressentis à la coréalisation. Plus rien jusqu’en 2013, où la boite de production Meda Asia, annonce que le projet sous le nom de Dragon City sera finalement réalisé par Derek Kwok avec Donnie Yen. Après un blocage de plusieurs années, la production peut enfin commencer en 2021 avec la configuration actuelle. 


Dans City of Darkness, le réalisateur Soi Cheang qui n’a eu de cesse de filmer Hong Kong (poisseuse dans Limbo, étrangement ludique dans Accident) s’attaque ici à une bizarrerie de la ville : la citadelle Kowloon. Originellement , Kowloon servait de poste d’observation contre les pirates et de centres d’administration du sel lors de la dynastie Song (960–1279). En 1842, lorsque l'île de Hong-Kong fut cédée aux britanniques, la forteresse resta propriété chinoise. Cette dernière fut attaquée par les anglo-saxons en 1899 mais ces derniers la trouvèrent abandonnée. Elle fut alors laissée sans administration telle un no man’s land et fut donc le terrain propice pour différentes activités pas particulièrement légales. Une société exempte de toute administration se créa au sein de cette énorme monolithe labyrinthique. Cette trop grande liberté ne plaisant pas aux gouvernements, la citadelle fut détruite au début des années 1990 mais reste encore un symbole de la vie politique complexe de Hong-Kong.


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City of Darkness se déroule dans les années 80, crépuscule de cette micro société symbole d’une certaine liberté. Comme dans chacun  de ses films, Soi Cheang fait de la ville et du contexte politique un personnage à part entière sans pour autant rendre la connaissance du contexte indispensable. Il n’est pas nécessaire de connaître l’histoire de cette étrange citadelle pour apprécier les conflits géopolitiques et générationnels en jeu dans le film. Ils sont cette toile de fond qui nourrissent cette atmosphère particulière mais ne prendront jamais le pas sur le coeur du film : un brave buddy movie riche en scènes d’action qui lorgne légèrement vers la fresque épique.


Soi Cheang s’amuse dans ses décors labyrinthiques et étouffants de cette société hors du monde qu’est Kowloon. Aux décors, Kenneth Mak (ou Kwok-Keung Mak) qui était déjà le génie derrière le Hong-Kong moite de Limbo mais qui se permet ici des petites touches d’humour, des boutiques un peu loufoques, des stands de marchés étonnants et fait de chaque couloir une surprise pour le spectateur. Au casting, de sacrés noms de cinéma hong-kongais : Louis Koo, Sammo Kam-Bo Hung ou encore Raymond Lam qui se sont tous entraînés pendant plus d’un an pour perfectionner leur maîtrise des arts martiaux. Le travail se ressent tant les séquences de combats sont parfaitement chorégraphiées et haletantes.


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City of Darkness est un gros morceau d’action généreux, un pur plaisir à regarder qui à l’intelligence de placer son récit dans cette enclave typiquement hongkongaise, cette citadelle anarchiste hors du temps. Pour mener à bien l’affaire, un cinéaste qui semble amoureux de sa ville, un chef décorateur minutieux et un casting prestigieux hyper investi.



Éléonore Tain




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